Le nouveau scandale du millefeuille administratif a pour nom: Métropole du Grand Paris. D'un projet ambitieux et simplificateur, l'absence de continuité dans le pilotage politique du projet a conduit à une réforme inutile, politicienne et coûteuse.
Rappelons-en la genèse: en septembre 2007, lors de l'inauguration de la Cité de l'architecture et du patrimoine, Nicolas Sarkozy lance une consultation internationale d'équipes pluridisciplinaires. Leur feuille de route: comment doter Paris des atouts d'une métropole de niveau mondial intégrant les exigences du développement durable? Les résultats des travaux sont présentés un an et demi plus tard, en mars 2009. La presse y fit un très large écho et le Grand Paris est alors devenu, par la mobilisation conjointe de l'appareil gouvernemental et des collectivités territoriales, une réalité.
La démarche de l'Etat, résolument pragmatique, utilisait les structures administratives existantes, le cœur du dispositif étant le métro et ses 68 nouvelles gares, catalyseurs de développement. A partir de 2012, Claude Bartolone se fit l'apôtre de la création d'une nouvelle collectivité territoriale. Si, politiquement, l'objectif était clairement d'en être le premier président, cette nouvelle entité était, au plan institutionnel, une véritable aberration.
Comment, en effet, la justifier alors même que ses compétences et ses limites étaient quasi redondantes avec celles de la région? D'un concept dynamique et fédérateur, on sombra dans une bataille d'intérêts. Le gouvernement et sa majorité parlementaire se tirèrent de cette impasse en remettant au goût du jour l'ancien découpage du département de la Seine (sans les départements de la grande couronne) et en inventant un nouveau partage de compétences, dans un paysage institutionnel français dont l'unité est de plus en plus mise à mal.
Pour justifier ce double niveau de compétences, le gouvernement et le Parlement n'hésitent pas à maquiller les chiffres. Qui peut croire qu'une collectivité de cette taille se contentera d'un budget de 70 millions d'euros ?
Cafouillage. Alors que la métropole du Grand Lyon fusionne ville et département, l'Ile-de-France se dote d'un nouvel échelon ne correspondant à aucune compétence spécifique. Les transports sont gérés au niveau de la région. Vu sous l'angle de l'économie et de la recherche, les pôles de Paris Saclay (15% de la recherche française) et de Roissy-Charles de Gaulle sont hors du champ de la métropole mais bien dans celui de la région.
A l'inverse, ce nouvel ensemble (sept millions d'habitants et 131 communes) n'est adapté ni à une gestion de proximité, ni à la question du logement. Symboles de ce gigantesque cafouillage administratif, les anciennes intercommunalités dissoutes ont finalement été recréées sous forme de « territoires », qui récupèrent l'essentiel de la fiscalité locale et la charge des documents d'urbanisme. Difficile de faire plus confus. La force vive de nos élus et de nos administrations locales va être, hélas, phagocytée par la mise en place de ces nouvelles administrations.
A moins qu'enfin la sagesse revienne, le Grand Paris n'a pas besoin d'autre institution que l'actuelle région Ile-de-France, dotée d'une puissante administration et d'une présidente élue démocratiquement par des millions de Franciliens. Il a par contre grand besoin d'un gouvernement et d'élus véritablement soucieux de l'intérêt général.