Faut-il craindre un retour de la forte inflation ? (1ère Partie)

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Par Marc Touati Publié le 24 février 2021 à 6h30
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@shutter - © Economie Matin
5%La variation annuelle du PIB mondial devrait avoisiner les 5% en 2021

Depuis quelques mois, les cours des matières commencent à augmenter nettement, notamment à cause des pénuries engendrées par la pandémie. Depuis octobre dernier, l'indice CRB de l'ensemble des matières premières dans le monde a ainsi bondi de 26 %.

Il retrouve désormais son niveau d'avant-crise. Une remontée qui commence à se répercuter sur les prix à la production et à la consommation. Parallèlement, des mouvements de relocalisations se produisent de plus en plus des pays à bas coûts vers des pays plus « coûteux ». Face à ces évolutions récentes, une question s'impose : ne risque-t-on pas d'assister à une forte augmentation de l'inflation ? Et ce, d'autant que les « planches à billets » excessives des banques centrales à travers le monde finiront forcément par susciter des poussées inflationnistes.

L'indice CRB retrouve son niveau d'avant-crise.

Sources : CRB, ACDEFI

Certains monétaristes invétérés (eh oui, ça existe encore !) n'ont d'ailleurs pas tardé à annoncer le retour de l'hyperinflation. Soyons sérieux : même si l'inflation va logiquement augmenter au cours des prochaines années, les risques d'avènement d'une forte inflation et a fortiori à deux chiffres, sont extrêmement faibles, voire inexistants. Et ce, pour au moins six raisons, qui montrent que les moteurs habituels de l'inflation sont durablement soit à l'arrêt, soit au ralenti.

Premièrement, si l'inflation augmente au cours des prochains mois, ce sera principalement par le biais d'un effet de correction de la faiblesse passée et via l'augmentation prévisible des cours des matières premières, du moins si nous sortons de la crise sanitaire et de la récession en 2021.

Deuxièmement, en dépit d'une inévitable augmentation liée à l'amélioration progressive de la croissance mondiale, les prix des matières premières ne devraient pas flamber comme en 2007-2008. En effet, en 2007, aprés avoir déjà atteint 5,5 % l'année précédente, la croissance mondiale était de 5,7 %. Or, aprés être tombée à - 4,0 % en 2020, la variation annuelle du PIB mondial devrait avoisiner les 5,0 % en 2021 et se stabiliser ensuite autour d'un niveau structurel de l'ordre de 2,5 %.

De plus, pour ne parler que du pétrole, n'oublions pas que l'offre mondiale « d'or noir » reste et restera encore pour longtemps supérieure à la demande, réduisant par là même les risques de pénuries à venir. Autrement dit, si un baril à 60 dollars paraît justifié pour 2021, un baril durablement supérieur à 80 dollars semble exclu.

Troisièmement, compte tenu du caractère modéré de la croissance mondiale pour les années à venir, l'inflation par la demande restera contenue. Et ce d'autant que les risques politiques et géopolitiques qui pèsent sur la sphère économico-financière internationale empêcheront toute euphorie.

Quatrièmement, cette croissance modérée ne permettra aucunement de tendre les taux d'utilisation des capacités de production sur des niveaux élevés. Autrement dit, de nombreux mois, voire de nombreuses années, s'écouleront encore avant que les capacités de production soient utilisées à plein, empêchant ainsi tout risque de flambée des coûts de production, donc, in fine, de l'inflation.

Cinquièmement, dans le prolongement de la faiblesse des tensions exercées sur l'appareil productif, le chômage demeurera élevé dans de nombreuses parties du globe, en particulier en Europe. Autant dire que la flambée des salaires qui pourrait être un prélude à une forte hausse des prix n'est ni pour demain, ni pour aprés-demain. Et même aux Etats-Unis, où le plein-emploi pourrait revenir dès 2022, la progression des salaires est et demeurera modérée.

Sixièmement, rappelons-nous que même si la croissance est plus vigoureuse que prévu (ce qui reste malheureusement peu probable, en particulier en Europe), le fort degré de concurrence internationale empêchera les entreprises d'augmenter leurs prix de façon excessive. Et même si les coûts de production progressent et progresseront encore à cause des relocalisations, les marges de gains de productivité et de réduction de coûts resteront encore très élevées à travers la planète.

Au total, le risque d'hyperinflation et même d'une inflation nettement et durablement supérieure à 3 % apparaît hautement contenu. En fait, un tel niveau d'inflation pourrait même constituer une évolution favorable comme nous l'expliquerons la semaine prochaine dans cette même rubrique.

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Marc Touati est économiste, auteur du "dictionnaire terrifant de la dette", paru aux Editions du Moment, Président du cabinet ACDEFI, Maître de conférences à Sciences Po Paris.  

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