Guerre commerciale : à qui la faute ?

Par Bertrand de Kermel Modifié le 17 juillet 2018 à 6h53
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@shutter - © Economie Matin
505,6 milliards de dollarsAux États-Unis, en 2017, les importations venues de la Chine se sont élevées à 505,6 milliards de dollars, contre 130,4 milliards d'exportations américaines vers la Chine.

Depuis des années, toute ONG ou association qui s’est rendue à Bruxelles pour demander poliment un peu plus d’humanité, de justice et d’équilibre dans le système de la mondialisation économique, a essuyé un refus. Parce que la politique européenne est la seule qui soit la bonne.

Ce type de réponse s’applique également aux États. La France, qui a élaboré un plan d’action sur le commerce mondial approuvé par le Conseil des Ministres du 25 octobre 2017 ne parvient même pas à obtenir un débat à Bruxelles, et encore moins sa prise en compte.

Ajoutons que la réponse du G7 aux États-Unis, en juin 2018, n’était pas appropriée. Par exemple les six pays partenaires des États-Unis auraient pu proposer à Donald Trump : « mettons-nous autour d’une table avec les Chinois, et cherchons les moyens de mettre un terme aux trop grandes disparités dans les échanges commerciaux, qui sont destructrices ».

Aux États-Unis, en 2017, les importations venues de la Chine se sont élevées à 505,6 milliards de dollars, contre 130,4 milliards d'exportations américaines vers la Chine. C’est intenable. Donald Trump a bien compris qu’il n’arrivera à rien avec les moyens de la diplomatie classique. Du coup, il pratique la politique du « rentre dedans ». Les coups pleuvent en rafale. L’Union Européenne et le Royaume Uni viennent d’en faire l’expérience lors du Sommet de l’Otan.

Le libre-échange est basé sur les théories de Ricardo (avantage comparatif). Il suppose un minimum d’équilibre dans les échanges, d’où les propositions et avertissements de Maurice Allais, que j’ai eu l’occasion d’évoquer dans un précédent article. Non seulement on n’en a pas tenu compte en créant l’OMC en 1994, mais encore les pratiques de dumpings monétaire, fiscal, social et environnemental ainsi que la corruption qui a explosé sur la planète depuis 25 ans ont aggravé le phénomène. La concurrence est donc faussée en permanence avec toutes ces tricheries. C’est le terreau sur lequel se développent les inégalités, le chômage, la pauvreté, voire le terrorisme. (Ainsi que les votes dits populistes, qu’il faut percevoir comme des cris de désespoir des victimes de ces pratiques qui relèvent souvent du droit pénal…)

Que peut-on faire ? Puisqu’on ne peut plus appliquer les propositions de Maurice Allais et qu’on ne peut pas supprimer les mauvaises pratiques, attaquons-nous à leurs effets. La réciprocité des échanges commerciaux (réclamée par Trump) est un des meilleurs outils pour limiter efficacement les effets de ces pratiques. Négocions-là rapidement.

Des solutions existent.

Timothy Geithner, secrétaire du Trésor américain sous Obama, avait proposé que chaque État limite son excédent ou son déficit commercial à 4 % de son PIB. Plus souplement, Lionel Stoléru, dans un rapport remis à Nicolas Sarkozy en 2011, proposait que chaque État fortement excédentaire ou déficitaire « s’efforce » de baisser pendant trois ans son excédent ou son déficit d’un demi-point de PIB par an.

La suite prouve que la France estime aussi qu’il faut changer les choses.

Lors d’un voyage en Chine, fin janvier 2015, Manuel Valls, a évoqué le nécessaire « rééquilibrage » des relations commerciales entre les deux pays. Il a été, sinon applaudi avec frénésie, du moins « écouté ». Mieux encore. Au cours d’un voyage en Chine en décembre 2017, Bruno Le Maire a réussi à faire inscrire dans un communiqué commun avec son homologue chinois le terme de « réciprocité ». Preuve qu’une négociation avec la Chine est possible.

Grâce à cette régulation, nous réduirions mécaniquement les conséquences des dumpings et autres pratiques déloyales, car la triche ne serait plus aussi rentable que par le passé. En tous cas elle trouverait une limite.

Il faut aussi prendre garde aux ambiguïtés trompeuses. La Commission européenne prône la réciprocité des échanges, mais, pour elle, cela signifie seulement un accès élargi aux marchés publics. C’est hypocrite. La réciprocité des échanges doit concerner tous les échanges de biens et de services. Les lobbies de Bruxelles s’y opposent, et interdisent à l’Union Européenne d’aller sur ce terrain. Les entreprises qu’ils représentent ont de longue date délocalisé leurs usines (notamment en Chine) et elles profitent à plein de ces déséquilibres pour exporter vers l’Europe et augmenter leurs profits. Pour elles, les déséquilibres dans les échanges sont un « plus ». Pas question de les réguler.

En acceptant ces « instructions », et en les justifiant, l’Europe ne protège ni les peuples, ni leurs entreprises.

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Ancien directeur général d'un syndicat patronal du secteur agroalimentaire, Bertrand de Kermel est aujourd'hui Président du comité Pauvreté et politique, dont l'objet statutaire est de formuler toutes propositions pour une "politique juste et efficace, mise délibérément au service de l'Homme, à commencer par le plus démuni ". Il est l'auteur de deux livres sur la mondialisation (2000 et 2012)

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