Avons-nous franchi une nouvelle étape dans la segmentation comportementale ? Une récente étude, portant sur l'influence de la météo sur les comportements d'achat des internautes, pourrait le laisser croire. Déjà, l'émergence des réseaux sociaux a ouvert la voie à une micro segmentation autour de communautés de consomm'acteurs, révélatrice d'une individualisation extrême du marketing des marques, qui semble pourtant trouver ses limites.
Le sujet de l'étude de PriceMinister-Rakuten à de prime abord de quoi faire sourire. En quoi la pluie où les fluctuations de la température affectent-elles le e-commerce ? Les résultats surprenants, obtenus à partir d'un comparatif des relevés météorologiques de Météo-France sur l'année 2012 et des évolutions du chiffre d'affaires de la plateforme de e-commerce, offrent pourtant un constat sans appel. Les basses températures et la pluie réveillent l'acheteur online compulsif qui sommeille en nous ! Mais le plus surprenant est ailleurs, il s'avère que nous sommes différemment affectés par la météo suivant que nous résidions au Nord ou au Sud de la France.
Vers une nouvelle micro-segmentation ?
Les parisiens, surement plus habitués à la pluie que les marseillais, réagissent ainsi moins nettement au mauvais temps sur les plateformes e-commerce, avec seulement une augmentation de 2,36% du chiffre d'affaire les jours de pluie et une progression de 1,07% du nombre d'articles vendus. Les marseillais auraient en revanche avidement besoin de combler le manque de soleil avec un impressionnant +10,29% sur le chiffre d'affaires et +15,21% sur le nombre d'achats. Lyon, qui se situe pile au milieu des deux villes, fait la moyenne entre les deux tendances avec 5,48% de chiffre d'affaire en plus par mauvais temps et +7,90% d'articles vendus. Les variations de température affectent elles aussi notre consommation online. A moins de 5°C, c'est un consensus national : tout le monde chez soi à faire des emplettes sur le net ! Le chiffre d'affaires horaire pour Paris descend ensuite régulièrement au fur et à mesure que la température augmente par paliers de 5°C. Les marseillais resteront, quant à eux, bien au chaud devant leur ordinateur, jusqu'à ce que la température extérieure atteigne les 10°C, mais verront une baisse brutale de leur consommation entre 10 et 15°C. Des différences régionales qui pourraient bien faire germer des idées chez plus d'un e-marketeurs.
Une réponse ultra ciblée et interactive
Déjà, Olivier Mathiot, cofondateur, directeur marketing et communication de PriceMinister-Rakuten, va jusqu'à imaginer la manière dont il serait possible de tirer parti de cette réalité. " Cette première étude laisse la porte ouverte à d'autres analyses. Pourquoi ne pas imaginer des systèmes de prévisions budgétaires ou d'achat de publicités ciblées qui prennent en compte le facteur climat ? A l'ère du Big Data les possibilités sont infinies et c'est à nous de construire le future du e-commerce pour proposer les meilleurs services possible à nos clients ". Le moyen d'atteindre les consommateurs d'une manière personnelle, ultra ciblée et interactive. L'hétérogénéité croissante du marché incite en effet à envisager différentes stratégies qui pourraient être menées en parallèle à destination de consommateurs identifiés, afin de parvenir à une plus grande efficacité. De nombreuses marques ont déjà multiplié et affiné les segments, afin de différencier leurs produits au maximum. Les techniques de segmentation comportementale se sont par ailleurs considérablement développées sur Internet, notamment avec l'avènement des réseaux sociaux, car le canal permet un tracking très précis des actions. L'individu consommateur n'est plus mono-profil, mais grand pratiquant de la théorie des rôles au quotidien. Le nomadisme choisi, la prépondérance des âges cognitifs et subjectifs sur leur alter ego chronologiques, la diversité alliée de la fidélité... bouleversent les bases originelles de la segmentation. Pour autant, Avons-nous franchi un cap et nous dirigeons-nous vers une individualisation des marques ? Pas si sûr.
Le facteur économique
La personnalisation, a fortiori à grande échelle, trouve vite ses limites face aux réalités comptables de la rentabilité. Levi's dut renoncer à ses jeans individualisés sur commande, et Nike limite son programme de personnalisation NIKEiD, offrant de très nombreuses variantes, à quelques modèles. Plus question également de sacrifier une marque à des micro-segments souvent éphémères. La téléphonie et l'informatique ont ainsi majoritairement abandonné les « marques produits » pour de simples références. Car si « l'hypersegmentation » peut apporter de l'efficacité à la démarche marketing, elle est également prompte à générer des coûts supplémentaires incompatibles avec la crise que nous traversons et la restauration des marges de nos entreprises.
Cet article a initialement paru le 28 septembre 2013.