La consultation du Docteur Hartz ou l’ouverture au risque de la mélancolie Allemande

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Par Jean-Paul Gomez Publié le 4 février 2014 à 6h00

Le miracle économique allemand est devant nous: le taux de chômage est tombé à 5,5 % de la population active, tandis que les régimes d'assurance-chômage, de retraite et d'assurance-maladie sont désormais excédentaires. Une balance commerciale insupportable d’insolence excédentaire, VAG qui réalise des dizaines de milliards d’Euro de bénéfice, un réseau de PME parmi les meilleurs du monde, etc… Comment cet apparent résultat s’est-il construit ?

En 2000, Gerard Schröder, chancelier allemand, premier dirigeant d’un pays détestant l’inflation, les pertes, les monnaies faibles, les systèmes déficitaires, bref d’un pays ultra-rigoureux dans sa gestion alerte son pays sur les risques liés aux déficits de son système de solidarité sociale. L’Allemagne est un pays exportateur et se doit de rester compétitif. Si des déficits structurels apparaissent dans le système social, cela aurait deux conséquences que les Allemands rejetteraient du fait de leur histoire :

- un déficit entrainant une perte de compétitivité,

- donner un accord pour dévaluer l’Euro pour rester compétitif en terme d’exportation.

S’appuyant sur la forte représentativité des syndicats et la culture forte d’un dialogue social de qualité, il mandate Peter Hartz pour négocier avec tous les partenaires sociaux un nouveau pacte permettant à l’Allemagne d’assurer à ses habitants une sécurité et un nouveau cycle de stabilisation économique. Comme chacun sait, la fonction de production est une combinaison de fonction Capital-Travail. Les Allemands ont choisi de conserver le capital chez eux, ce qui impose une réduction du coût difficile sur cette composante de l’équation. Donc, pour modifier le résultat, il fallait toucher à la fonction travail. Réduire le cout du travail devenait la seule possibilité pour rester compétitif. Pour y arriver, la méthode a consisté à pratiquer dans un monde en forte croissance à la baisse des coûts du travail.

C’est la désinflation compétitive qui consistait à maitriser ses couts avec une monnaie plus stable que les autres, ainsi, les prix n’augmentaient pas relativement aux autres prix des pays. Donc le prix de vente d’un bien baissait du fait du différentiel d’inflation. Les Allemands ont donc inventé une nouvelle manière de faire baisser les prix relatifs : la déflation compétitive.

Cela s’est fait en demandant aux salariés allemands des sacrifices sur leur consommation, leur système de protection sociale et sur les salaires minimum après de longs mois de négociation: ce sont les lois Hartz (Résine en français). Celles-ci modifient radicalement le rapport des allemands au travail. Souplesse dans les procédures d’embauche et de licenciements, incitation aux formations, suivi personnalisé dans le cadre de la période de chômage, réduction de la durée d’indemnisation du chômage, obligation d’accepter un travail à un euro de l’heure (revenant à supprimer la notion de salaire minimum), mise en place de convention régissant le travail précaire hors convention de tous secteurs (contrats minijob et midjobs), incitation de création d’entreprise par un chômeur, restructuration de l’agence nationale pour l’emploi. 4 lois, qui, à la finale, ont refondé le pacte social Allemand en pleine période de croissance mondiale. Cela a entrainé un affaiblissement de la consommation finale dans ce pays. Le seul moteur de la croissance Allemande était l’export.

Tout cela s’est terminé par deux faits :

- En 2005, Peter Hartz a reconnu avoir corrompu les syndicats de Volkswagen, de nombreux doutes sur un retour d’une forme d’esclavagisme lié à ces lois dans les entreprises allemandes sont apparus.

- La démographie catastrophique de l’Allemagne qui se construit du fait du vieillissement de la population, et les symptômes de difficultés majeures dans la gestion des salariés les plus faiblement payés. En 2014, Angela Merkel est obligée de créer un salaire minimum plus élevé, d’autre part, l’Etat allemand va vite devoir trouver des solutions pour les retraités qui, après leurs périodes de travail, auront des retraites insignifiantes, ce qu’il a commencé à réviser ces derniers jours. La paupérisation de la population allemande est aux portes de l’Allemagne et le risque de l’apparition d’un état mélancolique pour l’Allemagne pourrait arriver plus vite qu’on l’imagine.

Le Docteur Hartz qui a mis en place ces réformes a été apparemment « consulté » ces derniers jours en France. L’Elysée dément avoir embauché l’ancien ministre comme conseiller. Il est vrai qu’après la mise en place de l’ANI et la mise en place de l’accord de génération, qui dans leur exécution ne sont pas une franche réussite en France, le gouvernement cherche à réformer la relation des français au travail et à faire adhérer les partenaires sociaux aux changements nécessaires, tout comme le docteur Hartz a réussi à le faire en Allemagne.

Peut-être l’objet de la rencontre tournait autour de la façon dont le gouvernement français pouvait s’y prendre pour réussir à prendre ce virage avec le minimum de contestation sociale ? Les différences structurelles fondamentales entre l’Allemagne et la France et la différence de contexte économique ne permettent pas d’envisager d’appliquer les mêmes recettes. François Hollande et le gouvernement sont à la recherche de méthodes pour faire évoluer notre code du travail avec le moins de contestation possible. CAR, le problème de fond de la France est la complexité de notre code du travail et en parallèle la complexité de notre système fiscal. Ce sont les deux thèmes de rapprochement avec l’Allemagne que Hollande a voulu mettre en avant lors de sa dernière conférence de presse. L’Allemagne a déjà choisi de démarrer un retour sur les lois Hartz, la France va devoir bouger assez rapidement. Et la réponse à la grande question de la convergence des modèles sociaux et fiscaux Français et Allemands est bien : Oui ! il y aura convergence. Mais il va se passer un certain temps et beaucoup de négociations pour que la convergence des systèmes soient complètes.

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Jean-Paul Gomez est économiste. Il est également auteur de nombreux articles parus dans la presse.

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