Pourquoi le groupe Casino aiguise les appétits financiers

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Par H. Fournier Modifié le 23 novembre 2018 à 12h40
Casino Cession Vingt Hypermarches 2
@shutter - © Economie Matin
1,5 milliardCasino a quasiment bouclé son plan de cession d'actifs pour 1,5 milliard d'euros

Approché par son concurrent Carrefour, cible potentielle pour le géant US du e-commerce Amazon, secoué par des attaques en Bourse menées par des fonds spéculatifs, Casino semble aujourd’hui l’objet de toutes les convoitises. A tel point que, fait rarissime, le président de l'AMF, Robert Ophèle, a pris la parole* sur ce sujet.

Après le refus du groupe Casino de répondre favorablement à la tentative de rapprochement dont il affirme avoir été l’objet de la part du groupe Carrefour, la crainte d’une tentative de rachat hostile ne s’est pas pour autant totalement dissipée. Certains analystes imaginent également que le distributeur stéphanois, fortement endetté, pourrait faire une cible de choix pour le géant américain du commerce en ligne Amazon.

Depuis quelques années, la grande distribution doit en effet faire face à la menace de ce nouvel acteur dont la puissance financière est colossale et qui ne cache pas sa volonté de se diversifier dans les produits alimentaires. Dans le même temps, le marché des produits de consommation a tendance à stagner en France, voire à baisser, ce qui ajoute à la fébrilité du secteur. Dans ce contexte agité, une stratégie d’acquisition pourrait avoir un intérêt stratégique pour Carrefour, dont le plan de transformation met du temps à se déployer : Casino dispose en effet d’un atout de poids en la matière avec le site Cdiscount.

De leur côté, les marchés financiers s’inquiètent du niveau d’endettement du groupe Casino, qui a fait l’objet au cours des derniers mois de plusieurs baisses de notation et de rapports négatifs d’analystes financiers anglo-saxons. Au cours de l’été 2018, le groupe a même été la cible de manœuvres spéculatives à la baisse sur son titre de la part de plusieurs hedge funds anglo-saxons, qui ont envoyé son action à son plus bas niveau depuis dix ans, fin août. L’action est remontée depuis, limitant sa chute à 28 % depuis le début de l’année.

« Des formats rentables »

Mais si la dette est assurément actuellement le talon d’Achille de ce groupe construit brique par brique, par endettement, ce sont aussi ses atouts spécifiques qui attisent les appétits financiers : ses qualités opérationnelles, sa culture d’entreprise fondée sur l’agilité, l’indépendance et l’innovation, et les marques fortes qu’il a su installer durablement dans le paysage français.

Le groupe mise en effet résolument sur la diversification et sur l’innovation pour se protéger contre la concurrence et développe différents formats de magasin pour mieux répondre aux différentes demandes des clients : Franprix pour les centre-ville, Leader Price pour les prix bas, Monoprix pour une offre premium destinée une clientèle urbaine aisée, Naturalia pour le bio, et CDiscount, le seul véritable challenger d’Amazon en France, pour la vente en ligne. « Nous sommes très en avance sur nos concurrents en France, avec des formats rentables dans des zones porteuses qui correspondent davantage aux demandes des clients que les hypermarchés », affirmait ainsi récemment la direction du groupe au magazine Paris Match.

Le distributeur révèle également dans Le Journal du Dimanche « mettre le paquet dans ses concepts, l’expérience client et la technologie ». Il a ainsi installé des espaces de vente Cdiscount, ainsi que des scans de produits dans ses hypers Géant pour améliorer l’expérience en caisse de la clientèle. Il prépare aussi une application diffusant des offres ciblées sur smartphone en fonction des préférences alimentaires des clients, tracées par leurs achats.

En pointe sur le digital

Pour coller aux nouvelles attentes des consommateurs, Casino vient également d’inaugurer un « Amazon Go à la française » le 3 octobre dernier, à proximité du rond-point des Champs-Élysées, à Paris. Un nouveau format qui se veut « un concentré de futurologie », avec une offre complète de produits alimentaires et non alimentaires sur 550 m2, un positionnement premium, beaucoup de personnel, de nombreux services numériques, une vitrine interactive en réalité augmentée, et un magasin ouvert 24 h/24 et surveillé de 22 heures à 6 heures du matin par des vigiles.

Le groupe a aussi noué un partenariat avec Amazon via son enseigne Monoprix pour la livraison à domicile de produits alimentaires. L’idée est d’offrir aux adhérents du service Prime Now 6 000 articles de l’enseigne, principalement alimentaires, en livraison le jour même à Paris. Accessible depuis le 12 septembre, la nouvelle offre a démarré très fort. « Les ventes sont trois fois supérieures à ce qu’avaient prévu les dirigeants d’Amazon sur la base de leur expérience dans d’autres villes européennes », révèle au JDD la direction de Monoprix. « C’est comme si nous avions ouvert un magasin de plus à Paris ». Confortée par ces premiers résultats, la chaîne du groupe Casino prévoit de déployer ce service dans toute la capitale et dans plusieurs grandes villes françaises.

Sur la voie du désendettement

Le groupe Casino a démenti à plusieurs reprises toute cession, même partielle, à Carrefour ou à Amazon. Pas question non plus de « vendre les bijoux de famille » et de céder par exemple Monoprix, l’enseigne premium et très rentable du groupe.

Le groupe entend faire front et poursuivre sur la voie du désendettement en réalisant l’ambitieux plan de cession d’actifs non stratégiques (essentiellement immobiliers) dans lequel il est engagé, afin de réduire sa dette et de regagner la confiance des investisseurs. Un plan de cession de 1,5 milliard d’euros deux ans, dont 50 % est déjà atteint selon la direction du groupe, qui maintient « son objectif de réduction de la dette financière nette en France de 1 milliard d’euros à fin 2018 pour la réduire à 2,7 milliards d’euros », contre 3,7 milliards d’euros à fin 2017.

Le 16 septembre dernier, Rallye, le holding de contrôle de Casino, a par ailleurs annoncé dans un communiqué avoir signé une nouvelle ligne de crédit de 500 millions d’euros à échéance juin 2020, renforçant ainsi son dispositif de liquidité. Une ligne de crédit octroyée par cinq de ses banques de référence – BNP Paribas, Crédit Agricole CIB, Crédit Industriel et Commercial, HSBC et Natixis –, qui témoignent ainsi de leur volonté d’accompagner le groupe dans la durée, la direction de Casino réaffirmant à cette occasion « sa confiance dans les fondamentaux et les perspectives du groupe ».

(*) https://www.lesechos.fr/finance-marches/marches-financiers/0600109931016-exclusif-affaire-casino-lamf-mobilise-tous-les-moyens-a-sa-disposition-2221423.php

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Diplômé en relations internationales, affaires internationales et développement 

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