Les dépressions longues et interminables sont causées par le gouvernement. Les politiciens réagissent en fonction des intérêts du moment, non ceux de demain. Les retraités actuels votent. Les actionnaires actuels financent les campagnes. Les amis actuels contrôlent le pouvoir et l'argent de la société actuelle. Et tous craignent une chose plus que tout : le futur.
Tous savent qu'ils vont mourir et que le processus du capitalisme est la destruction créatrice ; les propriétaires actuels doivent être dépouillés de leur richesse et de leur pouvoir pour que les générations de demain puissent prendre le dessus. C'est pour cette raison que le rôle essentiel du gouvernement est de regarder l'avenir... et l'empêcher de se produire.
Les gouvernements repoussent les dépressions
Ce n'est qu'une manière de dire que les gouvernements essaieront toujours d'empêcher les dépressions, parce que ces dernières sont de la "destruction créatrice" en action. Le capitalisme abat les arbres d'aujourd'hui pour que les jeunes pousses de demain puissent avoir air et lumière.
Mais tenter de mettre fin à la destruction créatrice n'empêche pas l'avenir. Cela ne fait que le modifier. Au lieu d'une économie dynamique, honnête et vigoureuse, on obtient stagnation, gangrène économique et rigor mortis financière. De longues dépressions, en d'autres termes.
Le Japon a déjà connu un ralentissement de 25 ans. Les Etats-Unis sont désormais dans la huitième année de leur propre ralentissement, avec une croissance fragile qui n'atteint que la moitié de celle du siècle dernier. Le pays pourrait se remettre... ou pas. Les taux négatifs pourraient maintenir le capitalisme de copinage en activité. Le ralentissement lui-même -- combiné au pic de la dette et aux 500 millions de travailleurs chinois -- pourrait brider l'inflation.
Mais arrive le moment où les investisseurs voient que le risque de perte (parce qu'il y a toujours quelque chose qui peut mal tourner) est plus important que l'espérance de gain. Ce moment doit approcher pour le marché boursier US. Les prix frôlent des sommets record, alors même que l'économie flirte avec la récession. Un jour -- bientôt peut-être -- nous verrons les actions chuter, jusqu'à perdre 1 000 points en 24 heures.
La Fed a changé... le monde aussi
Faire grimper le marché a été un succès propre à la Fed. L'activisme a été son credo, l'interventionnisme son mode opératoire. Elle ne restera pas les bras croisés pendant que le marché tombe en pièces et que l'économie entre en récession. Elle annoncera le QE4. Elle tentera d'imposer les taux négatifs. Et elle passera -- comme le feront les Japonais -- au "financement monétaire direct" des déficits gouvernementaux. C’est-à-dire que les autorités se dispenseront de la fiction des "emprunts" à leur propre banque centrale. Elles imprimeront simplement l'argent dont elles ont besoin.
La Fed de 1930 n'était de loin pas aussi ambitieuse et assurée que la Fed de 2015. Dans les années 30, elle s'est contentée d'observer l'économie sombrer dans une Grande dépression. Comme Ben Bernanke l'a dit à Milton Friedman, "nous ne le referons plus".
Elle ne le pourrait pas même si elle le souhaitait. Dans les années 30, c'est tout juste si la dette de consommation avait été inventée. La plupart des gens vivaient dans des fermes, ou non loin d'elles, grâce auxquelles ils pouvaient vivre même si l'économie était en dépression. Peu de gens avaient un crédit. A la place, ils avaient de l'épargne. Il n'y avait pas de bons d'alimentation. Pas d'allocations logement. Pas de secteurs zombie [NDLR : subventionné par le contribuable]. Pas de dette étudiante. Pas de dette automobile. Pas de prêts immobiliers sans apports. Et les liquidités étaient une véritable devise, adossée à l'or.
Aujourd'hui, une longue dépression serait insupportable. Le public ne pourrait pas survivre. Six ménages américains sur dix vivent d'un salaire à l'autre. Vous imaginez ce qui se passerait si lesdits salaires cessaient ?
L'économie américaine est censée être toujours en croissance... les marchés boursiers approchant de sommets record. Pourtant, un ménage sur cinq aux Etats-Unis ne gagne aucun salaire. Parmi la population noire, masculine et urbaine âgée de 20 à 24 ans, seules quatre personnes sur dix ont un emploi. La moitié des ménages américains comptent sur l'argent du gouvernement pour joindre les deux bouts. Et 50 millions reçoivent des bons alimentaires. Que se passerait-il dans les villes -- et les banlieues -- en cas de vraie dépression ?
Est-ce qu'on liquide ?
Que ferait Janet Yellen ? Répéterait-elle les mots d'Andrew Mellon en 1912 : "liquider la main d'oeuvre, liquider les actions, liquider les agriculteurs, liquider l'immobilier... cela purgera le système de sa pourriture. Le niveau de vie élevé chutera. Les gens travailleront plus dur, vivront une vie plus morale. Les valeurs seront ajustées et les gens entreprenants prendront le relais de gens moins compétents" ?
Mellon suggérait simplement qu'on laisse la "destruction créatrice" faire son travail. Il fut le dernier secrétaire au Trésor US à prononcer un commentaire aussi droit et honnête. A partir de là, les secrétaires au Trésor et les gouverneurs de banques centrales refusèrent d'accepter les difficultés d'une économie de libre-échange. Ils devaient offrir sottises bienveillantes et thérapie benête. Ils devaient mettre fin à la destruction créatrice. Ils devaient "dire les choses comme elles ne sont pas" parce que c'est ce que les gens voulaient. Ils devaient faire semblant de construire un monde meilleur en améliorant l'économie de marché.
Aujourd'hui, un banquier central ou un secrétaire au Trésor qui laisserait la déflation purger le système de sa pourriture serait renvoyé avant le coucher du soleil. Trop de richesses, trop de réputations, trop de pouvoir et de statut dépendent d'une continuation de l'expansion du crédit. Au lieu d'un Mellon, nous aurons un Greenspan, un Bernanke ou une Yellen.
Menacées de déflation, les autorités voudront renverser la marée de la pire des manières possibles. Laquelle ? L'hyperinflation. Oui, nous subirons peut-être encore une année ou deux de croissance paresseuse... ou même de déflation. Les actions s'effondreront et les gens rechercheront désespérément la monnaie papier. Mais tôt ou tard, les autorités reprendront pied... et perdront la tête.
Il est plus probable que le monde de 2015, imbibé de crédit, finira... non par un gémissement déflationniste, mais par une explosion. L'hyperinflation mènera la "longue dépression" à une fin dramatique bien avant qu'un quart de siècle ne soit écoulé.