Contrôle des loyers : crise du logement assurée

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Par Simone Wapler Publié le 6 novembre 2015 à 5h00
Loi Alur Encadrement Loyers Immobilier
@shutter - © Economie Matin
20 %L'encadrement des loyers impose de ne pas les augmenter de plus de 20 % du prix fixé par la préfecture.

L’édit de Dioclétien – dit édit du maximum et promulgué en 301, qui punissait de peine de mort toute hausse des prix – déboucha sur une hyperinflation et accéléra la fin de l’Empire romain. Les tentatives de contrôle de prix par l’État se soldent toujours par un échec et débouchent en général sur un désastre, on le sait depuis longtemps.

Comment se fait-il alors que les gouvernements persistent ? Parce que ceux qui prennent les décisions ne paient jamais pour leurs erreurs. Il leur est donc impossible d’apprendre.

Dans l’immobilier, le contrôle des prix s’avère particulièrement néfaste car il s’agit d’investissement à cycle long. Même lorsque l’État revient en arrière, la réparation des dégâts prend plus de temps que dans des domaines à cycle court. « Avec le bombardement, le contrôle des loyers est la meilleure façon de raser une ville. » avait même conclu le professeur d’économie suédois Assar Lindbeck.

De Milton Friedman et Friedrich Hayek, économistes libéraux et prix Nobel, à Gunnar Myrdal, lui aussi lauréat du prix Nobel et conseiller du Parti travailliste de Suède, tous les économistes qui se sont penchés sur la question ont conclu que le contrôle des loyers est néfaste aux locataires, aux propriétaires et au marché du logement. En France, le plafonnement des loyers datant de 1948 laisse encore des traces. Presque sept décennies plus tard, quelques rares loyers restent encore soumis à ce régime. On ne pouvait que se féliciter de leur quasi-disparition mais voilà que revient une loi de contrôle des loyers !

Les effets pervers de la loi de 1948

Mise en place durant la crise du logement consécutive à la Deuxième Guerre mondiale, la loi de 1948 plafonnait les loyers et prévoyait que les héritiers aient droit au même bail. On héritait d’un loyer modéré. C’est dire la prévoyance et la sollicitude dont témoignait l’État à l’égard de l’argent des propriétaires. Cette loi n’a pas résorbé la crise du logement dans les grandes villes, a ruiné une génération qui s’est retrouvée incapable d’entretenir faute de rentabilité et a contribué à la raréfaction du parc locatif. En effet, plus personne ne construit de nouveaux logements s’il n’y a aucune bonne raison de les construire. Tous les propriétaires qui le peuvent essayent d’échapper au contrôle, en recyclant des logements en bureaux ou en locaux à usage professionnel.

Pour tenter de gommer certains effets pervers de la loi de 1948 et la dégradation des centres-villes, nous avons eu droit à une autre loi : la loi Malraux qui permet de déduire les travaux de réhabilitation de bâtiments historiques délabrés parce que loués en loi de 1948. Comme d’habitude la correction de l’effet pervers d’une loi ne se fait pas par sa disparition mais par la promulgation d’une autre loi…

Le manque de logements locatifs a également favorisé la hausse de l’immobilier, les gens ayant tendance à se sacrifier pour accéder au stade enviable de propriétaire faute de pouvoir trouver à louer dans de bonnes conditions. Certains se féliciteront de l’émergence de toute une classe de nouveaux propriétaires qui par ailleurs ont ainsi bénéficié d’un placement à l’abri d’une inflation ravageuse avec des chocs pétroliers mal gérés. Ils ont tort. Tout le tissu industriel français de l’artisanat et des entreprises moyennes a souffert de cette allocation d’épargne vers la pierre au détriment de l’investissement.

Récidive avec la loi Quilliot de 1982

La loi Quilliot indexait les loyers sur un indice des prix à la construction, calculé par un organisme de l’Etat, l’INSEE, mais surtout prévoyait un droit de maintien dans les lieux du locataire mauvais payeur. Les mises en chantier dans le secteur dit libre se sont écroulées passant de 125 000 en 1981 à 49 000 en 1986. En 1987, la loi Méhaignerie assouplit les dispositions Quilliot. Les mises en chantier repartent et atteignent 135 000 en 1989. Là encore une mauvaise loi et une autre loi pour atténuer les effets pervers de la première.

Quels seront les effets pervers de la loi Alur ?

Précisons déjà que même sans loi Alur les augmentations sur les baux en cours sont limitées puisque l’indexation dépend de l’IRL ou indice de référence des loyers, toujours calculé par l’INSEE. La loi Alur vise à contrôler les prix des loyers des nouveaux baux signés dans certaines communes « où sont observés des loyers très élevés ». Vous trouverez ici la liste des communes concernées. Vous voyez déjà la faille. On va dissuader la mise en location de logements précisément dans ces communes. Car si les loyers y sont élevés, c’est que les logements y sont rares et donc l’immobilier coûteux. Du coup, les investisseurs potentiels qui auraient pu être intéressés par une opération fuiront, faute de rentabilité.

Ensuite, supposons qu’un locataire parte : le propriétaire va-t-il être encouragé à faire des travaux avant la remise en location ? Il se contentera de faire le strict minimum qui lui permettra de relouer au même prix. Certes la loi prévoit que pour « certains travaux », le propriétaire peut augmenter le prix, mais à ce moment-là, il se heurtera à un autre « plafond majoré » fixé par arrêté préfectoral. Et tant qu’à faire la charité, d’ailleurs, le propriétaire ne passera pas par le marché et préférera peut-être loger un proche.

Enfin, supposons que vous soyez locataire ou propriétaire occupant dans un immeuble frappé par la loi Alur. Pensez-vous que votre propriétaire ou les propriétaires bailleurs seront empressés pour voter des travaux d’embellissement ou même d’entretien des parties communes alors que les loyers sont plafonnés ? Non, bien sûr, ils freineront des quatre fers. Donc cet encadrement ne résoudra en rien la question de fond et, à nouveau, va pousser à la dégradation du parc locatif.

Mais il y a pire car nous ne sommes plus en 1948. La plupart des jeunes actifs ne bénéficient pas du sacro-saint CDI, bien souvent sésame pour un emprunt immobilier. Les banques deviennent de plus en plus rétives à accorder des prêts car elles doivent réduire leur bilan (souvenez-vous en 2008, elles étaient trop-grosses-pour-faire-faillite et, en 2015, elles sont encore plus grosses). Les prix de l’immobilier sont toujours très élevés. Les salaires stagnent sous la pression du chômage. La relève de la prochaine génération de propriétaires est donc douteuse. L’investissement locatif n’étant plus rentable, les investisseurs institutionnels (compagnies d’assurance) l’ont déserté. Donc la crise du logement va s’exacerber.

Si vous pensez que la misère partagée est plus supportable, sachez que cette rage de l’encadrement des loyers n’est pas une exception française. Londres, New-York, Montréal sont dans le même cas. Ce sont aussi des villes où il est presqu’impossible pour un jeune actif de se loger décemment sauf en colocation. Décidément, il est regrettable que les hommes politiques et fonctionnaires qui bénéficient en général de logements de fonction ne puissent apprendre de leurs erreurs…

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Simone Wapler est directrice éditoriale des publications Agora, spécialisées dans les analyses et conseils financiers. Ingénieur de formation, elle a quitté les laboratoires pour les marchés financiers et vécu l'éclatement de la bulle internet. Grâce à son expertise, elle sert aujourd'hui, non pas la cause des multinationales ou des banquiers, mais celle des particuliers. Elle a publié "Pourquoi la France va faire faillite" (2012), "Comment l'État va faire main basse sur votre argent" (2013), "Pouvez-vous faire confiance à votre banque ?" (2014) et “La fabrique de pauvres” (2015) aux Éditions Ixelles.

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