L’hypocondrie conduit droit à la soumission

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Par Cédric d'Ajaccio Modifié le 19 mai 2020 à 8h29
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3750 EUROSL'amende pour récidive du non-respect des règles de confinement pouvait atteindre 3.750 euros.

La perte de tout bon sens du Gouvernement et l’hystérie médiatique au sujet de l’épidémie de COVID 19 ont fait sombrer les entreprises, de réseau en particulier, leur personnel, les syndicats, le secteur public, les collectivités publiques et les services centraux et extérieurs de l’Etat, les associations et la société française tout entière dans l’hypocondrie. Et cette hypocondrie[1] a ouvert la voie à une tolérance apparemment illimitée à l’égard de l’abus viral de pouvoir qu’elle a légitimée.

Sous couvert d’un lancinant et incontournable « prenez soin de vous », l’adulte est retourné sans protestation sur les bancs de l’école primaire et s’est placé sans discuter sous la férule du Maître ministre de l’intérieur, du Surveillant Général premier ministre et du Directeur président. Le citoyen est redevenu d’un jour à l’autre sujet, et même objet, chose maniable, passivement. Il a respecté à la lettre la consigne du Conseil Scientifique du Président : « pour ne pas mourir, cessons de vivre »[2]. Il a pris du bon côté son assignation à résidence, largement subventionnée il est vrai par ceux-là mêmes qui l’enfermaient, et qui ont trouvé le secret de la fabrication sans limite, et apparemment sans dommages, de nouveaux assignats par des banques centrales qui révèlent de plus en plus clairement leur ADN de bras armés des Etats perinde ac cadaver (nous y reviendrons…). Si nous mettons ici volontairement l’accent sur ce rapport de cause à effet socialement létal qui va de la panique sanitaire à la soumission débonnaire de la société civile, nous n’entendons pas exclure ipso facto l’hypothèse selon laquelle la panique sanitaire serait elle-même l’expression et le principal effet du coup de force politico-médicalo-médiatique que nous venons de vivre.

C’est bien à un niveau d’hypocondrie jamais atteint dans le monde professionnel soumis à un principe de précaution maximaliste que nous assistons. Il est le produit d’une tenaille, par le haut, d’une règlementation sanitaire tracassière et byzantine comme l’administration française en a le secret, et, par le bas, d’organisations syndicales qui se font un plaisir, au moment de « la reprise », de rebondir sur la terreur sanitaire (on peut les comprendre !) semée dans l’opinion publique par une communication compulsive, comme le berger répond à la bergère - une bergère qui n’a pas fini de se mordre les doigts de la peur qu’elle a semée dans les rangs de ses moutons.

Ah si seulement une petite souris pouvait enregistrer pour l’histoire le niveau des discussions auquel sont parvenues les instances de direction dans la plupart des entreprises, en particulier dans le secteur public où il n’est vent que de masques, de blouses, de protections, de lingettes et autre gel hydro-alcoolique sous toutes ses formes (attention cela décape !), de « désinfection » inaugurale et continue, de télétravail maintenu le plus longtemps possible, de roulement des équipes, mise en quinconces des bureaux, recul de l’ouverture au public, des écoles en particulier, accueil exclusif sur rendez-vous, élargissement des plages de rendez-vous, de circulation évitant les croisements et très accessoirement de travail et de service à rendre aux usagers, en contrepartie de salaires maintenus.…Car tout homme est devenu un danger public, une cause de mort potentielle, soyons en persuadés une fois pour toutes…L’autre cet ennemi. Ce déferlement hypocondriaque et hygiéniste est en particulier à l’œuvre dans les protocoles sanitaires du dé-confinement en matière scolaire et de transport des élèves, mais à vrai dire dans tous les secteurs d’activité où chacun s’interroge sur la manière de rendre compatibles une surprotection sanitaire avec la viabilité de son activité sur longue période. Une règlementation sanitaire jusqu’au-boutiste (qui prend à revers l’affirmation du ministre de l’intérieur le 11 mai selon qui : « notre doctrine c’est la confiance »[3]) que nous vaut un retrait (ou une retraite) parlementaire, comparable à celui d’une des périodes les plus sombres de notre histoire, et un retrait civique plus inquiétant encore, qui laissent libre cours à l’esprit de système d’une administration centrale « que le monde entier ne nous envie pas », dont les effets sont plus ou moins tempérés par un pragmatisme aléatoire des services extérieurs de l’Etat.

La panique est un excellent terreau pour l’accroissement de l’emprise de la puissance publique sur les sociétés civiles dont toutes les défenses tombent alors à zéro…dans une hystérie médiatique propre à tout justifier, à tout faire accepter. Nous aurons eu avec cette crise sanitaire (dont la gravité est en fait relative) comme un écho rétrospectif lointain et atténué de l’ambiance du mois de juin 1940, où les Présidents des deux Chambres législatives[4] sont allés prier le Maréchal Pétain de prendre le pouvoir. Et d’ailleurs le confinement généralisé ne ressemble-t-il pas à une forme de capitulation ?

Sur cette base d’hypocondrie aigüe innervée dans les esprits de nos concitoyens par un matraquage qui, lui vraiment, n’a pas d’équivalent depuis la fin de la seconde guerre mondiale[5] et qui doit faire rougir de timidité les Etats totalitaires patentés, un abus de pouvoir structurel s’est installé en France avec une facilité déconcertante, dont le prétexte prophylactique cache mal la sourde volonté de surveiller et punir la société civile tapie dans l’inconscient de la puissance publique française , seule capable d’expliquer les raffinements de notre confinement.

Il n’y a pas à gratter beaucoup pour s’en rendre compte. Prenons l’exemple de la ridicule (puisque multipliable ad nutum) attestation de sortie : l’information relative à son objet affiché de limiter le temps de sortie à une heure n’impliquait nullement d’en faire un contrôle d’identité au moyen d‘une fiche comportant la date de naissance, le lieu de naissance, le lieu de résidence, sans aucun rapport avec l’objet prétendument poursuivi (qui ne justifie que le rapprochement de l’heure de contrôle avec celle de la sortie et qui n’en a d’autre en réalité objet que d’être l‘occasion d’un contrôle d‘identité humiliant et un moyen, sain retour aux fondamentaux pour la Police et la Gendarmerie, de verbaliser le « contrevenant » : une personne libre qui souhaite sortir de chez soi sans avoir à se justifier et sans faire de tort à personne sauf preuve du contraire (et alors pas besoin d’un arsenal répressif ad hoc il y a tout ce qu’il faut en magasin). Une personne qui est du jour au lendemain et du fait de ce soupçon qui pèse sur l’usage de sa liberté la plus basique devenue « un suspect » (là aussi les références historiques dans lesquelles cette législation sans contrôle est allée inconsciemment piochée sont proprement terrifiantes et font voir à quelle vitesse un Etat de droit peut se transformer, sans coup férir face à une opinion publique mithridatisée, en Etat policier.

Les exemples d’abus de contrainte inutile ressortant d’un vieux fond répressif et pisse-vinaigre abondent : l’échelle des amendes allant de 135 € (tout de même !) jusqu’à 3750 € (plus de deux fois le SMIC !!) en cas de « verbalisation à plus de trois reprises dans un délai de trente jours » et même jusqu’à un possible confinement ferme de 6 mois dans une prison d’Etat ; la fixation présidentielle sur les parcs, les jardins et les plages, des lieux où toute personne normalement constituée se dit qu’ils sont particulièrement propices au respect des « distances sociales » et à une saine aération des esprits et des corps, notamment en période de confinement[6]. Ici nos ordonnances prophylactiques confinent à l’acharnement et à la persécution mesquine et intolérable (sauf vis-à-vis de ceux qui ont un jardin derrière chez eux comme à l’Elysée, à Matignon et dans quelques autres territoires abandonnés de la République - mais aussi, grâce au ciel, de tous ceux qui vivent à la campagne, difficile à contrôler. Il est peu probable que la concentration de la répression dans les banlieues (les riches sont plus honnêtes que les pauvres, disait-on au 19 ème siècle car on n’a jamais vu un riche voler du pain) dans cette période ait contribué à faire des victimes de cette surveillance punitive, y compris par vidéo-surveillance interposée, d’excellents Français. Il est plus probable qu’elle aura réussi à accroître les barrières et les « distances sociales » selon les auteurs de ce lapsus irrattrapable qui en dit long sur l’indifférence des puissants bien lotis.

Il est maintenant urgent de reprendre ses esprits, de revenir aux fondamentaux de l’Etat de droit, à la déclaration des droits de l‘homme et du citoyen (art 4 : « la liberté consiste à faire ce qui ne nuit pas à autrui »), de réfléchir collectivement sur les contraintes proportionnées qu’un Etat démocratique, qui tire sa légitimité du consentement populaire et du bon usage du pouvoir au service de la Nation et du Peuple, peut leur imposer légitimement, y compris dans les cas graves, y compris en état d’urgence sanitaire si il se justifie, y compris en état de guerre, notions à ne pas confondre sauf à marquer de l’irrespect.

Le Premier Ministre se moque des donneurs de leçon qui savent mieux que le Gouvernement ce qu’il aurait fallu faire à chaque étape, mais c’est en fait la remarque de l’arroseur arrosé. Car il en va de cette gestion de crise, comme de la gestion des affaires publiques en général en France - et cela est tout à fait indépendant de notre ignorance sur ce virus selon une justification présidentielle[7] quelque peu sidérante (« ce virus était inconnu et il porte encore aujourd’hui beaucoup de mystères ») car on peut espérer que l’on ne devra pas se mettre aux abris à chaque virus inconnu : il suffit, pour faire mieux, non pas d’avoir une meilleure façon globale de gérer la crise, une autre panacée toute faite sortant d’un autre comité scientifique théodule improvisé et sous l’influence d’autres acteurs pharmaceutiques[8], mais de se sortir mentalement du Lit de Procuste d’un jacobinisme centralisé ignorant des différences territoriales et refusant tout pragmatisme. On ne gère bien que de près. Le bon sens qui émerge enfin, dans le dé-confinement, malgré le délire « juridique » de protocoles sanitaires hypocondriaques, est la meilleure autocritique rétroactive d’une politique de confinement sans nuance.

[1] « Etat d’anxiété habituelle et excessive du sujet à propos de sa santé » selon le Petit Robert. Sur ce sujet, redécouvrir la nouvelle prophétique d’Isaac Asimov Quand les ténèbres viendront ed orig. in Star Science Fiction Stories n°3, 1955.

[2] Voir la percutante chronique de Lucie Robequain Coronavirus : gouverner sans ordonnance www.lesechos.fr/editos-analyses - 1198888 du 29 avril 2020.

[3] Voir sur ce point la chronique de Dominique Moïsi La défiance, cet autre virus qui contamine le France où il est question de cette arrogance toute française qui nous empêche de tirer les bénéfices des expériences étrangères www.lesechos.fr/ides-debats/editos-analyses - 1201539.

[4] Pour mémoire Edouard Herriot, Président de la Chambre des Députés et Jules Jeanneney, Président du Sénat.

[5] Quand le gouvernement considérera-t-il que les confinés sont suffisamment informés sur les consignes à suivre face au coronavirus et arrêtera-t-il les spots publicitaires sur toutes les chaînes de télévision ?

[6] « Mais dans le même temps, alors même que les personnels soignants des services de réanimation alertaient sur la gravité de la situation, nous avons aussi vu du monde se rassembler dans les parcs » (oui et alors ?) les confondant dans la même phrase, avec « des marchés bondés, des restaurants des bars qui n’ont pas respecté la consigne de fermeture ». A ceci rien d’autre à répondre que ce propos d’Emmanuel Hirsch : « Un petit bistrot dans la campagne auvergnate n’a rien à voir avec un fast-food en banlieue ». Dans la même veine on se demande sérieusement s’il faut, lors de la réouverture des plages, laisser les gens s’allonger sur le sable. En tout cas pas question de « pratique de sports collectifs ou d’activités festives ». Grâce au ciel, nous sommes sortis de l’obscurantisme et vivons à l’ère de la science : avant, cela devait être terrible.

[7] Argument faux au demeurant puisque le virus SARS Cov-2 est souvent désigné par abus comme « coronavirus » ce qui est le nom de cette famille de virus, dont effectivement toute la gamme n’est pas connue à l’avance, comme toutes les maladies ne sont pas connues à l’avance, ou maîtrisées dès lors qu’elles sont connues, comme le cancer.

[8] L’argument présidentiel lors de l’allocution fleuve du 13 avril 2020 selon lequel, en pleine « pandémie » la priorité est à la recherche d’un vaccin (qui ne sera pas prêt avant un an au moins comme les médias français l’opposaient au Président Trump qui campait sur cette ligne trois mois avant le Président français) prévaudrait sur celle d’un traitement laisse pantois et révèle le poids du lobby pharmaceutique derrière le refus de l’hydroxy chloroquine médicament anti-épidémique connu du monde entier pour son efficacité, mais tristement « générique ». « C’est pourquoi la première voie pour sortir de l’épidémie est celle des vaccins… La seconde voie, ce sont les traitements ». Puisqu’il s’agit de la seconde il n’y en a pas de troisième. Mais alors quid de la prévention (« les gestes barrière »…) qui permet de maîtriser le R0 ? Qui relit les discours présidentiels ?

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Pseudonyme adopté par un publiciste, lointain cousin de Frédéric Bastiat

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