Il a fallu attendre la crise des dettes souveraines pour que le grand public entende parler d’un objet bizarre : le Credit Default Swap (CDS). Il s’agit d’une innovation financière dont les Américains ont le secret. Les CDS sont nés au début des années 90, avec un objectif simple : réduire le risque de prêt aux entreprises.
Avec un CDS, un investisseur qui prête de l’argent à une entreprise bénéficie d’une sorte de contrat d’assurance en cas de défaut de remboursement (d’où l’expression Credit Default). Dans l’hypothèse où l’emprunteur ne rembourse pas son dû, le détenteur du CDS devient propriétaire de la créance, et verse une compensation au prêteur lésé, selon des conditions discutées à l’avance, le plus souvent de façon secrète.
Parce que ces conditions relèvent du secret, une grande partie de ce marché se développe à l’abri des regards, selon un gré à gré auquel la loi de régulation financière dite Dodd-Frank, aux États-Unis, n’ose pas s’attaquer frontalement. Pour beaucoup d’analystes, l’encadrement de ces opérations est une condition indispensable pour revenir à une stabilité financière minimale.
Les produits dérivés du type CDS se révèlent en effet des armes redoutables de spéculation, très éloignées de leur objectif initial de facilitation du crédit. C’est ainsi que, selon une étude de deux économistes de la Federal Reserve Bank de New York, intitulée « le marché des CDS a-t-il réduit le coût du crédit d’entreprise ? », parue en juillet 2007, il apparaît que les CDS contribuent globalement à renchérir les taux d’intérêt auxquelles les entreprises empruntent. Seuls les emprunteurs institutionnels bénéficient d’une baisse de leurs taux grâce aux CDS.
La galère grecque ne flotte pas
La Grèce fait l’expérience en grandeur nature de cette théorie économique. Ses taux d’emprunt franchissent régulièrement les 30 %, ce qui constitue évidemment une charge insupportable. Sans revendiquer les bienfaits de l’Inquisition médiévale, les gens de bonne volonté ne peuvent que s’indigner devant ces pratiques usuraires d’un autre temps.
À coup sûr, l’existence de CDS sur la Grèce contribue largement à ce renchérissement extravagant. Les détenteurs de CDS espèrent en effet que, en cas de faillite de la Grèce, ils pourront négocier un remboursement de leur créance par la Banque Centrale Européenne ou tout autre institution. De quoi rendre très attrayant ce placement spéculatif : le coût d’achat des CDS est probablement très inférieur au montant que l’Union rembourserait aux créanciers privés de la Grèce en cas de défaut. Un bon placement, sur lequel on aimerait avoir des lumières, par exemple par le biais d’une commission d'enquête parlementaire européenne.