Si des progrès considérables en termes d’accès à l’éducation et à l’emploi ont été réalisés au cours des quatre dernières décennies, les femmes restent encore pénalisées sur le marché du travail, en raison d’inégalités structurelles. Or, la réduction des inégalités professionnelles est à la fois un objectif d’égalité, mais aussi d’efficacité du marché du travail, permettant d’assurer sa plus grande fluidité.
La forte segmentation du marché du travail entre les hommes et les femmes, c’est-à-dire leur répartition différenciée dans les différents secteurs et métiers, est une illustration frappante des inégalités professionnelles entre les hommes et les femmes.
Cette segmentation est forte, même si elle a eu tendance à évoluer différemment, tant sur le plan sectoriel que professionnel. Sur le plan sectoriel, la surreprésentation des femmes dans certains secteurs, et en premier chef ceux relevant des services, tend à légèrement progresser depuis une dizaine d’années dans la plupart des pays de l’Union européenne. La polarisation professionnelle entre hommes et femmes selon les métiers reste, elle, stable, mais cache en réalité de nombreuses disparités entre les pays de l’Union. Au final, en 2009, on constate que c’est en Grèce que la segmentation serait la plus faible (avec un taux d’emploi féminin de 49 %), et en Finlande qu’elle serait la plus forte (avec un taux d’emploi féminin de 67 %), la France se situant dans la moyenne des pays de l’UE-15 (avec un taux d’emploi féminin de 60 %). Paradoxalement, c’est donc les pays où les femmes travaillent le plus qui connaissent aussi la plus forte segmentation et donc les plus grandes différences dans les secteurs occupés par les hommes et les femmes – ce qui prouve combien il est difficile de résorber simultanément les différentes formes d’inégalité.
La crise a bouleversé la situation de l’emploi avec la destruction nette de 5,9 millions d’emplois dans l’Union entre la mi 2008 et le début 2010 dans l’Union. Au cours de cette période, les trois quarts environ de ces destructions d’emplois dans l’Union ont concerné les hommes.
Paradoxalement, c’est la forte polarisation de l’emploi féminin dans certains secteurs et certains métiers qui, à court terme, a joué un effet « protecteur » pour l’emploi féminin. Surreprésentés dans les secteurs les plus touchés par la crise, notamment ceux de l’industrie et de la construction, l’emploi des hommes a été fortement fragilisé. Les intérimaires notamment ont été les premiers à souffrir des effets de la crise, notamment dans l’industrie, secteur où la part des hommes dans les emplois est particulièrement forte. Parallèlement, l’emploi des femmes, plus concentré dans les services, moins sensibles à la conjoncture, restait relativement plus protégé. Pour la première fois, le taux de chômage masculin a rejoint celui des femmes en 2009 (9.1 %, puis 9.8% en 2010). Toutefois à partir de 2011, ces disparités entre l’emploi masculin et l’emploi féminin s’estompent. En cela, la crise de 2008 vient confirmer des constats plus anciens : la sensibilité de l’emploi à la conjoncture varie selon le sexe, le niveau de qualification, et l’âge.
Au-delà, la crise amorcée 2008 a n’a pas infirmé une tendance de fond. Malgré le contexte économique, le taux d’activité des femmes a continué à progresser (de près de 2 points) dans l’Union. Le rôle stabilisateur du revenu d’activité des femmes dans celui du ménage s’impose et le nouveau modèle familial prédominant est celui composé de deux actifs. L’Union européenne s’est d’ailleurs fixée pour objectif d’atteindre un taux d’emploi féminin de 75 % à l’horizon 2020, alors qu’il était seulement de 59 % dans l’ensemble des 27 pays membres en 2009.
La participation des femmes au marché du travail augmente, mais les métiers et les secteurs auxquels elles accèdent évoluent peu. Cela a pu jouer, on l’a vu, un effet « protecteur », au moins transitoire, au cœur de la crise. Mais la réduction de cette segmentation demeure fondamentale tant pour assurer une plus grande égalité professionnelle que pour garantir le bon fonctionnement du marché du travail.
Mieux équilibrer l’emploi masculin et féminin, c’est d’abord repenser les niveaux de responsabilité occupés. En effet, les femmes sont aujourd’hui plus diplômées que les hommes, et cet écart devrait continuer à s’accroitre, mais elles parviennent plus difficilement à occuper des emplois de responsabilité.
Ces inégalités sur le marché du travail sont en partie liées à l’inégale répartition des temps sociaux au sein du ménage, alors que deux tiers du temps parental repose sur les femmes, qui réalisent plus de deux heures de temps domestique quotidien de plus que les hommes. A cet égard, le Centre d’Analyse Stratégique a suggéré de favoriser de nouvelles organisations du travail pour mieux concilier égalité entre hommes et femmes et performance économique, en s’appuyant sur des pratiques innovantes de plus en plus souvent expérimentées par les entreprises en France. Ces nouvelles pratiques (fondées par exemple sur la gestion souple du temps de travail, sur le télétravail, sur le partage des postes de direction) reposent bien souvent sur les avancées du dialogue social d’entreprise. Cela souligne toute l’importance pour les partenaires sociaux de poursuivre le dialogue social initié en septembre sur l’articulation des temps de vie et des congés familiaux, racines de l’inégalité professionnelle.
Ces inégalités sont également liées à des choix éducatifs différenciés des filles et des garçons, ainsi qu’à des stéréotypes persistants sur les caractéristiques des deux sexes. Le combat de l’égalité professionnelle commence donc à l’école.
C’est par une action forte et volontariste, dès le plus jeune âge, et maintenue tout au long de la vie familiale et professionnelle, que nous conforterons l’égalité professionnelle. C’est toute l’ambition du plan d’action arrêté le 30 novembre dernier par le Comité interministériel aux droits des femmes et à l’égalité entre les femmes et les hommes.
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Article initialement publié le 02/01/2013