Fin janvier, le Sénat a décidé de supprimer les mesures contre « le harcèlement et les violences sexistes" dans les transports. A l’initiative de ce projet permettant de protéger les victimes, une femme (Marie Le Vern, députée PS) soutenue en juillet 2015 par deux secrétaires d’Etat : Alain Vidalies, secrétaire d’Etat chargé des Transports, de la Mer et de la Pêche et Pascale Boistard, secrétaire d’Etat chargée des Droits des femmes. Le plan présenté à l’époque ambitionnait d’expliquer à tous, les problèmes subits par de nombreuses femmes dans les transports et à mieux former les professionnels du secteur.
Les agressions dans les transports : une réalité connue de tous mais souvent ignorée
Regards malsains, insultes, sifflements, propos sexistes, regards lubriques, avances déplacées, baisers ou caresses forcés, exhibition, masturbation en public, et même parfois, des « frottements », des attouchements : voilà ce que subissent les Françaises dans les transports publics. Et ne parlons pas du viol !
De nombreuses études s’accordent à dire que les femmes sont les 1ères victimes de ce genre de comportements. Qui plus est, un rapport du Haut Conseil à l’Egalité entre les hommes et les femmes révèle que 100% des femmes ont un jour été victimes de harcèlement sexiste ou d’agression sexuelle dans les transports. En parallèle, l’étude internationale de Yougov indique que 85% des Parisiennes pensent qu’elles ne seraient pas aidées en cas d’agression dans le métro". Malgré ce triste constat, l'article 14 - sur la lutte contre le harcèlement sexiste – n’a pas retenu l’attention des sénateurs et laissent ainsi les femmes sans cadre juridique en cas d’agression. L’article en question obligeait les services de transport en matière de formation, de prévention et leur imposait également un bilan annuel de leurs actions dans ce domaine. Quelles actions concrètes pour protéger les femmes ? Pourquoi en 2015 rien n’est fait pour protéger les victimes alors que le métro parisien, par exemple, existe depuis le milieu du XIXème siècle ?
Comment expliquer la décision des sénateurs ?
Avec la suppression de l’article 14, le message envoyé aux victimes et aux initiateurs de cette mesure est déplorable. Les sénateurs ont ôté une mesure nécessaire et ouvrant la voie à d’autres, allant dans ce sens. On peut se demander si la décision prise n’est pas due à la faible représentation de la gente féminine au Sénat. En examinant la répartition homme-femme au sein du sénat, on s’aperçoit qu’il compte 91 Sénatrices sur un total de 348 sénateurs soit 26.1%. De là à dire qu’il s’agit d’une décision sexiste n’exagérons rien. Il faudrait pour cela connaitre le choix des différents sénateurs et sénatrices.
Des dispositifs déjà en place
En novembre dernier, des affiches et panneaux numériques dans les métros, gares et transports en commun de plusieurs grandes villes rapelle avec des mots parfois crus les situations auxquelles peuvent être confrontées les femmes. Cette campagne, également relayée sur Internet et les réseaux sociaux rappelle les peines encourues par les agresseurs : 6 mois de prison et 22.500 euros d'amende pour injures ou menaces, 5 ans de prison et 75.000 euros d'amende pour baisers forcés, mains aux fesses, frottements.
En parallèle, des arrêts de bus de nuit à la demande sont par ailleurs expérimentés à Nantes depuis le 1er novembre. Enfin, depuis le 7 décembre, le numéro d'alerte de la SNCF (3117) est également accessible par SMS, ce qui permettra de signaler une situation d'urgence plus discrètement qu'en téléphonant. Espérons que les témoins d’une agression auront le courage de faire remonter les faits et que les sanctions prévues pourront être appliquées.
Un cadre légal dans le milieu du travail
En France, le délit de harcèlement sexuel a été introduit dans le code pénal par une loi de 1992, précisée en 1998. La loi du 17 janvier 2002 a modifié cet article dans le but d'élargir le champ d'application du harcèlement sexuel en supprimant certains éléments qui permettaient de le qualifier. Depuis 2003, la victime n'avait plus à établir la réalité de son absence de consentement à ces pratiques, le harceleur présumé devait apporter des éléments objectifs justifiant son comportement. Une décision rendue le 23 mai 2007, par la Cour de cassation, a reconnu que l'usage d'un SMS était de nature à établir la réalité des faits, en l'occurrence, un message envoyé par le harceleur. Le 4 mai 2012, une nouvelle loi voit le jour afin de combler le vide juridique laissé par la décision du Conseil constitutionnel. Cette loi apporte une définition plus précise du délit de harcèlement sexuel et stipule que les auteurs risquent deux ans d'emprisonnement et de 30 000 € d'amende. Mais alors, pourquoi légiférer dans le milieu du travail et être frileux à le faire dans les transports ou dans la rue ?