La ministre des Droits des femmes Najat Vallaud-Belkacem a annoncé, jeudi 25 avril, que les deux premières sanctions étaient tombées sur deux entreprises n’ayant pas respecté l’égalité salariale entre hommes et femmes. Une actualité que commente Lydia Guirous, présidente de l'association Future, au Féminin.
« On a prononcé 135 mises en demeure en quatre mois. Et surtout les deux premières sanctions sont tombées. Ces entreprises ont été averties mais sont passées outre la mise en demeure », a déclaré la ministre des Droits des femmes, Najat Vallaud-Belkacem, interrogée dans l’édition de jeudi 25 avril, du Parisien/Aujourd’hui en France.
« Depuis le début de l’année, 1500 plans ou accords d’entreprise nous ont été déposés. Ils dressent un diagnostic, fixent des objectifs. Dans certaines régions, plus de la moitié des entreprises se sont déjà conformées à leurs obligations. Mais certaines traînent des pieds », a-t-elle indiqué.
L’annonce de ces sanctions a été faite à l’occasion de l'« Equal Pay day », une journée organisée par la Commission européenne pour rappeler le nombre des jours supplémentaires de travail que les femmes doivent accomplir pour gagner autant que les hommes. Mais de telles pénalités ne vont-elles pas donner aux employeurs de moins en moins envie d’embaucher des femmes ?
Eléments de réponse avec Lydia Guirous, présidente de l'association Future, au Féminin.
JOL Press : Deux entreprises écopent de sanctions financières pour ne pas avoir appliqué l'obligation d'égalité salariale entre hommes et femmes. Qu’en pensez-vous ?
Lydia Guirous : C’est très bien de mettre en place des sanctions, je pense que toute loi doit avoir un volet sanction pour que les entreprises puissent vraiment remédier aux inégalités qui existent en termes de salaire mais aussi en termes de déroulement de carrière.
Toutefois, la façon dont cela a été annoncé me dérange car cette sanction n’est que la mise en application de la loi du 2 novembre 2010, votée sous le gouvernement Fillon, qui oblige les entreprises de plus de 50 salariés à se doter d’un plan visant à empêcher la différenciation entre hommes et femmes en matière de rémunération et de carrière.
Ce qui me dérange c’est que la ministre des Droits des femmes Najat Vallaud-Belkacem donne l’impression que ces pénalités sont le fruit de ses décisions sans rappeler qu’elles sont juste la mise en application d’une loi promulguée par Nicolas Sarkozy. Cette campagne de communication de Najat Vallaud-Belkacem à l’occasion de la Journée internationale pour l’égalité des salaires, relève de la malhonnêteté intellectuelle.
Par ailleurs, nous ne sommes pas en mesure de savoir quelles sont ces entreprises qui ont été pénalisées, nous ne connaissons pas leur état de santé, je ne sais pas si cette mesure les met en difficulté ou pas, dans un contexte de crise terrible où de nombreuses entreprises sont sur le point de fermer ou de licencier.
Précisons aussi que ces deux entreprises sont des PME, il aurait été sans doute plus courageux de s’attaquer à de grands groupes. Ne mettons pas en danger les emplois existants aujourd’hui. Je pense qu’il faut envoyer des signaux plus positifs aux des chefs d’entreprise en ce moment.
JOL Press : Ne se dirige-t-on pas vers une situation où les employeurs ne voudront plus embaucher des femmes, pour ne pas être inquiétés ?
Lydia Guirous : C’est vrai que c’est le danger, c’est pour cela que je suis assez partagée. Actuellement les chefs d’entreprise en France sont dans une situation extrêmement difficile, la croissance et la consommation sont en berne, les charges et les impôts les achèvent.
Si on est vraiment réaliste, si on connaît un minimum le marché du travail, si on a déjà passé des entretiens et envoyer des centaines de candidatures – ce qui n’est pas le cas de Najat Vallaud-Belkacem qui a toujours travaillé dans le domaine politique – on sait que les employeurs se posent déjà des questions sur la maternité des femmes à partir de 27, 30 ans.
La maternité est déjà un frein, si on ajoute à cela des pénalités financières, je crains le retour de bâton, j’ai peur que des chefs d’entreprise se disent qu’ils ne vont pas embaucher des femmes, alors qu’elles ont les diplômes et l’expérience, par crainte des sanctions. Ce n’est pas pour autant qu’il ne faut pas prendre des mesures et qu’il ne faut pas remettre en question les inégalités salariales.
JOL Press : Peut-on imaginer une politique de quotas dans les entreprises ?
Lydia Guirous : En 2011 entrait en vigueur la loi Zimmermann-Copé qui prévoyait que les conseils d'administration et les conseils de surveillance des entreprises comportent 20% de femmes en 2014 et 40% en 2017. C’est bien mais seule une minorité de femmes peuvent prétendre à des postes dans des conseils d’administration.
Ce n’est pas suffisant et pour ma part, je ne suis pas favorable à une politique de discrimination positive. C’est stigmatisant, contre-productif, ça décrédibilise et enlève toute légitimité à une femme qui va postuler sur un poste. Il me semble donc qu’il ne serait pas souhaitable de mettre en place des quotas sur l’ensemble des emplois dans une entreprise.
JOL Press : Quelles solutions faut-il donc apporter pour lutter contre les différences de salaires et de promotions entre hommes et femmes ?
Lydia Guirous : Les sanctions sont un premier pas, mais à prendre avec beaucoup de doigté, pour les raisons que nous venons d’évoquer. Je pense qu’il faut déjà commencer à raisonner avec les bons chiffres. J’en ai assez qu’on avance sans arrêt le chiffre des 27%, quand on parle de 27% d’inégalité salariale, c’est un mensonge, c’est de la manipulation : quand on regarde précisément les chiffres, on a 9 à 10% d’inégalités salariales, à même poste, même expérience entre un homme et une femme.
Ensuite je pense qu’il faut avoir une approche plus globale. Quand on regarde les secteurs d’activité où les salaires sont moins élevés, c’est souvent dans la communication, le marketing, des secteurs d’activité féminisés où les salaires sont les moins élevés. Je crois qu’il faut commencer par faire un travail au niveau de l’orientation des filles au moment du bac et des études supérieures, pour les pousser vers les filières où les niveaux de salaires sont plus élevés notamment dans la finance ou dans les écoles d’ingénieurs.
Il faut enfin inviter les femmes à négocier au plus haut leur salaire lorsqu’elles entrent dans l’entreprise. Des études ont été faites sur le sujet : un homme n’hésite pas à négocier au plus haut son salaire quand une jeune femme accepte le salaire qui est sur la proposition d’emploi et négocie que très rarement.
Dans le secteur privé, je milite, par ailleurs, pour de la transparence. Les entreprises peuvent afficher le salaire moyen des personnes, selon le type de poste. Dans la fonction publique, c’est très facile de savoir quel doit être son salaire, c’est plus difficile dans le privé, mais il faudrait arriver à le faire.
Propos recueillis par Marine Tertrais pour JOL Press.
Lire d'autres articles sur le site Jol Press.
Lydia Guirous est présidente de l'association Future, au Féminin. Elle est la créatrice de « SOS harcèlement sexuel », première cellule de prise en charge psychologique des victimes de harcèlement sexuel à l'AP-HP (Assistance publique des hôpitaux de Paris) avec le Professeur Peretti. Elle est membre de l'UDI (Union des Démocrates et Indépendants).