Hollande va réussir à nous fâcher avec l’Europe toute entière

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Par Jean-Marc Sylvestre Publié le 30 mai 2013 à 16h37

Le dernier épisode de la guéguerre entre la France et la commission européenne va faire des dégâts profonds. L'avantage politique est nul et l'impact économique et financier risque, une fois de plus, d'être désastreux.

Le scenario qui se joue est incompréhensible. Tout d'abord les faits.

Acte 1, la commission de Bruxelles rappelle cette semaine que si la France a obtenu un sursis de deux ans c'était pour se mettre en ligne avec les réglementations européennes et les engagements pris de faire des réformes de structures profondes. Bruxelles exige trois séries de réformes.

D'une part, la réduction des déficits publics par une diminution des dépenses publiques. D'autre part, une réforme sérieuse des régimes de retraites, par un allongement de la durée du travail ou des cotisations, pour stabiliser les régimes et stopper leur dérive. Enfin, une reforme des conditions de production industrielle pour améliorer la compétitivité, sachant que le pacte compétitivité-emploi n'était pas suffisant pour permettre aux entreprises françaises de rattraper leur retard.

Il n'y avait pas de scoop dans le document de la commission. Bruxelles n'a rien fait d'autre que de rappeler la réalité de la situation française et les engagements qui avaient été pris par Paris pour la redresser. Bruxelles est absolument en ligne avec le diagnostic récent de l'OCDE, en ligne avec la prévision du FMI, au diapason de ce qu'écrit la Cour des comptes. Donc tout cela n'est quand même pas très nouveau. Sauf que cette fois, l'Élysée l'a très mal pris.

Acte 2, à peine publiées, les recommandations de la Commission Européenne ont provoqué une colère violente et publique de François Hollande du style, « pas question de se faire donner la leçon par l'Europe, pas question de se faire commander, nous ferons ce que nous voudrons, au rythme où nous le voudrons... ». Une série de rodomontades diffusée en boucle à la télévision qui avait, par son caractère excessif, un coté ridicule.

A priori, Bruxelles n'a pas réagit. Officiellement, l'Allemagne non plus. Mais en France, Jean-Marc Ayrault a été obligé d'arrondir les angles en disant que la France n'allait pas réformer pour répondre à Bruxelles mais pour se redresser elle-même. Pierre Moscovici qui est en charge des relations avec les Européens a encore été plus diplomate en affirmant que tout cela était bénéfique. Le seul qui doit rigoler dans le secret de son cabinet aujourd'hui c'est Arnaud Montebourg. Ce dernier est d'ailleurs très discret mais n'en pense pas moins. Ne parlons pas de Jean-Luc Mélenchon.

Acte 3, sans pour autant réagir publiquement, on s'interroge quand même dans toutes les chancelleries sur la justification de la position française. A Berlin, on rappelle que la semaine dernière François Hollande était à Leipzig pour rendre hommage à Gerhard Schröder « qui a eu le courage de lancer des réformes de fond qui valent aujourd'hui à l'économie allemande d'être la première de la classe ».

Partout en Europe, on se souvient aussi que le président de la République avait, lors de sa conférence de presse, présenté le projet d'un gouvernement économique de l'Europe, de faire plus et mieux d'Europe. Initiative applaudie par tous les européens convaincus et par les milieux d'affaires. Cette intention permettait au Président de rebondir sur la scène européenne mais plus important, elle signifiait aussi qu'il avait acté la nécessite pour la France de se mettre en conformité avec les contraintes de la communauté.

Vivre ensemble, c'était accepter de respecter le règlement intérieur et le règlement intérieur stipule que chacun prenne ses responsabilités.
En dénonçant ce qu'il appelle quasiment un diktat de l'Europe, en proclamant qu'il n'a pas à le suivre, François Hollande se met en marge du système. Personne en Europe ne peut accepter que la France ne tienne pas sa parole. A un moment où tout le monde cherche à restaurer la confiance, c'est assez malvenu.

Les pays du Nord, à commencer par l'Allemagne ont des raisons d'être inquiets, ce sont eux qui paient la plus grosse part de la facture de solidarité. Les pays du Sud, l'Italie, l'Espagne et le Portugal qui ont consenti des efforts extrêmement douloureux (25% de chômage en Espagne) et qui commencent à se redresser, ne supportent pas bien que la France s'exonère ainsi de ses obligations.

Dans cette affaire tout le monde est fâché
Les pays riches parce qu'ils en ont assez de payer pour les autres, les pays plus pauvres qui ont déjà beaucoup payé, la commissions de Bruxelles qui rappelle en permanence qu'elle ne fait rien d'autre que d'appliquer des décisions prises par les gouvernements. Quant aux milieux d'affaires, ils n'aspirent qu'à la stabilité et à la liberté pour pouvoir améliorer la visibilité et la compétitivité. Du coup, les observateurs qui s'interrogent sur la stratégie française imaginent deux scénarios explicatifs :

Ou bien, Françoise Hollande pense avec conviction que l'équilibre de la France vaut que l'on s'affranchisse des obligations européennes et dans ce cas là, le déclin historique qu'annonce Jacques Attali dans son dernier livre sera inéluctable.

Ou bien François Hollande estime comme une majorité qu'il n'y a pas de survie possible en dehors de l'espace européen organisé, mais qu'il rencontre des oppositions politiques qui l'obligent à composer et à pratiquer deux langages : « Je suis européen, mondialiste et moderne quand je suis à Berlin ou a Pékin, mais je suis protectionniste quand je visite en France une entreprise qui a du mal à affronter la concurrence. Je suis social-démocrate, partisan de l'économie de marché mais je ne le dirai pas trop fort parce que ma famille n'aime pas ».

Ce double langage a toujours ses limites. Les faits sont têtus, les chiffres du chômage aussi et la vérité se venge toujours.

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Après une licence en sciences économiques, puis un doctorat obtenu à l'Université Paris-Dauphine, il est assistant professeur à l'Université de Caen. Puis il entre en 1973 au magazine L’Expansion, au Management, à La Vie française, au Nouvel Économiste (rédacteur en chef adjoint) puis au Quotidien de Paris (rédacteur en chef du service économie). Il a exercé sur La Cinq en tant que chroniqueur économique, sur France 3 et sur TF1, où il devient chef du service « économique et social ». Il entre à LCI en juin 1994 où il anime, depuis cette date, l’émission hebdomadaire Décideur. Entre septembre 1997 et juillet 2010, il anime aussi sur cette même chaîne Le Club de l’économie. En juillet 2008, il est nommé directeur adjoint de l'information de TF1 et de LCI et sera chargé de l'information économique et sociale. Jean-Marc Sylvestre est, jusqu'en juin 2008, également chroniqueur économique à France Inter où il débat notamment le vendredi avec Bernard Maris, alter-mondialiste, membre d'Attac et des Verts. Il a, depuis, attaqué France Inter aux Prud'hommes pour demander la requalification de ses multiples CDD en CDI. À l'été 2010, Jean-Marc Sylvestre quitte TF1 et LCI pour rejoindre la chaîne d'information en continu i>Télé. À partir d'octobre 2010, il présente le dimanche Les Clés de l'Éco, un magazine sur l'économie en partenariat avec le quotidien Les Échos et deux éditos dans la matinale.  

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