La sortie de crise semble se profiler avec l’accélération de la vaccination un peu partout dans le monde. Malheureusement, elle s’accompagne d’un « léger » problème, que nos autorités auront du mal à régler par la simple magie de la planche à billets.
Comme le dit la sagesse populaire, c’est juste avant le lever du soleil que la nuit est la plus glaciale. Les crises économiques obéissent aussi à ce paradoxe, et le Covid ne fera sans doute pas exception. L’Europe a fêté l’arrivée du printemps en multipliant les mesures sanitaires fortes, et elles auront certes des répercussions économiques catastrophiques… mais pour un temps seulement.
Les prévisions des laboratoires pharmaceutiques permettent d’anticiper une vaccination massive de la population occidentale dès l’été. Cela fait, nous pourrions nous retrouver face à une épidémie qui se volatilise du jour au lendemain.
Comment réagiront alors les acteurs économiques ? L’exemple des Etats-Unis, où la vaccination a plusieurs mois d’avance sur le Vieux continent, nous donne de précieuses indications.
Après un an de restrictions diverses, l’expérience américaine montre que le consommateur se rue sur sa carte bancaire dès que l’avenir s’éclaircit. L’épargne, accumulée depuis le début de la pandémie faute de loisirs, de vacances, et d’envie de consommer, trouve alors son chemin dans l’économie réelle.
Les plans de relance, présents aux Etats-Unis comme chez nous, ne viennent rien gâcher : chacun sait que l’argent gagné facilement semble moins précieux et est rapidement dépensé.
La reprise en main de l’épidémie de coronavirus signera par conséquent un rebond important de la demande. Il pourrait être tentant de réinvestir, en ce printemps, sur les anciennes stars boursières du début 2020… mais le temps économique n’a pas été suspendu pour reprendre à l’identique.
Cette année, il faudra faire avec des capacités de production amputées et son corollaire : l’inflation.
Cela risque d’être compliqué…
Tension latente dans les capacités de production
Ce besoin de consommer qui ne demande qu’un peu de visibilité pour s’exprimer va se heurter à un obstacle : les entreprises ne sont plus en mesure de produire autant qu’avant.
Depuis un an, les entreprises ont été zombifiées par les pouvoirs publics. Si la plupart d’entre elles ont pu, grâce aux généreuses aides étatiques, éviter la faillite, la reprise de l’été 2021 ne sera pas dans la continuité de « l’économie d’avant ».
La raison est simple : entre gel des investissements, chômage partiel et plans sociaux, les capacités de production auront bien changé durant ces 18 mois.
Si la crise sanitaire n’avait duré que quelques semaines, notre économie aurait pu reprendre son cours et continuer sur sa tendance passée. Les capacités de production seraient restées indemnes, les usines auraient pu repartir à la même cadence, et les employés auraient retrouvé le chemin du bureau.
C’est aujourd’hui chose impossible. Des talents ont quitté les entreprises et ne seront que difficilement remplacés. Des business units ont été fermées, les services les moins rentables ont été interrompus, et cette offre laissera un trou béant dans notre tissu économique.
De leur côté, les consommateurs sont toujours plus nombreux (hors Brexit, la population européenne croît de près d’un million d’habitants par an), plus âgés, et plus riches. Rien qu’en France, le surplus d’épargne à la sortie de la crise est estimé à plus de 200 Mds€.
Un fort décalage entre la demande de consommateurs impatients et solvables et l’offre d’entreprises encore engourdies est par conséquent à anticiper. Il se manifeste d’ores et déjà sur de nombreux biens et services.
En France, trouver un artisan disponible au printemps 2021 relève de la gageure. En Europe et aux Etats-Unis, trouver une voiture neuve sera bientôt mission impossible pour cause de pénurie de composants électroniques. Partout sur la planète, acheter des matières premières est de plus en plus compliqué – et coûteux.
Il faut donc s’attendre, dès la fin de la crise sanitaire, à un scénario économique comprenant des phases de pénuries avec interruption de la fourniture de biens et services, et d’inflation avec sélection de la clientèle par augmentation des prix – et parfois même les deux simultanément.
Une situation qui durera de nombreux mois
Comme les marchés, l’économie réelle « monte par l’escalier et descend par l’ascenseur ». Les capacités de production qui ont été détruites au cours des mois passés avaient été bâties patiemment année après année, voire décennie après décennie.
Il est par conséquent illusoire de tabler sur un retour rapide des cadences de production.
Les matières premières en sont une parfaite illustration. Toutes les entreprises qui produisent des matières premières extractibles (or, cuivre, lithium, pétrole, etc.) sont dans une course permanente contre l’épuisement de leurs ressources disponibles.
Chaque once d’or sortie de terre, chaque livre de lithium ou chaque baril de pétrole ne s’y trouve plus. Pour maintenir l’activité de façon pérenne, il faut par conséquent investir toujours plus dans les capacités de production, acquérir de nouveaux droits d’exploitation, ou encore moderniser son appareil productif pour maintenir un flux constant alors que la ressource est de moins en moins disponible.
Tout ceci est coûteux, et n’a pas été fait durant les 12 derniers mois.
Les producteurs de matières premières sont dans une situation délicate en ce début d’année. Si le problème n’était que financier, il pourrait être balayé d’un revers de main par les banques centrales qui n’ont plus de scrupules à faire tourner la planche à billets… mais il est aussi temporel : une mine ne se crée pas en un jour, quels que soient les montants investis.
Il faut des années pour passer de l’idée d’un nouveau site de production à la rotation des premiers camions. Dans le meilleur des cas, les projets ont été gelés durant un an et auront donc autant de retard ; mais nombre d’entre eux ne peuvent même plus être redémarrés.
Le scénario de tension sur les approvisionnements risque donc de se dérouler au moins jusqu’à la fin 2021, et peut-être même jusqu’en 2022 – il a d’ailleurs déjà commencé.
Depuis le 1er janvier 2020, les matières premières industrielles sont déjà en hausse : +27% pour le nickel, +56% pour le cuivre… Même les autres matières premières ne sont pas épargnées. Aux USA, le bois de construction est en hausse de 80% depuis le début de l’année !
La hausse des matières premières conduira, par effet de ricochet, à une hausse du prix des biens manufacturés.
Il ne manquerait plus qu’une hausse du prix des services et des salaires pour que le cercle vicieux soit définitivement enclenché.
Pour les banques centrales et certains analystes, cette dernière étape n’aura pas lieu. Nous serions protégés par un coupe-circuit tout-puissant : le chômage, qui devrait empêcher l’inflation de s’emballer. Nous verrons demain que la situation n’est pas si simple.
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