La Grèce a de nouveau réussi à emprunter de l'argent : trois milliards d'euros à 4,95% sur cinq ans. Un retour sur le marché qualifié de "triomphal" par les médias -- avec sept fois plus de demande que d'offre. Dans le même temps, une nouvelle tranche d'aide de 8,5 milliards d'euros est débloquée par la Troïka (Commission européenne, FMI, BCE). Pourquoi diable la Grèce emprunte-t-elle en même temps qu'on lui donne ?
Elle emprunte pour rembourser les intérêts de sa dette ; quant à ce qu'on lui donne, c'est pour qu'elle ne fasse pas une fois de plus défaut sur sa dette.
Cette émission nous donne une excellente mesure de la mémoire de M. le Marché : deux ans ont suffi pour oublier que la Grèce a déjà fait faillite deux fois, a emprunté 222 milliards d'euros à l'internationale des contribuables européens, ne produit pas grand-chose, n'exporte presque rien, est endettée à hauteur de 157% de son économie et compte un taux de chômage de 26,7%. Pensez-vous une minute qu'un pays dans lequel plus d'une personne sur quatre est sans travail, un pays sans perspective de croissance vigoureuse de son activité économique rentable, remboursera vraiment ses dettes ? Bien sûr que non !
"Selon moi, il est possible que les titres qui ont été émis fassent un jour l'objet d'une restructuration et soient échangés contre des obligations de maturités plus longues", indiquait Olivier de Larouzière, un gérant obligataire de la banque Natixis, dans Les Echos.
Alors qui sont les acheteurs ? Le carnet d'ordre nous apprend que ce sont des gérants de fonds (49%), des gérants de fonds spéculatifs (33%), des banques (14%), des fonds de pension et des assureurs (4%).
Vous avez sous les yeux les déplorables effets de la répression financière et des tripatouillages de nos banques centrales. La bulle des actifs financiers est nourrie par ces gérants peu scrupuleux qui placent leur trésorerie -- c'est-à-dire votre épargne -- dans ces titres de dettes. Que craignent-ils ? Rien. Ils se seront enrichis en vous prélevant des frais et ils parient simplement sur la planche à billets de Mario Draghi lorsqu'il faudra se rendre à l'évidence que la Grèce ne peut pas payer, "intérêt et principal, foi d'animal", eut dit La Fontaine.
Vive la monnaie de singe !
Ce QE européen est le rêve avoué du fondateur de la plus grande société de gestion française, Edouard Carmignac, dont la dernière note de marché est tout simplement une lettre ouverte au directeur de la Banque centrale européenne suggérant à Mario Draghi "un programme mensuel d'achat de 50 milliards d'obligations publiques [...], ces interventions ne faisant bien entendu pas l'objet de stérilisation". Vous, épargnant et contribuable, serez remboursé en monnaie de singe, mais de cela, l'industrie financière n'a cure. L'important n'est pas le retour de votre capital ; l'important, ce sont ses propres commissions dans cette affaire. Plus vous êtes proche de la source de la création monétaire, plus vous vous enrichissez. Plus vous en êtes loin, plus vous vous appauvrissez.
Pour les amateurs de précisions "macro-économiques", la croissance de la Grèce (0,2%) est totalement insuffisante pour rembourser les intérêts de la dette nationale, les prix baissent (déflation) rendant la charge de la dette toujours plus lourde. Le seul point positif est que -- grâce aux réformes et au démantèlement du parasitisme étatique -- le budget est désormais équilibré. Ce qui fait plonger le pays dans le rouge, ce sont seulement les intérêts de la dette et les aides à ses banques. La Grèce a donc intérêt à faire défaut.
Si la Grèce faisait aujourd'hui défaut sans condition et envoyait bouler la Troïka, la vie quotidienne de ses citoyens n'en serait pas bouleversée d'un iota. C'est à se demander si cette émission obligataire n'est tout simplement pas une farce, un coup de pub avant les élections européennes.
Pour tous les pays avec un budget équilibré, une telle tentation -- le défaut -- va devenir irrésistible. Le peuple voudra un jour cueillir les fruits de ses efforts et forcera les politiques à choisir la seule solution saine et viable pour les générations à venir : le défaut, la fin de l'asservissement par la dette. En cas de défaut, le peuple n'a rien à craindre puisqu'il sait maintenant vivre selon ses moyens et sans emprunter. Il a tout à gagner puisque l'argent qui n'est pas pris pour les intérêts servira à la croissance, la vraie.