Handicap : pourquoi les entreprises engagées ont-elles du mal à recruter ?

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Par Martine Carrillon-Couvreur Publié le 30 septembre 2013 à 3h39

La députée de la Nièvre, Martine Carrillon-Couvreur, vice-présidente de la commission des Affaires sociales, préside le Conseil National Consultatif des Personnes Handicapées depuis novembre 2012. Elle est au cœur de tous les débats et des politiques qui participent en France à l'amélioration des conditions de vie des personnes handicapées. Avec Richard Ozwald, directeur de la diversité à la Société-Générale, elle a lancé le Handiclub Emploi. Une structure innovante qui réunit régulièrement parlementaires et représentants d'entreprise afin d'élaborer une meilleure application de la loi Handicap en matière d'emploi. Une structure partenariale entre le monde politique et celui de l'entreprise qui se propose d'identifier les bonnes pratiques à généraliser et de mettre en place des formes nouvelles pour faciliter l'accès à l'emploi des personnes handicapées.

Une première rencontre s'est tenue le 29 mai 2013 sur l'employabilité et l'accessibilité au marché du travail des personnes handicapées, qui a réuni des parlementaires, des responsables de plusieurs grandes entreprises, comme Peugeot, Société-Générale, Orange, GDF-Suez , Allianz, Total ainsi que des spécialistes de la question. La prochaine se tient tout prochainement, le 3 octobre. Elle sera consacrée à la formation des personnes handicapées et verra la présence de Michel Sapin, ministre du Travail, de l'Emploi, de la Formation professionnelle et du Dialogue social, et Marie-Arlette Carlotti, ministre déléguée chargée des Personnes handicapées et la Lutte contre l'exclusion. Pour Martine Carrillon-Couvreur, l'objectif cette fois est d'explorer en profondeur les possibilités de partenariats entre les grandes écoles et les entreprises. L'Enseignement supérieur est une problématique majeure. On constate que la prise en compte du handicap y demeure insuffisante, et ce malgré les évolutions législatives récentes. Nous nous devons d'avoir une approche concrète de ce problème. Par exemple, quelles aides financières peuvent être attribuées aussi bien aux jeunes qu'aux entreprises qui œuvrent en faveur de l'emploi des personnes handicapées, dans la perspective de développer des synergies entre les différents acteurs de la formation professionnelle ?

L'accès à la formation professionnelle des personnes handicapées s'est pourtant amélioré en France ces dernières années ?

Malheureusement non, depuis les vingt dernières années, il ne s'est pas amélioré dans les proportions espérées. Notre priorité est d'agir sur cette problématique afin que l'insertion professionnelle des personnes handicapées se réalise d'abord par l'emploi ordinaire. Les personnes handicapées demeurent une population fragile, davantage soumise aux aléas conjoncturels et qui cumulent les difficultés d'accès à l'emploi. Les chiffres parlent d'eux-mêmes, sur les trois dernières années, on enregistre, chez les travailleurs handicapés, un taux de chômage deux fois supérieur à celui des valides. Plus de la moitié de cette population est au chômage depuis plus d'un an, 41% a plus de 50 ans et 22% seulement possède un niveau de diplôme égal ou supérieur au baccalauréat (83% ont l'équivalent d'un CAP ou d'un BEP).

Le manque de qualification est le principal obstacle à l'accès et au maintien dans l'emploi des personnes handicapées. Comme pour le marché du travail dans son ensemble, il y a inéquation entre l'offre de compétences et la demande des employeurs, du fait de la sous-qualification des travailleurs handicapés, qui sont alors soumis à une « double peine », leur handicap et leur manque de qualifications, souvent dû à un parcours de scolarisation interrompu, un accès limité à l'enseignement supérieur, de mauvais choix d'orientation ou simplement un découragement. Quant aux formations proposées en établissement spécialisé, qui ne sont pas toutes qualifiantes, certaines personnes ne sont pas en mesure de les valider.

Pourtant, depuis la loi de 2005, de nombreuses politiques se sont mises en place pour faciliter l'accueil et l'inclusion des jeunes en situation de handicap dans l'école et donc dans les filières d'enseignement supérieur.

Oui, la loi de 2005 a été importante en terme politique. Il reste néanmoins à créer les conditions de sa bonne application car au-delà de l'intention du législateur, il faut qu'elle soit appliquée, voire même dépassée car les besoins de notre société évoluent. Quant à la loi récente sur la Refondation de l'école, elle marque des avancées historiques pour les élèves en situation de handicap. L'école refondée est une école inclusive, grâce à la loi du 8 juillet 2013. Ce principe de l'inclusion scolaire de tous les enfants, sans distinction, figure désormais dès le premier article du code de l'éducation. Réaliser cet objectif a supposé le déploiement de moyens financiers et humains de la même envergure. Nous trouvons de plus en plus d'élèves en situation de handicap qui suivent une scolarité dite normale : 225 560 élèves étaient scolarisés dans les établissements relevant du ministère de l'Education nationale l'année dernière. (136 421 dans le premier degré et 89 142 dans le 2nd degré). Et ces chiffres augmentent en moyenne de 11% par an. Il faut poursuivre ces politiques au niveau supérieur, je parle d'enseignement supérieur.

On sait qu'un élève handicapé au collège ou au lycée a quatre fois moins de chances d'accéder à des filières d'enseignement supérieur qu'un élève valide. Il faut lever les freins à la bonne application de la loi du 11 février 2005 qui a inscrit l'obligation pour les établissements d'enseignement supérieur d'accueillir les étudiants en situation de handicap. Ils se doivent de mettre en œuvre les aménagements nécessaires à leur situation dans l'organisation, le déroulement et l'accompagnement de leurs études. Enfin, en matière de formation professionnelle, cette voie demeure peu voire pas accessible tant d'un point de vue matériel qu'en dehors du cadre bâti. L'absence de mise en place des politiques concertées prévues par la loi du 11 février 2005 constitue un obstacle majeur à l'accès à la formation. La plupart des personnes handicapées qui ont connu des échecs dans leur scolarité, ont besoin d'un véritable accompagnement, en amont de l'orientation et pendant la formation. Tout l'enjeu de l'insertion professionnelle réside dans cette offre d'accompagnement des personnes handicapées.

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Martine Carillion-Couvreur est vice-présidente de la commission des Affaires sociales, et préside le Conseil National Consultatif des Personnes Handicapées depuis novembre 2012.

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