Jean qui pleure et qui rit

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Par Hervé Goulletquer Publié le 4 février 2020 à 13h56
Marches Bulle Etats Unis Explosion
@shutter - © Economie Matin
3,5%Le chômage aux Etats-Unis est de 3,5%.

La publication d’un indice américain ISM manufacturier de janvier repassant au-dessus de la barre des 50 a été bien reçue par les marchés. Mais le phénomène peut-il être durable ? La crise sanitaire, centrée sur la Chine, ne va-t-elle pas remettre en cause l’idée d’une poursuite de l’amélioration ?

Dans cet environnement profondément incertain, les autorités de Pékin prennent des mesures de soutien à l’économie et aux marchés. L’initiative est ressentie positivement par la communauté des investisseurs. Même s’il n’est pas possible de savoir si le calibrage est adapté.

Les organisateurs du caucus du Parti démocrate dans l’Iowa aux Etats-Unis ont des difficultés à publier les résultats. Sans doute, ceux-ci sont-ils serrés.

Les investisseurs ont été tout à leur joie du rebond de l’indice ISM manufacturier américain. Il a progressé en janvier dernier de plus de 3 points pour se retrouver enfin au-dessus de la barre des 50, à 50,9. Cela n’était pas arrivé depuis juillet 2019 ! Bien sûr, le rebond de la composante production est spectaculaire (+9,5 points à 54,3 ; un « saut en hauteur » presque digne d’une sortie de récession !). Mais, on a envie d’insister sur l’inflexion haussière des commandes à l’exportation, qui nourrit celle de tout le carnet de nouvelles commandes et in fine participe du retour à meilleure fortune de l’indice d’ensemble.

Comment ne pas relier ce mouvement à la signature de l’accord commercial sino-américain et à la réduction des tensions économiques internationales ? Les éléments de calendrier ne collent-ils pas ? Ainsi, si la baisse des taux d’intérêt avait « réveillé » la partie du secteur manufacturier américain dépendant de la demande domestique, le « rabibochage » entre Pékin et Washington fait sortir de sa torpeur la composante davantage tirée par les besoins du reste du monde.

Il y a pourtant bien un moment où il faut intégrer au raisonnement l’épidémie de coronavirus. La baisse du cours du cuivre, sur fond de hausse du prix de l’or, n’envoie-t-elle pas un signal de questionnement sur la marche de l’économie mondiale ? De fait, le ratio entre ces deux mouvements n’est pas cohérent avec un indice ISM manufacturier qui poursuivrait sa remontée. Quel message faut-il alors suivre ?

Pour être en mesure de répondre à cette question, il est nécessaire de suivre le déroulé de l’épidémie, en essayant de repérer le moment de l’inflexion de son développement. En reprenant l’exemple du SRAS (le raisonnement par analogie, dont par ailleurs on connaît les limites), il y a 17 ans de cela, il apparaît plutôt clairement que c’est au moment du ralentissement du nombre de personnes atteintes (malades et/ou décédées) que le message envoyé par les marchés de capitaux devient plus positif. A l’époque, le phénomène s’était produit à-peu-près un mois et demi à deux mois après le démarrage du suivi de la maladie par les autorités publiques (ce qui n’est pas pareil que la date d’apparition de celle-ci ; d’où une très désagréable impression de flou). En sera-t-il de même avec le coronavirus d’abord apparu en Chine ? On ne sait pas ; aujourd’hui, l’incertitude domine encore.

Dans ces conditions, l’investisseur et le responsable de politique économique se perdent en conjectures. Que croire et que faire ? En fait, l’initiative est entre les mains du second. A lui de baliser « tant bien que mal » le sentier menant à demain, par des initiatives de soutien à des activités économique et financière qui sont malmenées par la crise sanitaire en cours. La Chine est évidemment en première ligne. En se référant aux statistiques de l’OMS, sur les 17391 personnes contaminées autour du monde au 3 février, plus de 99% le sont en Chine (de plus, tous les décès sauf un se sont produits dans le pays). Un certain nombre d’anecdotal evidence souligne le sérieux coup de frein à la croissance. Ainsi, le nombre de passagers dans les premiers jours des vacances du Nouvel An a été divisé par au moins 3 de 2019 à 2020. De même, la consommation de charbon par les centrales électriques est plus faible d’une année à l’autre. D’où les mesures de relance prises : la banque centrale injecte massivement des liquidités et commence à abaisser ses taux d’intérêt de référence. Des initiatives du côté de la politique budgétaire devraient aussi être prises. Le temps du soutien sélectif, comme ce fût le cas l’an passé au cœur de la dispute commerciale avec les Etats-Unis, laissera place très probablement à des actions plus fortes.

Pour l’instant au moins, ce volontarisme de Pékin, mi observé et mi espéré, participe d’une psychologie meilleure sur les marchés. Hier en Europe et aux Etats-Unis et encore ce matin en Asie, les bourses se reprennent et les taux longs arrêtent de baisser. Il n’empêche que l’équilibre, du type action – réaction, entre le développement de la maladie et la réponse de politique économique est profondément instable. Comment calibrer la seconde, alors que le rythme du premier est largement inconnu ?

On ne connait pas encore le résultat du caucus de l’Iowa, première étape des primaires du Parti démocrate américain. Des problèmes « techniques » sont mis en avant pour expliquer le retard. « Meublons » l’attente en pointant deux choses importantes. D’abord, la route menant à la convention nationale qui désignera le candidat à l’élection présidentielle est longue. Celle-ci se déroulera du 13 au 16 juillet prochain. Deux points sont sans doute à préciser : une majorité de délégués (désignés en fonction du résultat de chaque primaire) aura été choisie après les scrutins du 17 mars et ils le seront tous après le vote intervenu dans les Îles Vierges, le 7 juin. Ensuite, un candidat doit recueillir au moins 15% des voix pour se voir attribuer des délégués. Ce qui suggère que Biden, Sanders et dans une moindre mesure Warren sont les plus à même d’accumuler des délégués et donc de poursuivre le processus de sélection. A aujourd'hui, on a envie de dire que la compétition se fera surtout entre les deux premiers et que le résultat risque d’être « serré ». Le suspens devrait durer. Comment le marché va-t-il réagir : avec nervosité, au titre de la probabilité qu’il faudra bien accorder à l’hypothèse d’un candidat démocrate positionné très à gauche ou avec sérénité, parce que la préférence donnée à Bernie Sanders ouvrirait grandes les portes d’un deuxième mandat à Donald Trump ? Pour l’instant, la deuxième attitude paraît devoir être privilégiée.

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Hervé Goulletquer est stratégiste de la Direction de la gestion de La Banque Postale Asset Management depuis 2014. Ses champs d’expertises couvrent l’économie mondiale, les marchés de capitaux et l’arbitrage entre classe d’actifs. Il produit une recherche quotidienne et hebdomadaire, et communique sur ces thèmes auprès des investisseurs français et internationaux. Après des débuts chez Framatome, il a effectué toute sa carrière dans le secteur financier. Il était en dernier poste responsable mondial de la recherche marchés du Crédit Agricole CIB, où il gérait et animait un réseau d’une trentaine d’économistes et de stratégistes situés à Londres, Paris, New York, Hong Kong et Tokyo. Il est titulaire d’une maîtrise d’économétrie, d’un DEA de conjoncture et politique économique et diplômé de l’Institut d’Administration des Entreprises de Paris.

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