L’impôt mène toujours à la révolution

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Par Collectif La Main Invisible Publié le 28 septembre 2012 à 13h54

"Ainsi, le peuple n’est pas misérable seulement parce qu’il paie au- delà de ses moyens, mais il est misérable encore par l’usage que l’on fait de ce qu’il paie." – Benjamin Constant

L’histoire est un éternel recommencement, surtout si l’on n’en retient pas les leçons. Mais elle nous montre aussi que, parfois, l’Homme a besoin de faire l’expérience de la libération, de sa libération, pour comprendre sa condition. Ainsi les exemples suivants font référence à des levées de taxes ou d’impôts, parce qu’inévitablement elles invitent à se poser les questions "pour quoi ?" ou "pour qui ?".

Mon premier exemple commence par une crise financière au début du XIIIe siècle. Le roi d’Angleterre a perdu plusieurs de ses territoires en France, dont la Normandie qui représentait pour son royaume une importante source de revenus. Et les mercenaires, qu’il doit payer pour assurer son pouvoir, ont doublé leurs tarifs. Moins de revenus et plus de dépenses ; avec une tradition qui interdit de toucher aux taxes.

Son astuce pour retrouver l’équilibre budgétaire est de décréter une loi sur la forêt, si difficile à ne pas enfreindre, que nul n’échappera aux amendes. Eh bien les barons se sont rebellés et ont soumis au roi la Magna Carta Libertatum qui crée des droits inédits pour l’époque comme, par exemple, l’impossibilité d’être emprisonné sans avoir été jugé.

En 1764, la Grande-Bretagne entre dans une crise financière. Les caisses du royaume sont vides. Or, c’est en se battant pour ses colonies installées en Amérique, que la Grande-Bretagne a vidé ses caisses. Pour cette raison, le Parlement britannique vote une série de taxes pour les colonies, d’abord sur le commerce, puis sur les actes légaux.

Un bureau central de douane est aussi créé à Boston, ainsi que trois tribunaux. Cependant, les colons n’acceptent pas d’avoir à payer des taxes à la Grande-Bretagne, alors qu’ils ne sont même pas représentés au Parlement. La contrebande et le boycott des produits britanniques s’organisent, et la présence militaire – nécessaire pour faire appliquer la loi – coûte bien plus à la Grande-Bretagne que ce que lui rapportent les taxes prélevées.

Londres doit se rendre à l’évidence et fait marche arrière. Mais en 1773, afin d’aider la Compagnie des Indes – société au bord de la faillite – à écouler ses stocks de thé, la Grande-Bretagne détaxe ce thé vendu aux colonies d’Amérique, afin que la compagnie acquière le monopole. Certains marchands indépendants se retrouvent donc ruinés. La colère monte chez les colons qui militent de plus en plus en faveur des libertés américaines, notamment au sein de l’organisation des Fils de la Liberté.

Le samedi 16 décembre à Boston, une soixantaine d’entre eux se déguise en amérindiens de la tribu des Mohawks. Entre 18 et 19 h, ils montent à bord des trois navires dans le port et, dans le silence, ouvrent les tonneaux, vident les caisses par- dessus bord et remettent les containers à leur place. Les relations entre Londres et les colons ne s’amélioreront plus, la Guerre d’Indépendance éclate en 1775. Le mardi 4 juillet 1776, 56 délégués des 13 colonies signent la Déclaration d’indépendance, dont le préambule énumère les droits fondamentaux. Pour l’anecdote, la Compagnie des Indes commercera, après cela, l’opium avec la Chine.



En 1774, la situation semble désespérée en France qui traverse une crise financière. Le roi nomme donc un économiste de renom au poste de Contrôleur général des finances : Robert Turgot, qui prend différentes mesures pour libéraliser l’économie. Mais, l’une d’elles, mal comprise par le peuple alors qu’elle lui est directement favorable, entraîne la guerre des farines. Et lorsque Turgot s’attaque aux privilégiés, ceux-ci obtiennent qu’il soit renvoyé.

De fait, il est remplacé en 1777 par Jacques Necker qui poursuit son travail et dénonce les dépenses publiques et les privilèges : il est renvoyé. Charles Calonne lui succède en 1781 et commence par distribuer des cadeaux aux personnes influentes. Mais la seule solution qu’il trouve à la crise est de taxer les privilégiés : il est renvoyé.

En 1787, c’est désormais au Parlement de Paris que le roi s’adresse, lui demandant d’établir un emprunt de 420 millions de livres. Le Parlement refuse et demande la convocation des États-Généraux. Le roi hésite. Les premières émeutes éclatent... Necker est rappelé en août 1788 et la convocation des États-Généraux est décrétée le mois suivant. Chacun reprend maintenant son souffle.

Les États-Généraux, qui débutent en mai 1789, réunissent 1139 députés des trois ordres (noblesse, clergé et tiers-état). La noblesse et le clergé veulent que les votes se fassent par ordres : à 2 contre 1, ils sont forcément gagnants. Le tiers-état bloque alors les débats, jusqu’à ce qu’Emmanuel Sieyès, un prêtre député du tiers-état, propose de voter par circonscriptions, plutôt que par ordres.

Dans les jours suivants, le tiers-état est rejoint par la moitié des représentants du clergé ainsi qu’une poignée de nobles libéraux. Le lundi 17 juin, ils décident de s’appeler Assemblée nationale. Le même jour, cette Assemblée décrète que plus aucun impôt ne sera prélevé sans qu’elle ne l’ait accordé.

Necker, que le roi juge responsable du "désordre" ambiant, est très populaire. Son renvoi, le jeudi 11 juillet, provoque alors de violentes émeutes à Paris. Il est donc rappelé 5 jours plus tard, mais les violences ne cessent plus. On assiste même à des "promenades expiatoires". Le dimanche 4 août, alors que la séance se termine à l’Assemblée, Louis- Marie Noailles prend la parole et déclare que, finalement, ces violences sont dues surtout aux privilèges, qu’il suffirait donc de supprimer, pour ramener le calme. La séance va déborder sur la nuit tandis que le peuple s’endort sans imaginer ce qui se prépare.

Le lendemain matin, c’est dans une France rénovée que se réveille le peuple : une trentaine de décrets ont été pris pendant la nuit, supprimant banalités, dîme, garennes, juridictions seigneuriales et toute la panoplie féodale. La semaine suivante, la féodalité est définitivement abolie. L’Assemblée proclame l’égalité civile et fiscale ainsi que l’abolition des privilèges et de la vénalité des charges. C’est un bouleversement radical et unique dans l’Histoire. Moins de deux semaines plus tard seront proclamés officiellement les droits individuels dans la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen.

Thomas Heinis

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