Deux événements récents, le séisme du 4 août à Beyrouth et la culpabilité reconnue le 18 août, par le Tribunal international de La Haye, du responsable Hezbollah Salim Ayyash dans l’attentat de Rafic Hariri ont remis au grand jour les agissements et les méthodes pour le moins inquiétantes du “parti-milice” de Hassan Nasrallah.
Concernant l’explosion hors-norme du 4 août, peu importe finalement si le départ de feu et la première explosion sont accidentels ou intentionnels, l’essentiel est que l’on peut démontrer à nouveau de façon spectaculaire que le Hezbollah est une organisation qui pratique le terrorisme à grande échelle. En effet le fameux Hangar 12 (et d’ailleurs tout le Port !) où se situait le nitrate d’ammonium est sous la tutelle directe du Hezbollah et ce même composant chimique a été identifié dans maints pays comme étant utilisé à des fins terroristes par des cellules du Hezbollah : Allemagne, Grande Bretagne, Bulgarie, Thaïlande, Etats-Unis,... Nous avons ici simplement une preuve supplémentaire de la culpabilité terroriste du Hezbollah. Pour mémoire, je rappellerai tout de même qu’un des premiers méfaits du Hezbollah a été l’attentat dit du «Drakkar» qui a fait 58 victimes parmi nos parachutistes du 1er RCP à Beyrouth le 23 Octobre 1983. J’étais à l’époque à Beyrouth, volontaire français dans les «Forces Libanaises» qui luttaient justement - totalement seules à l’époque - contre les hordes islamiques conjointes du Hezbollah, de Amal, du Parti Socialiste Progressiste (!), des terroristes Palestiniens résiduels et bien sûr des Syriens encore présents sur le sol libanais.
Il est utile de rajouter ici que le Hezbollah, dans le sillage de la République Islamique d’Iran, est non seulement l’artisan essentiel de l’élimination politique - quand elle n’est pas physique (citons, parmi une quinzaine de personnalités libanaises, le grand journaliste Gebran Tueni, les députés chrétiens Antoine Ghanem et Pierre Gemayel, etc...) - des Chrétiens au Liban mais que celui-ci et Téhéran n’ont jamais été un rempart contre l’intégrisme et le terrorisme sunnites. Bien au contraire - et ceci est fondamental - le régime des Ayatollah n’a jamais cessé de soutenir partout dans le monde les factions sunnites les plus extrémistes et les plus dangereuses : le Hamas en Palestine, les Taliban en Afghanistan, les Frères Musulmans de Morsi en Égypte,... et tout récemment le Régime des Frères Musulmans de Tripoli en Libye qui a été promu exclusivement jusqu’ici par la Turquie d’Erdogan !
Rien de plus normal lorsque l’on sait que l’intégrisme chiite moderne est né organiquement de l’idéologie sunnite des Frères Musulmans... Pour mémoire l’Ayatollah Khomeiny a pris le contrôle des Frères Musulmans d’Iran (succursale des Frères Musulmans d’Egypte) après que son chef Nawab Safawi a été éliminé par les services du Shah. Par la suite c’est l’imam Ali Khamenei qui traduisit en perse les écrits essentiels de l’idéologue égyptien, Sayed Qotb, des Frères Musulmans fondés en 1928 au Caire par Hassan El-Bana.
Jean-Frédéric Poisson dans son excellent ouvrage «L’Islam à la conquête de l’Occident», décortique la «Stratègie de l’action culturelle islamique à l’extérieur du monde islamique», à partir d’une déclaration officielle de l’ISESCO (équivalent islamique de l’UNESCO) en 2000 à Doha. Tous les pays islamiques de la planète (à savoir 57 pays dont tous les pays à population majoritairement majorité chiite) ont ainsi participé sans sourciller à cette déclaration solennelle. Ces nations, qui appartiennent par ailleurs à l’Organisation de la Coopération Islamique (OCI), ont ainsi adhéré comme un seul homme à la promotion de la “charia”, de la “oumma” et de la “dhimmitude” en tant que valeurs fondatrices de leur action au sein du Dar-El-Harb (autrement dit le monde extérieur à l’Islam... à conquérir). Ceci illustre parfaitement la convergence politique essentielle du sunnisme et du chiisme face aux nations non-musulmanes. Je dirai en définitive que les intégrismes chiite et sunnite sont consubstantiels.
Il faut donc bien comprendre que dans cette perspective de «djihad» mondial, la République Islamique d’Iran constitue un élément-clé du dispositif. En effet, le régime des Ayatollah, dont on a pu dire à juste titre que c’était «Daech qui avait réussi», pourrait bien devenir intouchable - et par la même atteindre le degré ultime de la théorie de la «forteresse imprenable» sur le plan tactique - s’il détenait enfin la bombe atomique.
Alors, autant je considère qu’Israël a commis une erreur gravissime lorsqu’il a entraîné les États- Unis et l’Europe dans l’élimination du régime de Saddam Hussein (à l’origine d’une solide stabilité régionale face à l’islamisme et d’un important soutien militaire aux Chrétiens du Liban de 1988 à 1990), autant son inquiétude vis-à-vis de l’Iran est évidemment justifiée. Je précise cependant que la menace de l’axe Iran-Hezbollah dépasse largement la problématique de la seule survie d’Israel.
Par exemple au Pays des Cèdres, la récente démission du premier-ministre libanais sunnite Hassan Diab et de son gouvernement, qui sont finalement les moins importants dans l’échelle des responsabilités directes de la corruption endémique, de l’incompétence technique crasse de l’administration libanaise et du noyautage complet des institutions au profit d’une seule et même clique depuis des décennies, est absolument insuffisante. Il faut la démission de Nabih Berri, président chiite indéboulonnable du Parlement et allié stratégique du «parti-milice» Hezbollah de Hassan Nasrallah et bien sûr de Michel Aoun, caution chrétienne du «parti de Dieu» et fossoyeur du Liban depuis toujours. Ensuite, il faut des élections législatives anticipées et dans la foulée l’élection d’un nouveau président de la république.
D’autre part si le Liban veut vraiment sortir de l’enfermement et de l’idéologie de mort du Hezbollah, la pression populaire contre le régime doit également s’accentuer, se renforcer et s’organiser. De nouvelles têtes crédibles de la société civile doivent apparaître et une fois structuré, ce mouvement anti-régime pourra compter sur les seuls courants politiques souverainistes qui s’opposent sans discontinuer et avec force aux partis libanais “collaborationnistes” au pouvoir depuis 30 ans (qu’ils soient hier pro-palestinien, puis pro- syrien et aujourd’hui pro-Iranien). Ces mouvements au souverainisme indiscutable sont les héritiers naturels de la Résistance patriotique emblématique de Bachir Gemayel, à savoir les Forces Libanaises de Samir Geagea et le parti Kataëb de Sami et Nadim Gemayel.
Cependant parallèlement, cette nouvelle ”révolution” souverainiste aura besoin du concours des grandes puissances internationales telles que les Etats-Unis, la France, l’Allemagne, la Grande-Bretagne, l’Egypte et la Russie. En fait, c’est simple, toutes les nations qui soutiennent actuellement le maréchal Haftar en Libye contre le gouvernement des Frères Musulmans de Tripoli (encore une fois soutenu uniquement, précisons-le, par la Turquie et l’Iran) doivent se retrouver à la table des négociations avec le Liban pour
faire plier le Hezbollah et en finir avec la dictature “noire”. Ce scénario fournirait - pour la première fois - la preuve éclatante que l’axe Trump-Poutine face à la montée de l’islamisme mondial est une réalité et non pas seulement une fiction !
Alors, comme un point d’orgue inattendu, les Chrétiens du Liban, ayant enfin relevé la tête, pourront jouer à nouveau ce rôle que l’Occident n’aurait jamais dû oublier : assurer un lien, un équilibre et un apaisement indispensables entre toutes les minorités et communautés du Moyen-Orient qu’elles soient chrétiennes, musulmanes ou israélites ! En plus de la résistance face à l’islamisme, c’est justement leur vocation historique depuis... seize siècles.