Europe : soutenir Syriza, c’est agir contre les politiques d’austérité

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Par Eliane Assassi Modifié le 4 février 2015 à 18h06
Grece Victoire Syriza Dette Union Europeenne
@shutter - © Economie Matin
175,1 %La dette grecque représente 175,1 % de son PIB.

Avant toute chose, je souhaite une nouvelle fois faire de part de ma grande émotion, de mon effarement, face à la violence des attentats des 7,8 et 9 janvier qui ont endeuillé la France. La rédaction de Charlie Hebdo a été décimée ; des policiers ont été tués de sang-froid dans l’exercice de leur fonction ; des hommes ont été tués parce qu’ils étaient de confession juive, parce qu’ils fréquentaient un magasin juif.

La défense de la liberté d’expression, la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la xénophobie sont des combats profondément ancrés dans l’histoire de notre groupe. Cette tragédie a débouché sur la lame de fond du 11 janvier. L’immense foule rassemblée autour des valeurs de la République marquera pour longtemps notre pays. Des millions de nos concitoyens exigent maintenant des réponses urgentes et d’ampleur pour réduire les fractures révélées une nouvelle fois à cette occasion.  

Rendre la construction européenne aux peuples

En organisant cette réception, je n’avais pas imaginé ce qui s’est passé en Grèce dimanche dernier avec la victoire très large de Syriza et la nomination, dès lundi, d’Alexis Tsipras comme 1er ministre grec. À l’évidence, ce vote exprime une forte exigence pour rendre enfin la construction européenne au service des peuples, de l’emploi, de la justice sociale. La violence faite à la Grèce et à son peuple, l’action anti-démocratique de la Troïka, bras armé des milieux financiers, ont sans doute symbolisé une évolution ultime d’une certaine Europe coupée des peuples, privilégiant les intérêts du marché jusqu’à la caricature. Cette violence des autorités européennes et financières internationales est une véritable punition à l’égard de millions d’hommes et de femmes n’ayant aucune responsabilité dans la falsification des comptes publics, dans la corruption des dirigeants, dans les intrigues douteuses des grandes banques internationales, américaines.

Europe : stop à l'austérité

Le peuple grec a dit stop à l’austérité, à cette politique d’asservissement d’une Nation aux milieux d’affaires. Le peuple grec a voulu retrouver sa dignité, son indépendance. Il veut retrouver le droit d’espérer, de travailler, de se soigner, et même de se nourrir correctement. Nous le disions fortement à Alexis Tsipras, à nos amis et camarades de Syriza : vous pouvez compter sur notre appui aujourd’hui comme hier. Nous avons mené de nombreuses luttes ensemble à l’échelle européenne avec le parti de la gauche européenne, dont Pierre Laurent est le président et Alexis Tsipras le vice-président, et nous allons persévérer dans cette voie. Nous en avions d’ailleurs longuement parlé quand Alexis avait été reçu par notre groupe le 4 février dernier ici, au Sénat.

La récupération politique de la victoire de Syriza

Mais, depuis dimanche, outre ma satisfaction devant les résultats obtenus par Syriza, je dois dire que je suis soit amusée, soit intriguée, soit carrément en colère aussi, par la soudaine sympathie d’une bonne partie de l’échiquier politique français envers Syriza. En colère quand Madame Le Pen se livre à une vulgaire opération de récup alors que tout l’oppose à un homme comme Alexis ; amusée et intriguée quand nos amis du parti socialiste entonnent un "nous sommes tous Syriza", légèrement contradictoire avec l’approbation constante par notre pays ces deux dernières années des mesures punitives contre la Grèce. Soutenir Syriza, soutenir le peuple grec, c’est agir partout en Europe contre les politiques d’austérité, c’est agir pour le retour des peuples au pouvoir en mettant un terme à l’asservissement aux marchés financiers, c’est remettre l’Europe à l’endroit au service de l’humain.

Renégocier le traité budgétaire européen

Les sénateurs et sénatrices du groupe CRC préconisent de commencer par le début. Notre pays, François Hollande, son Président, doit faire ce qui a été omis en 2012 : renégocier le traité budgétaire européen en mettant sans ambiguïté la croissance, l’emploi, les services publics au cœur d’un nouveau projet européen. Une fois cet élan donné, la renégociation d’un nouveau traité, véritable changement de logiciel européen, suivra. Agir pour le changement en Europe c’est changer de politique en France. Comment, après ce dimanche 25 janvier, ne pas formuler le vœu d’une autre politique en Europe comme en France ?

Le gouvernement de M. Valls doit entendre cette soif de justice sociale, d’égalité qui monte. Il faut changer de logique budgétaire. Des moyens nouveaux doivent être engagés pour relancer la croissance et la production industrielle. Beaucoup ont évoqué, après les attentats du 7, 8 et 9 janvier la nécessité de prendre à bras-le-corps l’avenir des quartiers populaires. Les services publics, l’école, la police de proximité, le logement social doivent être considérablement développés, voire reconstruits dans de nombreux endroits. Seule une autre politique qui s’attaque à la question clé d’une autre répartition des richesses, d’une sortie du dogme de l’économie financiarisée apportera les réponses nécessaires.

La loi fourre-tout d'Emmanuel Macron

Cette nouvelle politique doit prendre le chemin inverse d’un projet de loi comme le projet de loi Macron dont le débat a commencé à l’Assemblée nationale. Ce projet répond aux ordres du Marché. Il se veut une réponse aux exigences des gardiens du Temple de Bruxelles. Ce texte, fourre-tout en apparence (plus de 200 articles au sortir de la commission), connait une seule ligne conductrice : déréguler, ouvrir à la concurrence, soumettre les salariés à la loi de la compétitivité et de la rentabilité. C’est ce lien qui unit des dispositions aussi diverses que la généralisation du travail du dimanche, le développement des transports routiers de voyageurs, l’extension de la vente à la découpe ou même la réforme des professions règlementées. Ce texte, comme le projet de réforme des collectivités territoriales, comme le texte relatif à la transition énergétique — un bien beau concept pourtant — sont empreints d’un libéralisme décomplexé.

Ces choix du gouvernement s’opposent frontalement au désir profond d’égalité, de fraternité exprimée massivement le 11 janvier dernier. La question démocratique est de première importance pour que les contradictions permettent à une nouvelle politique d’émerger. Le mode de scrutin pour les législatives et pour l’élection présidentielle bloquent l’émergence en France de nouvelles forces et poussent à la sclérose de nos institutions Il faut instaurer la proportionnelle pour l’élection des députés. Il faut remettre en débat le mode d’élection et le rôle du Président de la République. Le travail des assemblées parlementaires doit être revalorisé. Nous estimons quant à nous que c’est par plus de transparence, plus de débats, de débats pluralistes, que la politique peut retrouver tout son sens. L’instauration du temps programmé qui empêche l’exercice du droit d’amendement à l’Assemblée nationale, les tentatives ou les tentations de restriction du débat en séance publique au Sénat nous semble aller à contre-sens de la volonté populaire, de la soif de démocratie.

Monsieur le Président, vous le savez bien, le groupe CRC aime le débat ; les statistiques si précises élaborées sous la houlette de M. Hérin, le Secrétaire général du Sénat, l’attestent : nous aimons la confrontation idéologique. C’est cela la démocratie. La confiner dans des bureaux de commission serait dangereux et contre-productif. Nous sommes persuadés que restreindre le débat au parlement c’est dévaloriser le parlement lui-même. Notre groupe continuera donc à se faire entendre, à susciter le débat, comme nous l’avons fait pour la reconnaissance de l’État palestinien, reconnaissance qui reste un grand moment de l’année 2014, et à prendre des initiatives de contrôle percutantes comme la commission d’enquête sur les détournements supposés du crédit impôt recherche.

Pour tout cela, notre détermination est connue comme l’est la force de l’engagement de chaque élu-e de ne notre groupe. Le travail ne nous fait pas peur, d’autant que nous sommes bien aidés, bien accompagnés – et je veux ce soir les remercier — par nos assistantes et assistants ainsi que par nos collaboratrices et collaborateurs sous la houlette de Marc Hainigue, notre secrétaire général. La victoire de Syriza, vous l’aurez compris, nous a redonné du tonus après la grande mobilisation du 11 janvier. Cette victoire nous met du baume au cœur après la mort tragique de nos amis de Charlie Hebdo, de toutes les victimes de la folie meurtrière des 7, 8 et 9 janvier.

Mes vœux seront donc des vœux d’espoir, de justice sociale, de liberté, d’égalité, de fraternité et de Paix ; vœux qui prennent un sens particulier en ce jour qui commémore le 70ème anniversaire de la libération des camps d’Auschwitz-Birkenau. Je vous invite maintenant à lever ensemble notre verre à cette espérance en n’oubliant pas de faire un clin d’œil à notre ami et camarade Guy Fischer qui nous a malheureusement quittés il y a quelques semaines.

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Directrice de communication de profession, elle est élue sénatrice de la Seine-Saint-Denis le 26 septembre 2004 et siège au groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de gauche (CRC-SPG). En septembre 2012, elle devient présidente du groupe communiste, républicain et citoyen au Sénat.

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