Panique dans l'assiette, ils se nourrissent de nos peurs de Gil Rivière-Wekstein publié aux éditions le Publieur en 2017, révèle à ses lecteurs les pratiques fallacieuses qui gangrènent l'industrie agroalimentaire. En voici un extrait :
« En 1998, Greenpeace publie sur Internet une liste noire des produits susceptibles de contenir des OGM”. Il met en cause des groupes comme Nestlé ou United Biscuits après s’être contenté de relever l’utilisation de soja et de maïs, sans réaliser le moindre test pour vérifier la présence d’OGM dans les aliments incriminés ! L’objectif n’en fut pas moins atteint : la plupart des industriels épinglés ont préféré modifier leurs recettes afin d’en exclure tout ingrédient soupçonnable d’être génétiquement modifié. » En faisant plier ces géants de l’industrie agro-alimentaire, Thilo Bode a su redonner la visibilité nécessaire à la multinationale verte et, par la même occasion, la sortir de ses difficultés financières...
Greenpeace cherche à imposer un cahier des charges écolo aux grandes surfaces
Sauf que depuis l’arrêt des cultures OGM dans les principaux pays de l’Union européenne, il est désormais difficile de mobiliser l’opinion publique sur ce non-sujet. En outre, les questions agricoles n’ont jamais vraiment été au cœur des actions de Greenpeace. Toutefois, depuis mai 2015, l’association écologiste radicale a entrepris une série d’initiatives inédites visant à mettre en cause le modèle agricole européen en général, et l’agriculture française en particulier. Et qui dit Greenpeace, dit nécessairement actions spectaculaires.
Ainsi, le 13 mai 2015, une quinzaine de militants professionnels a déployé devant les locaux d’InVivo, une grande structure agricole au chiffre d’affaires de 6,4 milliards d’euros, une banderole accusant ses dirigeants « d’empoisonner les agriculteurs au lieu de les servir ». Le slogan a largement été diffusé sur les réseaux sociaux. L’opération coup de poing s’inscrit dans un plan de communication plus vaste, avec notamment sa campagne européenne « I know who grew it », lancée simultanément. Traduite en français par « Je sais ce que je mange », celle-ci propose aux sympathisants de la multinationale verte de « défier l’agro-business » et de s’engager « pour une agriculture et une alimentation plus saines ». À cette action, s’ajoutent deux autres : le lancement du financement « participatif » dédié à l’« agriculture paysanne » – autrement dit une levée de fonds –, et la « Course Zéro Pesticide », qui consiste à exercer une pression sur les six principales enseignes de la distribution française (Auchan, Carrefour, Casino, E.Leclerc, Intermarché, Système U) afin qu’elles imposent au travers de leur cahier des charges des engagements inaccessibles pour les producteurs de pommes et de pommes de terre.
Greenpeace contribue à la fabrique de la peur
Greenpeace complète l’arsenal de cette campagne avec un site Internet sur lequel figurent deux personnages animés – Reinette la pomme et Nicolas la pomme de terre – représentant « deux des filières empoisonnées par les pesticides ». Point d’orgue de la mobilisation, la multinationale rend public le mois suivant un simulacre de rapport intitulé Pommes empoisonnées : mettre fin à la contamination des vergers par les pesticides grâce à l’agriculture écologique.
Sans surprise, la fabrique de la peur fonctionne et les conclusions alarmistes sont largement reprises dans les principaux médias. « L’alerte de Greenpeace sur les teneurs en pesticides dans les vergers », titre ainsi Le Figaro. « Greenpeace s’attaque aux pommes pleines de pesticides », reprend France Info. « Greenpeace : Les pommes des supermarchés bourrées de pesticides », annonce OuestFrance, tandis que Le Parisien avertit que « les pommes de la grande distribution [sont] produites à grand renfort de pesticides ». Après avoir installé un climat général anxiogène, Greenpeace se focalise ensuite sur une seule enseigne, suivant la technique de communication baptisée name and shame (littéralement « nommer et couvrir de honte ») et développée dans le monde anglo-saxon. Cette méthode consiste à pointer du doigt une entreprise spécifique au motif d’un mauvais comportement. Face à la virulence de telles attaques, même sans fondements légitimes, aucune cible ne peut s’en sortir indemne. C’est ce qu’a vécu l’enseigne E.Leclerc quand elle a été dans le collimateur de l’ONG, avec la campagne antipesticides intitulée « Leclerc obscur ». Greenpeace multiplie les actions : blocage de la centrale d’achats Socamil, mobilisation de leurs militants à Landerneau d’où est originaire Michel-Édouard Leclerc, ainsi qu’une pétition lui demandant « de prendre ses responsabilités ». En juillet 2016, la multinationale verte accentue la pression en rendant publiques des analyses de jus achetés dans un hypermarché E.Leclerc et réalisées par ses soins. Tous les jus, sans exception, contenaient des résidus de pesticides. L’annonce est une fois de plus fortement médiatisée, avec une fausse pub de Greenpeace clamant : « Découvrez le jus multi-pesticides », « Faites aimer les pesticides à vos enfants ». C’en est trop, Michel-Édouard Leclerc capitule et annonce une collaboration avec Greenpeace.
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