L’inflation, visible et invisible

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Par Bill Bonner Publié le 7 février 2020 à 4h54
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@shutter - © Economie Matin
29%Le S&P 500 a grimpé de 29% en 2019.

On ne le croirait pas, mais l’inflation aux Etats-Unis frôle le 10% par an. Cela profite à certains… et dépouille d’autres.

Le sujet du jour, c’est l’inflation. Comment fonctionne-t-elle ? Pourquoi se donner la peine d’y penser ?

N’avons-nous rien de mieux à faire ?

(Le mois prochain, nous étudierons l’animal d’encore plus près. Nous retournons en Argentine, où les prix à la consommation grimpent au rythme de 54% par an.)

Trois phases d’inflation

L’Ere inflationniste américaine a commencé le 15 août 1971, lorsque les Etats-Unis ont introduit une nouvelle devise qui n’était plus adossée à l’or, ni à rien d’autre. C’était la Première phase, de 1971 à 1981, lorsque l’inflation est allée dans les prix à la consommation. Les consommateurs n’ont pas apprécié.

Ensuite, Paul Volcker a « battu » l’inflation en portant le taux directeur de la Fed à 20% et en déclenchant une récession. L’inflation n’est pas morte, cependant. Elle est simplement passée sur les marchés d’actifs, où elle a été chaleureusement accueillie – et continue d’ailleurs d’être la bienvenue. C’était la Deuxième phase.

La Troisième phrase a commencé le 17 septembre 2019, lorsque la Réserve fédérale a commencé à imprimer de l’argent pour couvrir les déficits US sans le moindre prétexte d’urgence.

Vous trouvez peut-être toute cette discussion un peu bizarre, cher lecteur. Nous voilà dans la 50ème année de l’Ere inflationniste, mais où est l’inflation ? Les prix à la consommation US grimpent de seulement 2% par an. C’est du moins ce que disent les autorités.

L’économiste John Williams, du site internet Shadowstats, calcule l’inflation en utilisant la même formule que celle utilisée par les autorités américaines en 1971 – c’est-à-dire à l’époque où les Etats-Unis avaient encore une vraie devise. Ses chiffres montrent que l’inflation actuelle est à 10% – cinq fois le taux officiel.

Sur le marché boursier, l’inflation est plus visible. Le S&P 500 a grimpé de 29% l’an dernier. Cela se justifie en partie par une hausse des profits après impôts (les profits avant impôts, eux, stagnent). Mais la majeure partie – 99% – de cette hausse provenait de ce que l’industrie financière appelle « l’expansion multiple ». C’est-à-dire l’inflation des prix. Mais peut-être que cette inflation nécessite quelques explications…

Toujours une arnaque

Injecter de la nouvelle monnaie factice ne peut que flouer quelqu’un – généralement celui qui détient l’ancienne monnaie. Les retraités, par exemple, vivent généralement avec de l’argent qu’ils ont gagné des décennies auparavant. Lorsque les prix à la consommation grimpent, ils perdent du pouvoir d’achat.

Mais l’inflation commet ses dégâts en sous-main, avec ruse et subtilité.

Sur le dernier demi-siècle, la majeure partie du nouvel argent est allé dans les prix des actifs. C’est pour cela que les riches – qui possèdent les actifs – sont devenus beaucoup plus riches. Les retraités, s’ils avaient eu la chance de mettre leur argent en Bourse, n’ont pas de raisons de se plaindre non plus.

Mais la moitié la moins riche de la population – qui n’a pas d’actifs financiers – est 30% plus pauvre aujourd’hui qu’il y a 20 ans. Le salarié américain mâle moyen, qui n’a que son temps à vendre, touche moins d’argent réel qu’il y a 45 ans.

L’inflation doit arnaquer quelqu’un. Sinon, pourquoi se donner la peine de la déclencher ? Le gouvernement contrôle l’argent. Il ne produit aucune richesse ; tout ce qu’il fait, c’est la « redistribuer ». L’inflation n’est qu’un moyen de le faire.

Ce n’était qu’un début

Nous avons expliqué il y a quelques jours qu’aux Etats-Unis, l’idée était à l’origine d’escroquer les Français et autres étrangers détenant des dollars. On leur avait promis une once d’or en échange de 35 $. Aujourd’hui, il leur faudrait se présenter avec 1 567 billets verts pour obtenir la même once d’or. C’est une arnaque de 97,7% de leur argent.

Ce n’était qu’un début. Jusqu’en 1970, les Etats-Unis enregistraient tous les ans un surplus commercial depuis la fin des années 1800. Par la suite, avec le nouveau dollar factice, les Américains pouvaient arnaquer les étrangers une fois encore – payant des biens et des services avec des bouts de papier sans jamais avoir à rien régler en or. Après 1975, les excédents commerciaux ont disparu.

Les nouveaux dollars factices se sont également révélés utiles pour arnaquer les Américains ordinaires. Imprimer de l’argent a fourni aux autorités un moyen de prendre des ressources aux Américains moyens sans avoir à augmenter les impôts (et risquer ainsi une raclée aux élections suivantes) pour se financer.

De nos jours, les autorités américaines dépensent généralement 1 000 Mds$ de plus par an qu’elles n’osent en lever par le biais des impôts. Cet argent doit venir de quelque part.

Pas de vote, pas de plainte…

Jusqu’à récemment, elles les empruntaient. Ce n’était qu’un moyen d’arnaquer les générations futures. Ceux qui ne sont pas encore nés ne votent pas et ne se plaignent pas. Et puis, le 17 septembre 2019, l’avenir s’est rebellé. Les épargnants américains – tels que représentés par les banques primary dealers – ne voulaient pas (ou ne souhaitaient pas) rassembler les vastes sommes nécessaires au refinancement de la dette US.

Ainsi, à présent, la Fed « imprime ». Qui se fait arnaquer ? Et comment ?

Mme Stephanie Kelton, économiste de Bernie Sanders, ne s’en inquiète pas. Elle, c’est l’arnaqueur qui la préoccupe. Elle veut s’assurer que le gouvernement a assez d’argent pour combler ce qu’elle considère comme des « déficits » de la société.

Devinez quoi ? Les autorités américaines s’en sortiront très bien. Elles contrôlent le dollar. Elles peuvent imprimer tout ce qu’elles veulent pour financer leurs dépenses. Elles ne feront jamais faillite.

En revanche, elles peuvent se retrouver à court de vraie monnaie. Comme nous l’avons vu lors de notre petite tournée dans l’enfer inflationniste, Rudolf von Havenstein s’est trouvé à court d’argent pour payer les dépenses gouvernementales allemandes en 1920. Gideon Gono s’est quant à lui retrouvé à court d’argent pour payer l’armée du Zimbabwe en 2005. Au Venezuela, Hugo Chavez a commencé à manquer d’argent en 2001.

Confrontés à une défaite potentielle dans les urnes, à des révolutions, des émeutes, des coups d’Etat – que pouvaient-ils faire ? Ils ont imprimé des bouts de papier… ont décrété que c’était « de l’argent »… et l’ont fait circuler un peu partout.

Et qu’est-ce que cela a donné ?

A suivre…

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Fondateur et président d'Agora Inc., une maison d'édition publiant des lettres d'information financières pour les investisseurs particuliers.

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