Je ne connais pas personnellement Michel Sapin, le nouveau Ministre des Finances. Je devine en lui quelqu'un de fin et de cultivé, probablement animé par une volonté sincère de remplir le plus utilement possible sa mission. Je ne critiquerai pas ici le fait que Michel Sapin ait déjà occupé exactement la même fonction il y a 22 ans. Il serait trop facile de faire de cet homme le bouc émissaire d'un système politique qui privilégie les logiques de carrière, empêche le renouvellement et ne laisse plus germer les idées nouvelles.
Je voudrais en revanche relever deux phrases prononcées par Michel Sapin lors de ses premiers passages média en tant que Ministre des Finances, et qui illustrent à elles seules le fossé qui s'est creusé entre les Français et leurs élites politiques.
La première, d'une banalité stupéfiante : « Je suis pour le plein emploi ». Voilà les 5,5 millions de chômeurs rassurés : le nouveau Ministre des Finances est contre le chômage ! Un jour peut-être nous annoncera-t-il qu'il est pour la paix dans le monde et contre la pauvreté... Passons...
La seconde sortie est encore plus spectaculaire : « je n'ose pas dire que les choses s'inversent mais le chômage recule de manière continue ». Je vous encourage à lire et à relire cette phrase autant que nécessaire. Une affirmation proprement surréaliste, qui contient tout et son contraire. Une déclaration dite avec un tel aplomb que nous en arrivons même à douter de nos certitudes ! Bref, de la rhétorique de haut vol, du grand art...
Dans ces temps tourmentés, ne cédons toutefois pas à la tentation du populisme et du «tous pourris». Michel Sapin, Manuel Valls, le président François Hollande, ainsi que la grande majorité du personnel politique français ne le sont pas. Du moins je l'espère. Je pourrais même accepter de leur reconnaitre certaines qualités : don de soi, intégrité, expertise, attachement aux valeurs républicaines... Mais alors, qu'est-ce qui fait défaut ?
La réalité est cruelle : ceux qui nous gouvernent depuis trente ans sont, comment dire... tout simplement à côté de la plaque ! Ils ne comprennent plus notre monde et ne le comprendront pas. Ils s'accomodent de discours creux qui n'ont d'autres objectifs que de gagner du temps, en espérant que la providence se charge d'apporter la croissance tant attendue... Ils se complaisent dans l'attentisme, alors que les circonstances exigent audace et prise de risque !
Quelque part, ces dirigeants politiques sont des victimes : ils sont devenus malgré eux les prisonniers d'un système qu'ils ont contribué à faire prospérer. A nous, désormais, de nous en affranchir. Le temps est venu de construire la France d'après. Sans eux.