Une prévisible escalade de la guerre commerciale

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Par Nick Hubble Modifié le 31 juillet 2018 à 6h57
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@shutter - © Economie Matin
25%34 milliards de dollars d'importations chinoises seront taxées à 25%.

La guerre commerciale provoque le nationalisme qui lui-même fait sortir les armes. C’est ce que montre l’Histoire.

Donald Trump a demandé l’an dernier au représentant au Commerce US, Robert Lighthizer, d’ouvrir une enquête officielle sur les pratiques commerciales de la Chine.

Les droits de douane décidés par Donald Trump sont entrés en vigueur début juillet : 34 milliards de dollars d’importations chinoises seront taxées à 25%. A y regarder de plus près, la guerre commerciale a commencé il y a déjà plusieurs années. Les Etats-Unis ne font que se défendre, pour une fois.

Les subventions chinoises, les vols de propriété intellectuelle et toutes sortes de politiques mercantilistes ont bien dérobé aux Etats-Unis tout à la fois ses emplois manufacturiers et sa propriété intellectuelle. Rarement couvert par les médias, le pillage de la propriété intellectuelle des Etats-Unis par la Chine leur coûte 600 milliards de dollars par an. Forbes qualifie cela de « plus gros transfert de richesse de l’histoire ».

L’Union européenne elle-même est un dispositif de guerre commerciale. Elle a été fondée sur la mise en place de fortes barrières commerciales et de nombreuses subventions conçues pour lutter contre la puissance économique américaine. La création de l’Union européenne avait pour objectif de fonder un bloc commercial pour concurrencer les Etats-Unis et la Chine.

Les leaders chinois réagissent à tout cela en déclarant que Trump a raison. La guerre commerciale n’est pas nouvelle. Mais Trump ne remonte pas assez loin dans l’histoire. Pour la Chine, les guerres commerciales actuelles ont commencé avec les guerres de l’opium au XIXème siècle. A cette époque, les Etats-Unis et la Grande-Bretagne avaient ravagé la Chine pour combler leur propre déficit commercial – par la force militaire et en empoisonnant la société chinoise avec une substance addictive. La politique de la canonnière était utilisée pour maintenir les ports de commerce ouverts et pour que l’opium envahisse ainsi la Chine. Les Britanniques envoyaient leur substance dérivée du pavot depuis l’Afghanistan, les Américains depuis la Turquie. En retour, ils obtenaient beaucoup d’argent-métal pour rééquilibrer leur déficit commercial. Les Chinois connurent un problème national de dépendance à l’opium, à tel point que cela provoqua une révolte.

De nos jours ce sont les Etats-Unis qui souffrent d’une dépendance aux opioïdes. Ironique de constater comment les situations peuvent se retourner…

L’histoire est assez semblable pour le Japon, mais sans l’opium. Sous la menace des armes occidentales, les Japonais ont ouvert leur économie à l’Occident.

Mais peut-être ne remonte-t-on pas encore assez loin, peut-être faut-il aller au-delà des guerres de l’opium du XIXème siècle et de l’ouverture du Japon. La création des Etats-Unis a également été déclenchée par une guerre commerciale. L’East India Company (EIC) avait obtenu l’autorisation du parlement britannique de vendre du thé asiatique directement dans les colonies, sans plus devoir passer par des intermédiaires. Ces derniers, ainsi que des contrebandiers du thé menacés par la nouvelle route commerciale, se faufilèrent, déguisés en Indiens, dans les trois premiers bateaux de l’EIC qui devaient entrer dans le port de Boston et jetèrent le thé par-dessus bord. Le reste appartient à l’Histoire.

Comme vous pouvez le constater, les guerres commerciales sont le fondement même de nos nations (et de l’Union européenne). La question de la légitimité des guerres commerciales revient à celui qui a la mémoire la plus longue.

Des alliances dans la guerre commerciale

L’Histoire peut souligner l’absurdité de l’actualité, vous ne devez néanmoins pas cesser de veiller à en tirer bénéfice et à protéger votre argent. Selon Reuters, les Chinois ont approché l’Union européenne pour publier une déclaration conjointe contre les guerres commerciales de Trump. Le vice-Premier ministre chinois a déclaré être prêt à détailler les concessions que pourrait faire la Chine dans les échanges commerciaux avec l’UE.

Cette partie du rapport de Reuters m’a beaucoup fait rire : « Les médias d’Etat chinois ont fait passer le message que l’Union européenne est du côté de la Chine, mettant les Européens dans une position délicate. Les deux derniers sommets, en 2016 et 2017, se sont terminés sans déclaration, du fait de désaccords à propos de la mer de Chine méridionale et du commerce.

‘La Chine veut que l’UE se positionne aux côtés de Pékin et contre Washington, qu’elle prenne parti,’ explique un diplomate européen. ‘Nous ne le ferons pas et nous le leur avons dit.’

Mercredi dernier, le média officiel chinois Xinhua a déclaré que la Chine et l’Europe ‘devraient résister de concert au protectionnisme commercial.’

‘La Chine et les pays européens sont des partenaires naturels. Ils croient fermement que le libre-échange est un moteur puissant de la croissance économique mondiale.' »

Mais, selon des responsables interrogés par Reuters, les Européens ne sont pas intéressés. Remarquez l’effet qu’a provoqué Trump. Je l’ai souligné à maintes reprises dans mes chroniques. Trump pousse ses adversaires dans la direction opposée à celle qu’il veut les voir prendre. Il veut du libre-échange ? Il pousse donc vers une guerre commerciale, ce qui dans ce cas incite la Chine à militer pour encore plus de libre-échange – précisément ce que veut Trump. Mais j’ai peur que cette fois-ci, il n’ait fait un mauvais calcul.

Du libre-échange au nationalisme

Les économistes en faveur du libre-échange débattent souvent avec leurs détracteurs par une suite très prévisibles d’arguments :

Le libre-échange est bon parce qu’il augmente la taille du « gâteau » du PIB. Les produits sont fabriqués là où ils sont le moins cher, ce qui nous permet d’en avoir plus. Les détracteurs ripostent en soulignant que cela laisse beaucoup d’entre nous sur le carreau. Cela a récemment été le cas de l’industrie en Occident. Le gâteau total est peut-être plus grand, la part que chacun retire de ce gâteau ne l’est pas pour autant.

La réponse des économistes pro-libre-échange sur ce point est la véritable divergence : oui, les prétendus effets au sein d’un pays en raison de l’ouverture du commerce peuvent nuire à certaines parties de l’économie. Mais pourquoi favoriser les habitants de son propre pays plutôt que ceux qui vivent là où le boom industriel a lieu ? Nous envoyons d’énormes quantités d’aides à l’étranger mais nous ne les laissons pas nous concurrencer commercialement…

L’idée est que les gens ne devraient pas se plaindre des nuisances du libre-échange simplement parce que les bénéfices ne profitent pas à leur pays. C’est nationaliste – ce qui est une terrible accusation pour les gens de gauche généralement anti libre-échange.

Naturellement, les pays ne se font pas une concurrence commerciale équitable. Mais que l’Etat chinois subventionne les appareils électroniques que nous achetons et que l’UE subventionne notre fromage préféré n’est pas vraiment un problème. A moins que notre argent n’aille dans le budget de l’UE.

Lorsque le nationalisme dépasse l’intérêt personnel

Si vous vous demandez en quoi tout cela vous concerne, la réponse est simple. Le nationalisme est l’une des rares ferveurs qui peut dépasser l’intérêt personnel économique. Les gens agissent de manière stupide lorsqu’ils sont amoureux, ivres et patriotes. Selon un proverbe allemand, « il y a une raison pour laquelle chauvin rime avec crétin »?

La prospérité économique mondiale et nos marchés financiers reposent sur le fait que l’intérêt personnel économique est l’émotion dominante. Ils reposent sur une guerre économique qui est un paradoxe. Toute guerre est intrinsèquement coûteuse. Toute guerre est un gâchis – à moins d’être keynésien et de penser que la guerre mène à la prospérité.

Par conséquent, si le nationalisme prend le dessus, faire du tort aux économies des uns et des autres et provoquer l’effondrement des marchés financiers est logiquement l’étape suivante.

Trump parie que les leaders européens et chinois attachent une plus grande valeur à l’économie qu’au nationalisme. C’est vrai pour le Japon et la Corée du Sud, qui ont déjà intégré le côté guerre commerciale. Mais l’Union européenne se cherche désespérément un élan patriotique. Et pour les Chinois, la politique passe avant l’économie.

Trump a déjà fait comprendre clairement que les bénéfices sur le long terme de la guerre commerciale surpassent les chocs sur le court terme que subissent les marchés boursiers. Mais il part de l’hypothèse que la victoire est au bout du chemin.

Jusqu’ici, il ne s’est pas trompé. Le marché américain tient le coup. Le marché européen a eu fort à faire avec la crise du marché obligataire italien en mai. Quant au marché chinois, il est dans une véritable tendance baissière. Si la guerre commerciale monte en puissance et que la Chine fait passer le nationalisme avant l’économie, les choses pourraient empirer sur les marchés occidentaux également.

L’Histoire montre que les guerres commerciales ne prennent fin que par les armes. C’est là le but de l’Etat-nation – l’une de ses origines les plus profondes. Il ne faut s’attendre à rien d’autre.

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Diplômé de la prestigieuse université Bond en Finance, Economie et Droit, Nick Hubble est aujourd'hui chroniqueur pour différentes publications financières en ligne telles que "The Daily Reckoning Australia" et "The Money Life Letter".

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