Pendant que l’opinion est distraite par des écrans de fumée comme le rapport Combrexelle, la hollandisation du régime se poursuit discrètement. Deux informations passées inaperçues ou presque le confirment.
La Banque de France et la république exemplaire
Comme je l’avais annoncé sur ce blog, Jean-Pierre Jouyet a proposé la candidature de François Villeroy de Galhau, ancien directeur général de la BNP, a la tête de la Banque de France. La proposition était attendue: Villeroy est un strauss-kahnien bien connu, exfiltré de la banque il y a six mois pour préparer un rapport sur le financement de l’économie. J’ai souligné que ce rapport était une longue liste de remerciements à tous les gens que Villeroy de Galhau a croisé dans sa carrière, et en particulier pour les banquiers français qui « l’ont fait ».
Grâce à ce rapport, on sait que la Banque de France défendra, sous les auspices de son futur gouverneur, un assouplissement des règles prudentielles applicables aux banques et reprendra à son compte l’éloge de la titrisation, qui précipita pourtant la planète dans la terrible crise de 2008. Ce merveilleux entêtement à répéter indéfiniment les mêmes erreurs jusqu’à extinction définitive des feux ne manque pas de faire sourire: elle caractérise bien l’agaçante arrogance des élites françaises qui passent en boucle un même disque depuis leurs sortie de Sciences-Po, que le monde change ou pas.
Mais ce n’est pas ce point-là qui fâche. La difficulté vient plutôt du conflit d’intérêt qui caractérise cette nomination. L’une des prérogatives de la Banque de France est en effet de contrôler le respect des règles financières par les banques françaises. Comment ne pas soupçonner Villeroy de réserver un traitement de faveur à la banque dont il était encore salarié il y a six mois?
La question est d’autant plus cruciale que Villeroy sera président de l’Autorité de Contrôle (ACPR) qui a infligé l’an dernier une amende de 10 millions à la BNP pour des histoires de contrats d’assurance-vie en déshérence. Autant confier le ministère de la Justice à Bernard Tapie, ce ne serait pas plus choquant. L’affaire de Jean-Pierre Jouyet éloigne en tout cas une fois de plus le système Hollande de la République exemplaire tant vantée.
Valls prend en main les relations entre partenaires sociaux
De son côté, Manuel Valls a commencé à hausser le (men)ton dans la négociation sur les retraites complémentaires AGIRC-ARRCO. Ouvertes en début d’année 2015 pour rétablir les comptes des régimes au bord de l’effondrement, elles n’ont toujours rien donné. Une séance doit avoir lieu le 16 octobre, et le MEDEF (enfin Pierre Gattaz…) a annoncé par avance qu’il refuserait toute forme d’augmentation des cotisations. Il faut dire qu’après avoir réclamé des baisses de cotisations de la part de l’Etat, il serait politiquement compliqué pour lui d’appliquer une orientation contraire dans les régimes dont il a la maîtrise.
La ligne dure de Gattaz pose deux problèmes.
Premièrement, elle le condamne à ne pas signer avec FO, qui a posé comme condition de base pour toute signature un geste de la part des employeurs. Comme la CGT ne signera pas non plus, et que la CGC a réservé sa signature… le MEDEF risque de ne trouver autour de la table que la CFDT et la CFTC pour signer, ce qui ne fait pas une majorité.
Deuxièmement, le déficit des régimes complémentaires est intégré au déficit public selon Maastricht, ce qui fait de l’Etat le décisionnaire final dans le dossier.
Assez logiquement, Manuel Valls a donc déclaré:
« Un accord doit être trouvé pour sauvegarder ces régimes et préserver le caractère paritaire de leur gestion »
La séance du 16 octobre risque donc d’être un peu chahutée, car personne ne sait quel partenaire social va déclencher l’étatisation du régime AGIRC-ARRCO en refusant de signer un texte qui sauverait le paritarisme. Au total, c’est une nouvelle phase d’expansion de l’Etat qui peut commencer.
Article Publié par Eric Verhaeghe sur son blog