L'Europe à la traîne ?
Le Président Trump se remet à tonner contre la Chine. Le marché garde son sang-froid, sur fond de chiffres économiques favorables, d’anticipations de réglages monétaires plus accommodants et d’espoir que « le pire n’est jamais certain ». Il n’empêche que dans ce monde compliqué, l’Europe paraît être à la traîne. A elle de repenser sa politique internationale.
Le président Trump a réitéré hier la menace d’une généralisation des droits de douane plus élevés à l’ensemble des importations en provenance de Chine. Le geste ne surprend pas ; les taxes sur les produits importés sont le principal levier de la politique commerciale vis-à-vis de Pékin, choisi par la Maison Blanche. Pourquoi maintenant ? Sans doute pour mettre du tempo à une négociation bilatérale qui paraît assez peu dynamique depuis la « trêve » décidée en marge du dernier sommet du G20, les 28 et 29 juin derniers. Le marché des capitaux a réagi (repli de la bourse de New York et baisse des taux longs américains), mais plutôt dans le calme. Comme si les investisseurs et les opérateurs « achetaient » une double histoire : d’une part, un assouplissement monétaire implicitement coordonné est en marche et, d’autre part, Washington et Pékin sauront ne pas aller trop loin dans leurs disputes sur les terrains commercial et économique.
Les dernières tombées en matière de chiffres économiques paraissent donner du crédit à ce regard plutôt confiant. On parlait en début de semaine d’indicateurs chinois pour le mois de juin plutôt favorables. Ceux concernant l’économie américaine, publiés hier, sont bons et surtout meilleurs qu’attendus. Les ventes au détail repartent nettement à la hausse, tant et si bien qu’il faut s’attendre à un net rebond de la consommation des ménages en T2, après la déception de T1. Du côté de l’activité manufacturière, la hausse de 0,4% le mois dernier n’efface cependant pas la contre-performance des mois précédents ; d’où un repli sur le trimestre. Ce contraste entre consommation et production envoie le message que la correction baissière attendue des stocks s’est probablement produite. Ce qui est positif, toutes choses égales par ailleurs, en termes de perspectives de croissance sur la seconde partie de l’année.
Les « données en dur », plus que les enquêtes de conjoncture, paraîtraient donc confirmer le regard plutôt constructif porté par le marché sur son environnement. Remarquons toutefois que l’économie européenne est en retrait par rapport à celles de ses deux grands partenaires. L’enquête allemande ZEW pour le mois de juillet enregistre un nouveau repli et dépeint donc des perspectives pas très porteuses.
L'Europe ne risque pas de mettre sa politique étrangère au service de ses intérêts économiques
Pourquoi ce contraste entre l’Europe d’un côté, la Chine et les Etats-Unis de l’autre ? Le rythme de la croissance potentielle (inférieure dans cette première zone) et l’ouverture de l’économie sur le reste du monde (supérieure) sont des raisons souvent mises en avant. Ce qui est justifié, car elles sont pertinentes. Je voudrais insister sur un autre élément : la place des dossiers économiques dans la politique extérieure. Pour présenter les choses de façon simple, les Américains disent à leurs partenaires « acheter davantage de biens et services américains – alternativement, vendez moins chez nous – ou nos relations vont se dégrader ». Les Chinois proposent à une large partie du monde de développer une coopération plus étroite, dont une des dimensions est une plus grande ouverture aux investissements en provenance de Chine (les importations de produits made in China suivent généralement). Que font les Européens ? A la différence des Etats-Unis et de la Chine, Les relations économiques internationales sont séparées de la politique étrangère et de défense. La première (concurrence et commerce avec le reste du monde) est sous la responsabilité de la Commission ; la seconde est l’apanage des États membres.
Dans un monde devenu multipolaire et instable, où, si ce n’est tous les coups, beaucoup de coups sont permis, cette séparation nuit à l’efficacité de l’Europe dans le monde ; avec assurément des conséquences négatives en termes de croissance. Y a-t-il ici un sujet, dont il faudrait savoir s’emparer, pour la nouvelle Présidente de la Commission européenne ?
Pour François Villeroy de Galhau, les banquiers centraux ne sont pas dépendants des marchés
Disons deux mots de politique monétaire, pour noter la leçon de chose développée hier par François Villeroy de Galhau, le Gouverneur de la Banque de France. Celui-ci affirme que « la politique monétaire doit être conduite en toute indépendance » ; vis-vis des pouvoirs politiques bien sûr, mais aussi des intérêts économiques particuliers. Au nombre de ces derniers, il y a évidemment les marchés de capitaux. Et le gouverneur d’être précis : les banquiers centraux tiennent compte des indications de marché, mais ne sont pas dépendants des marchés. « Au passage », il précise que « cela suppose de ne pas s’appuyer trop exclusivement sur les données de marché pour évaluer les anticipations d’inflation ». N’y a-t-il pas ici un écho à l’analyse de Benoît Coeuré qui, la semaine dernière, pointait des anticipations des consommateurs plus probantes que celles des marchés financiers en matière d’inflation ? La BCE va assurément assouplir son réglage monétaire, mais sans doute pas autant qu’espéré par une partie des intervenants de marché.