Notre scénario de base reste toujours un accord de dernière minute. Même dans ce cas de figure, de nombreuses incertitudes persistent à propos de la capacité de la Grèce à rembourser 1,6 milliard d’euros au FMI le 30 juin, sachant qu’il n’y aura pas, a priori, de nouveau délai de rigueur à en croire Christine Lagarde.
Le gouvernement grec devrait certainement écourter le débat parlementaire en faisant adopter l’accord en un seul article lundi 29 juin au plus tard. Cela permettrait de museler les nombreux parlementaires de la majorité qui considèrent que la Grèce courbe encore l’échine devant les Européens et le FMI. En revanche, il n’est pas certain que la procédure parlementaire soit aussi rapide dans les pays créanciers. Angela Merkel a exigé que le parlement grec approuve l’accord avant que les parlements nationaux ne soient saisis. Le temps presse.
Si la procédure parlementaire tarde à aboutir, la Grèce pourrait être confrontée à une situation ubuesque, comme l’est au final la gestion de toute cette crise. Elle pourrait avoir signé enfin un accord avec ses créanciers mais, la dernière tranche d’aide de 7,2 milliards d’euros pourrait ne pas être débloquée à temps pour rembourser le FMI, ce qui pourrait être considéré comme un défaut de paiement partiel. Il existe, cependant, plusieurs solutions pour éviter ce scénario noir :
Il pourrait être décidé de verser à la Grèce 1,9 milliard d’euros perçus par la BCE dans le cadre du programme SMP. En 2010, la BCE avait acheté 25 milliards d’euros d’obligations grecques qui lui rapportent des intérêts chaque année. Ces intérêts sont reversés depuis 2013 à la banque centrale grecque sur un compte spécial bloqué qui doit aider au remboursement des créances futures. Il y aurait déjà au moins deux milliards d’euros sur le compte. Il faut aussi y ajouter les 1,9 milliard d’euros d’intérêts pour l’année 2014 qui n’ont pas encore été transférés. C’est notre scénario privilégié en raison de sa facilité technique. L’argent pourrait être débloqué sans validation par les parlements des Etats créanciers. Le remboursement du FMI pourrait avoir lieu dans le temps imparti.
La Grèce pourrait avoir suffisamment de liquidités en interne pour payer le FMI. C’est, du moins, le message qui est envoyé récemment par Athènes. Il faudra, encore une fois, compter sur l’inventivité du gouvernement. Il laisse entendre que le paiement du FMI serait dépendant bien plus des circonstances politiques que de considérations financières. Au demeurant, il a confirmé qu’il a remboursé 300 millions d’euros à la Banque Européenne d’Investissement il y a quelques jours et que la somme de 1,6 milliard d’euros nécessaire au paiement des retraites et des salaires des fonctionnaires pour ce mois-ci a été sécurisée. Il est très difficile de savoir exactement quel montant a déjà été mobilisé par la Grèce pour rembourser le FMI en cas d’urgence. Selon plusieurs estimations, qu’il convient de prendre avec précaution, Athènes aurait besoin de trouver encore environ 500 millions d’euros pour s’assurer d’avoir la somme suffisante le 30 juin. Ce montant pourrait être collecté en accentuant la pression sur les collectivités locales pour qu’elles transfèrent leurs réserves à la banque centrale. Jusqu’à présent, elles ont été très réticente à se plier à ce processus mais, dans la perspective d’un accord avec les créanciers, ce transfert ne serait vu que comme très temporaire donc il y aurait moins de résistance de la part des élus. Ce scénario n’est pas improbable mais de nombreux points d’interrogation subsistent, notamment à propos de l’état réel des finances de l’Etat grec et de sa marge de manœuvre.
Toujours dans le cas de figure où un accord aurait été trouvé avec les créanciers, la BCE pourrait décider d’augmenter le plafond d’émission de bons du Trésor qu’elle impose à la Grèce au-delà du seuil actuel de 15 milliards d’euros. Les banques grecques pourraient ainsi acheter plus d’obligations, permettant au passage à l’Etat de payer le FMI. Le timing reste toutefois étroit. Au plus tôt, l’émission obligataire pourrait avoir lieu le lundi 29 juin mais, dans ces circonstances, le paiement ne parviendrait pas au FMI le 30 juin. Il faudrait compter sur le fait que l’organisation internationale ferme les yeux pendant quelques jours considérant qu’elle sera dans tous les cas remboursée. Sur le principe, cela semble possible mais des questions de respect des procédures vis-à-vis du FMI pourraient être soulevées. Cela créerait un dangereux précédent puisque la Grèce a déjà bénéficié d’un délai de grâce d’un mois. C’est pourquoi il s’agit de notre scénario le moins privilégié.
Vu le chaos ambiant à propos de la question grecque, ces trois scénarios peuvent évoluer très rapidement dans les prochaines heures. L’enjeu maintenant est surtout de parvenir à un accord et à un vote positif par le parlement grec le plus rapidement possible afin de laisser tout un champ des possibles ouvert pour choisir la manière la plus prompte de rembourser le FMI.
Personne, aujourd’hui, à part peut-être les Grecs, n’a l’ambition de parvenir à un accord global sur la dette hellénique. En cas de compromis, il faudra bien comprendre qu’il ne s’agit que d’un accord temporaire avant de plus amples négociations au sujet d’un nouveau plan d’aide et, à plus long terme, d’un effacement partiel de la dette grecque.