L’art de la guerre économique (extrait)

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Par Christian Harbulot Publié le 28 mars 2018 à 5h03
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60 %Selon un récent sondage, 60 % des Américains sont favorables au principe de neutralité du Net.

La nécessité de partir à la conquête du monde immatériel

La naissance du monde immatériel est attribuée aux Etats-Unis d'Amérique. Au début des années 1960, la révolution informatique instaure une course à l'innovation technologique quasi-permanente. Dans le même temps, les risques d'affrontement nucléaire incitent le Département de la Défense américain à trouver des parades pour préserver le fonctionnement des communications militaires. Dans un premier temps, une agence dépendant du Pentagone, la Darpa (Defense Advanced Research Projects Agency), est missionnée pour concevoir un système de communication capable de résister aux effets d'une attaque nucléaire. Cette démarche aboutit en 1968 à la mise en place d’un réseau décentralisé nommé Arpanet. Son principe repose sur l'interconnexion d'un ensemble d'ordinateurs et sur un nouveau mode de transferts de données par commutation de paquets. Durant ces années de recherche, des liens sont tissés entre le monde militaire et certaines universités qui vont profiter de ces échanges pour créer l'embryon d'un réseau informatique. D'autres équipes mènent des recherches sur des terrains similaires.

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Les Etats-Unis furent très tôt confrontés aux questions stratégiques que posait ce nouvel échiquier. Les risques de pillage technologique par l'URSS et ses pays satellites du Bloc de l'Est légitimèrent le dialogue que l'appareil de Défense et des agences de renseignement telles que la National Security Agency (NSA) ont tissé avec les universités et les entreprises en cours de création dans le secteur des technologies de l'information. Ce lien objectif facilite les échanges d'information entre le monde militaire et civil. Il en découle une sorte d'esprit de connivence qui se traduira par la suite par des synergies durables entre les créateurs de start-up et les garants de la stratégie de puissance américaine concernant le monde immatériel. L'ouverture d'Internet et sa fréquentation croissante par toutes les nationalités oblige le Pentagone à créer en 1983 le réseau spécifiquement militaire Milnet.

Cette dissociation entre les objectifs purement militaires et l'appropriation d'Internet par le monde civil conduisent les autorités américaines à reconfigurer leur approche du réseau. A partir de 1977, elles confient sa gestion à une agence civile, la National Science Foundation (NSF), qui doit aider les jeunes universitaires à finaliser des projets de recherche dans le domaine. Le monde militaire conserve un droit de regard important sur la gestion quotidienne d'Internet par le biais d'un service de la Darpa, l'Assigned Numbers Authority (IANA). Les Etats-Unis ont exercé une mainmise sur le système par la localisation sur leur territoire de dix des treize serveurs racines mondiaux. Ils ont ajouté à cette maîtrise de l’infrastructure du contenant, un droit de regard sur l'attribution des adresses IP. Dans un premier temps, il s’agissait d’une démarche directe par l’intermédiaire de l’administration fédérale américaine des télécommunications, rattachée au ministère du commerce. Mais la croissance exponentielle des internautes de tous pays a obligé les États-Unis à se faire moins voyants en passant par une démarche plus indirecte pour préserver leur avantage en termes de puissance politique.

En 1998, ils créèrent pour la circonstance une société privée, de droit californien, l’Internet Corporation for Assigned Names and Numbers (ICANN). Cet organisme a d’emblée un pouvoir d’influence important, puisque c’est lui qui attribue les noms de domaine au niveau mondial. Au début des années 2000, des voix se sont élevé en Europe et en Asie pour dénoncer l’emprise des États-Unis sur Internet. L’ambassadeur américain David Gross y a répondu lors du sommet de Tunis de novembre 2005 en déclarant qu’il s’agissait « d’une question de politique nationale » afin de préserver la liberté informationnelle des États-Unis. Si cette polémique a eu le mérite de soulever la question fondamentale de l’avenir d’Internet en tant qu’instrument de puissance, elle n’a pas pour autant ouvert le débat sur la conquête du monde immatériel. Une annonce est passée quelque peu inaperçue lors du second mandat du Président Bill Clinton, quand les autorités américaines exprimèrent le souhait d’avoir le leadership mondial sur le commerce de l’information privée.

Ceci est un extrait du livre « L'art de la guerre économique : Surveiller, analyser, protéger, influencer » écrit par Christian Harbulot paru aux Éditions VA Press. (ISBN-13: 979-1093240725). Prix : 14 euros.

Reproduit ici grâce à l'aimable autorisation de l'auteur et des Éditions VA Press.

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Christian Harbulot est directeur de l'École de Guerre Économique et directeur associé du cabinet de conseil Spin Partners, spécialisé en intelligence économique et lobbying.

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