L’interview de François Hollande ce 14 juillet n’a pas démérité: elle a sonné tellement creux et a procédé d’un esprit tellement lisse, qu’on peinerait à y voir un cheveu dépasser. Il faut dire que le scandale du coiffeur à 10.000 euros par mois a placé le débat au juste niveau où le Président l’a situé depuis 4 ans, c’est-à-dire entre Closer et Femme Actuelle.
Un coiffeur vous manque et tout est dépeuplé
Il faut lire le Canard Enchaîné (1,2€) pour comprendre le fin mot de l’affaire sur cette histoire de coiffeur. L’existence du gaillard (mais sans mention de son salaire) est révélée au printemps dans le livre L’Elysée off. Le coiffeur, manifestement plus doué des mains que du cerveau, attaque l’ouvrage en diffamation à Nanterre. Pour prouver ses dires (dans une procédure qui a lieu le 7 juillet), il fournit l’arrêté de nomination à l’Elysée qui fixe sa rémunération mensuelle brute.
C’est malin, non? Il n’a pas fallu une semaine pour que ce document subtilement produit en justice se retrouve dans la presse. Non seulement Hollande ne tient pas Macron, mais il ne tient même pas son coiffeur, pourtant disponible pour lui en permanence.
Les petits secrets de 2012 se dévoilent
Personne n’a pris la peine de relever que le salaire du coiffeur est à peine inférieur à celui d’un ministre. Les mauvaises langues s’étaient pourtant offusquées au retour de la gauche en 2012: ceux qui arrivaient dans les cabinets, à cette époque, en conspuant les dérives sarkoziennes, pensaient qu’ils pourraient se goinfrer comme avant 2002. Leur surprise fut grande, parait-il, en découvrant que l’ignoble Sarkozy avait moralisé les rémunérations des cabinets en interdisant que les conseillers soient plus payés que leur ministre.
Le coiffeur de Hollande doit donc à Sarkozy de ne pas être payé plus cher qu’un ministre. D’où peut-être sa fureur et ses actions en justice quatre ans plus tard. Il est vrai qu’un coiffeur sert à quelque chose, alors qu’un ministre, on se pose parfois la question.
Après un coiffeur, Hollande recrute-t-il une femme de ménage?
Le spectacle consternant d’une interview vide de toute perspective et de toute vision d’avenir ne doit pas masquer l’essentiel: François Hollande a téléphoné hier à Theresa May. On peut se demander toutefois si notre Président maîtrise bien tous les usages:
Le Président a rappelé son souhait que les négociations pour la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne soient engagées le plus rapidement possible.
Appeler son hôte pour la congédier, voilà qui n’est pas très fair-play. Peut-être Hollande est-il pressé de la voir se libérer pour venir faire le ménage en France.
La coiffure adoucit les moeurs
Au chapitre Emmanuel Macron, Hollande, sans surprise, n’a pas pris de décision. Il a essayé de prendre une grosse voix, comme au temps de Valérie Trierweiler… et avec le même succès. Il a menacé l’intéressé d’un renvoi, façon dispute de racailles à Saint-Denis devant un marchand de kebab: « Retenez-moi ou je le frappe ». Mais le Macron est toujours ministre!
Dans la pratique, Macron a mis Hollande échec et pat: le roi n’est pas directement menacé, mais il ne peut plus bouger. Macron est le maître du calendrier présidentiel.
La laque lui est montée à la tête
Pour le reste, manifestement trompé par un nuage de laque, François Hollande a fait l’éloge de sa politique et de ses réussites.
«Nous aurons une baisse du chômage à la fin de l’année». François Hollande prend l’engagement d’une amélioration sur le front de l’emploi, mais elle ne sera pas encore suffisante. «J’ai fait les bons choix», affirme-t-il. «Ça veut dire que la politique que j’ai engagée, il va falloir la poursuivre», ajoute-t-il.
Le pastis au petit déjeuner quand on a une interview télévisée après un défilé militaire, c’est dangereux: ça brouille la raison.
Attali soutient Macron
Pendant ce temps, l’autre bien coiffé du gouvernement, Emmanuel Macron, installe sa campagne en fanfare. Aujourd’hui, c’est la feuille de propagande du gouvernement profond, Slate, qui s’est fendu d’un article totalement cire-pompe sur le génie d’Emmanuel Macron:
Depuis le départ, le jeune ministre réunit derrière lui les entrepreneurs, les entreprises, tous ceux, nombreux en France, qui ont une énergie pour avancer et qui voient l’avenir sans aucune peur, au contraire.
Le reste est à l’avenant. L’article est signé Eric Le Boucher, qui détient une carte de presse… Le canard laqué ferait mieux de descendre de son crochet: il est prêt à passer à la casserole.
Article écrit par Eric Verhaeghe pour son blog