Grève SNCF : a-t-elle coûté 400 millions, ou 4 milliards ?

Jean Baptiste Le Roux
Par Jean-Baptiste Le Roux Publié le 20 juin 2014 à 10h24

Au delà d’une certaine durée, le coût d’une grève devient un élément non-négligeable à tout point de vue, surtout si l’on estime qu’elle aura un impact direct sur la croissance d’un pays. Avec une croissance proche de zéro, la France pourrait pâtir de cette mobilisation contre la réforme ferroviaire, emportant avec elle la bonne santé économique de nombre d’entreprises.

En matière de calculs, les estimations divergent.

Grève SNCF : un pays bloqué par moins de 20 % de cheminots

Ce qui est sûr, c’est que de nombreux pans de notre économie seront affectés, à court terme, par la grève SNCF qui bloque le pays depuis plus d’une semaine. Il faut hiérarchiser les différents secteurs affectés par cette mobilisation syndicale, qui ne soulevait, dans les derniers jours, et alors que le conflit touche à sa fin, à peine 12 % des employés (moins de 20 % au début de la mobilisation) de la compagnie ferroviaire. La SNCF est évidemment la première touchée. Viennent ensuite les conséquences économiques pour les entreprises. De manière plus globale, l’économie française pourrait également ressentir cette grève. Un blocage qui laissera enfin un impact psychologique sur la politique française avec cette question qui commence déjà à se poser : la France est-elle réformable ?

Grève : un manque à gagner de 400 millions d'euros quotidien pour la France

Une grève de cette ampleur, avec toutes les conséquences que cela peut avoir sur les acteurs économiques nationaux, au premier rang desquels les entreprises, entraîne forcément des conséquences sur le bilan économique du pays. Sur ce point, les estimations des économistes divergent. Marc Touati, par exemple; estime le manque à gagner quotidien à 400 millions d’euros. Une opinion partagée par Frédéric Gonand, de Paris-Dauphine, qui estime ce chiffre entre 300 et 400 millions d’euros. Soit 3 à 4 milliards d’euros depuis le début du mouvement.

Marc Touati rappelle que lors de la grande grève de 1995, le mouvement avait coûté au pays 1 point de PIB. "Cette fois-ci, la grève ne devrait pas excéder un impact de 0,1 à 0,2 point de PIB" précise l’économiste, qui ajoute qu’avec une croissance nulle, "l’impact relatif sera élevé à l’arrivée." Une opinion que ne partage pas l’Insee. Lors des grèves de novembre 2007, lors de la réforme des retraites, l’Institut national de la statistique avait estimé le manque à gagner pour le pays à 400 millions d’euros pour dix jours, et non pas par jour. Ce qui avait amené l’Insee à juger "négligeable" l’impact économique d’un tel mouvement social.

Entre 500 et 3 000 entreprises touchées indirectement

Quelles que soient ces estimations, l’impact sur les entreprises, bien que difficile à calculer lui aussi, reste une évidence. Pour la SNCF tout d’abord. Guillaume Pépy a évalué les pertes de son entreprises à 153 millions d’euros auxquels s’ajoute 12 millions d’euros par jour de grève supplémentaire. "Un tiers de notre résultat de l’année dernière. C’est énorme" a commenté à ce sujet le PDG de la SNCF.

Pour les autres entreprises, le tableau est clair. Imaginez les salariés ne pouvant se rendre au travail, ceux coincés dans les embouteillages car ayant choisi de prendre leur voiture pour aller au boulot, les journées de RTT posées en urgence, les livraison en attente, les reports d’achats etc… Difficile encore une fois de chiffre les pertes des entreprises touchées indirectement par les grèves à la SNCF mais on peut déjà estimer que ce sont 500 à 3 000 entreprises qui ont pâti du mouvement social.

L'image d'une France irréformable

Reste une autre facture à régler. La facture psychologique. Pour la France, comme pour le gouvernement. Pour la France car les citoyens français, que l’on savait pourtant attaché au sacro-saint droit de grève se sont réveillés pendant cette petite dizaine de jours avec l’idée qu’il faudrait peut-être limiter ce droit de grève, et faire payer aux grévistes les pertes engendrées. Mais également avec le sentiment qu’en temps de crise, plus que jamais, la France qui doit être réformée en profondeur dans de nombreux secteurs, reste malgré tout bien statique.

Pour le gouvernement, enfin, qui sait qu’il doit tenir bon face aux syndicalistes pour assurer le peu de crédibilité qu’il lui reste. Ce qui revient en clair à s’opposer à des membres de son propre camp, du moins traditionnellement. Cela fait des années que la France oeuvre à cette réforme ferroviaire, qui débouche finalement sur un mouvement social de grande ampleur. Et cette facture là, c’est l’image de la France qui risque de la payer.

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Jean Baptiste Le Roux

Jean-Baptiste Le Roux est journaliste. Il travaille également pour Radio Notre Dame, en charge du site web. Il a travaillé pour Jalons, Causeur et Valeurs Actuelles avec Basile de Koch avant de rejoindre Economie Matin, à sa création, en mai 2012. Il est diplômé de l'Institut européen de journalisme (IEJ) et membre de l'Association des Journalistes de Défense. Il publie de temps en temps dans la presse économique spécialisée.

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