Hulot épuisé par le conformisme des élites parisiennes

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Par Eric Verhaeghe Modifié le 29 août 2018 à 11h08
Hulot
@shutter - © Economie Matin

Les explications données par Nicolas Hulot sur les raisons de sa démission sont éloquentes. Elles illustrent à merveille la chape de plomb conformiste et sans vision que les élites parisiennes ont imposée au pays. Dans le débat du « combattre le système de l’intérieur ou de l’extérieur », la réponse des gens de bonne volonté porte de plus en plus au combat de l’extérieur.

On peut parier qu’Emmanuel Macron se serait volontiers passé de la démission de Nicolas Hulot pour sa rentrée politique. Après la succession d’affaires cet été, puis des annonces budgétaires impopulaires (notamment du fait de leur manque de vision), le départ fracassant, plein de panache, d’un ministre emblématique de ce que le macronisme pouvait apporter n’arrange pas la popote de l’exécutif.

Un an, le temps d'un désenchantement

En écoutant les propos tenus par Nicolas Hulot ce mardi matin, forcément, on se dit que les espérances nourries par la candidature Macron auprès de certains électeurs n’étaient que des illusions. Le mythe d’un homme nouveau capable de changer le « logiciel politique », selon une expression douteuse, a vécu.

On peut penser qu’Hulot a tort, qu’il aurait dû faire autrement. Il n’en demeure pas moins que sa déception face à la lenteur du Président de la République et face à sa manière « à l’ancienne » de gouverner, conforteront beaucoup de Français dans le sentiment qu’Emmanuel Macron les a trompés sur sa véritable nature.

C’est ce qu’on appelle le désenchantement.

Critique de la méthode des petits pas

La principale raison invoquée par Nicolas Hulot pour quitter le gouvernement tient à la lenteur des réformes, et au manque d’enthousiasme et de vision avec laquelle l’exécutif intègre l’écologie. Hulot n’accuse pas Emmanuel Macron d’être contre l’écologie. Il lui reproche juste de ne pas aller assez vite, et même d’aller beaucoup trop lentement.

C’est un constat qu’on pouvait dresser (et l’auteur de ces lignes n’a pas manqué de le faire) dès l’automne 2017, où le premier budget préparé par le gouvernement Philippe témoignait d’une frilosité et d’un manque d’imagination qui ne se sont guère améliorés depuis. À l’époque, il était de bon ton, dans les salons parisiens, de stigmatiser les mises en garde sur le décalage entre les postures de rupture et de renouvellement, et la réalité politique d’un hollandisme un peu dopé, mais fondamentalement tiède.

Un an plus tard, la mollesse du macronisme, habilement dissimulée par une rhétorique qui ne pouvait pas faire éternellement illusion, apparaît au grand jour.

Hulot et la théorie du choc

Hulot a dit avec une sincérité qui l’honore sa volonté de voir l’univers politique français rompre avec ses vieux démons productivistes et entrer dans une vision alternative. Cette proposition mérite d’être entendue, car il ne plaide ni pour une rupture avec le marché, ni pour des choix utopistes à la Maduro. Il demande juste que ce qui est possible immédiatement pour inverser la courbe d’un développement nocif soit entrepris au lieu d’être remis à plus tard.

Ce qu’il demande, au fond, c’est un choc idéologique et une action politique qui en découle. Beaucoup, parmi ceux qui ont voté Macron, attendaient cela et découvrent aujourd’hui que Macron n’est pas l’homme du choc. Il est l’homme de la continuité améliorée, celle qui brasse beaucoup d’air avec une infinité de lois dont la portée est faible. On occupe le terrain de la communication, on travaille beaucoup, mais d’un travail qui occupe sans être une action concrète.

Progressivement, la France se rendra compte que la réforme n’est pas la solution, et que les réformes le sont encore moins. Le problème n’est pas de changer les doses dans des recettes qui ne marchent pas. Le problème est de changer la recette elle-même.

Cela s’appelle un choc. Il interviendra tôt ou tard.

Hulot face au conformisme des élites parisiennes

Avec beaucoup d’émotion, Hulot a donné un bon portrait de la réception qui attendait ses idées dans les cercles du pouvoir. L’inlassable « mais sois patient », « mais tu veux aller trop vite », pendant que les lobbyistes avaient portes ouvertes un peu partout, a fini par le lasser.

Là encore, Hulot n’a pas prononcé d’imprécations. Il a juste partagé le constat simple du conformisme des élites parisiennes face à l’urgence écologique. Ce conformisme est celui de la réforme progressive, des arrangements constants avec la réalité, avec l’immobilisme. C’est aussi celui du confort de rester dans ses certitudes, et de refuser, de dénier, toute autre approche possible.

Il faut avoir fréquenté les cercles du pouvoir pour sentir, beaucoup plus que comprendre, cet attachement instinctif, existentiel, de nos élites à un corps de doctrine parfois inconscient. Tous ces gens se pensent les plus intelligents du monde (et qualifient de « populiste » tout ce qui ne leur ressemble pas), mais l’essentiel de leur conduite, de leurs décisions, de leurs actions, est dicté par des certitudes transmises obscurément et qu’ils sont le plus souvent incapables de justifier. Par exemple, une bonne réforme est forcément lente. Par exemple, l’écologie, c’est un gadget.

Ces gens-là ont eu raison de Nicolas Hulot et de sa bonne volonté. Comme ils ont nourri la montée des « populismes », qui ne sont guère que des réactions à l’arrogance de leur élitisme stupide.

L'impossible réforme du système « de l’intérieur »

Reste que face aux sourires sardoniques de ces hauts fonctionnaires qui vous expliquent sans contestation possible que seule leur vision parisienne est possible, et que le reste est un scandale inacceptable, Hulot a apporté la réponse qu’il fallait à la seule question qui vaille : le relèvement collectif est-il possible « de l’intérieur », ou non ? Depuis ce mardi matin, une figure éminente de ce pays a prouvé par l’exemple que la réforme de l’intérieur était à la fois un piège et une illusion.

Non, la France ne se relèvera pas en conservant ses élites intellectuelles, avec leurs réflexes imbus d’eux-mêmes, mais frileux, dépassés et sans imagination. Seul un choc externe nous permettra de revenir à la hauteur de ce que nous devons être.

Article écrit par Eric Verhaeghe pour son blog

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Né en 1968, énarque, Eric Verhaeghe est le fondateur du cabinet d'innovation sociale Parménide. Il tient le blog "Jusqu'ici, tout va bien..." Il est de plus fondateur de Tripalio, le premier site en ligne d'information sociale. Il est également  l'auteur d'ouvrages dont " Jusqu'ici tout va bien ". Il a récemment publié: " Faut-il quitter la France ? "

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