L’économie, ça sert à faire la guerre ?

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Par Pierre Bezbakh Modifié le 13 novembre 2013 à 8h15

La 6ème édition des Journées de l’économie (Jeco) de Lyon ouvre ce jeudi 14 novembre. Mario Monti sera le grand témoin de cette édition déclinée autour d’un fil rouge, « Reconstruire la confiance » ! Les Jeco, organisées par la Fondation pour l’Université de Lyon, proposent aux citoyens des clés pour mieux comprendre le monde qui les entoure grâce à un éclairage économique.

6000 personnes sont attendues cette année encore pour participer aux 60 conférences au cours desquelles universitaires reconnus, chefs d’entreprises, personnalités politiques et journalistes confronteront leurs points de vue. Chaque jour, un expert vous présentera une de ces conférences! Aujourd’hui, Pierre Bezbakh se demande : « L’économie, ça sert à faire la guerre ? ».

L'économie, ça sert à faire la guerre ?

Tous les affrontements guerriers ont une dimension économique, mais les causes économiques ne sont jamais suffisantes pour expliquer à elles seules ces conflits violents. Les exemples sont nombreux. Prenons en quelque uns, concernant des périodes proches et lointaines et des affrontements de natures différentes.

L’empire romain s’est constitué comme l’on sait à la suite de cinq siècles de conquêtes territoriales, commençant par l’ensemble de la péninsule italienne, et s’étendant ensuite au pourtour méditerranéen et aux territoires limités au Nord par le Rhin et le Danube. Cette dynamique militaire s’explique par la recherche de nouvelles terres, de richesses minières et d’esclaves, mais aussi de prestige et de pouvoir personnel de la part des consuls comme Marius, Jules César ou Octave-Auguste qui aspiraient à devenir « maîtres de Rome ».

Dans le cas des « guerres de religion » du XVIe siècle, les motivations religieuses se mêlent à des préoccupations économiques et politiques. C’est le cas en France, où les « huguenots » appartenaient majoritairement (mais pas exclusivement) aux « classes » marchandes, et où la noblesse soutenant Henri IV briguant le trône de France, vivait principalement dans la partie Sud du royaume, historiquement moins soumise au pouvoir central. De même, les facteurs économiques et politiques sont étroitement liés dans les affrontements entre les Provinces-Unis marchandes et protestantes et l’Espagne catholique et traditionaliste, à la fin du XVIe et au début du XVIIe siècle, et lors de la guerre civile anglaise (1642-1648) opposant l’armée du parlement « bourgeois » commandée par le puritain Cromwell et celle du roi Charles Ier suspecté de sympathie pro-catholique, soutenu par la grande aristocratie foncière.

Les causes économiques ne sont jamais les uniques facteurs de déclenchement d’un conflit

Les guerres mondiales du XXe siècle proviennent elles aussi de facteurs économiques, politiques et idéologiques. La guerre de 14 éclate dans le contexte d’une rivalité entre nouvelles puissances industrielles européennes (la Grande-Bretagne, la France et l’Allemagne) en concurrence pour leurs exportations de marchandises et de capitaux ; mais la guerre se déclenche en raison d’alliances politiques entre les nations citées et des « petits pays », et ne pourra entraîner autant de malheureux soldats dans de si durs combats qu’en raison de leur adhésion au « patriotisme » faisant de « ceux d’en face » des ennemis héréditaires à écraser.

Celle de 39 est la conséquence du Traité de Versailles qui suscita un vif sentiment de frustration en Allemagne et un désir de revanche, exploité par Hitler pour arriver au pouvoir. Si la guerre constituait un moyen pour sortir l’Allemagne des effets de la crise de 1929 (elle comptait six millions de chômeurs en 1933), elle était aussi l’occasion de reconstruire une « grande Allemagne », de souder le pays derrière son « führer » et de justifier l’existence d’une dictature politique permettant aux dignitaires du parti nazi de bénéficier de divers privilèges et d’assouvir leurs pulsions perverses.

Ainsi, aux causes économiques du déclanchement d’un affrontement armé s’ajoutent des facteurs d’une autre nature sans lesquels il n’aurait pas lieu.

Pierre BEZBAKH, Université Paris Dauphine

Retrouver toute l’actualité des Jeco 2013 : https://www.journeeseconomie.org/

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Pierre Bezbakh est Maître de Conférences en Sciences économiques à l’Université Paris Dauphine. Il est Docteur en Sciences économiques Diplômé de l’Institut d’Etudes politiques de Paris. Il a exercé les responsabilités de Directeur du Département "1er cycle Gestion Economie appliquée", à l’Université Paris Dauphine (de 2001 à 2006). Il est également chroniqueur au journal Le Monde (Rubrique mensuelle «Les acteurs de l’économie», dans «Le Monde de l’économie»)Il est enfin l'auteur de "Crises et changements de société, les grandes ruptures dans l’Histoire de l’Empire romain à nos jours", L’Harmattan 2012. 

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