Les petites erreurs de prévisions du gouvernement ne facilitent pas la rentrée économique

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Par Alain Desert Publié le 8 septembre 2014 à 3h58

Les nouvelles macro-économiques de la rentrée ne sont pas très réjouissantes pour nos ministres et bien entendu pour les français. Après un tumulte assourdissant venant d'un remaniement ministériel un peu décevant pour celles et ceux qui attendaient de la nouveauté, ce sont désormais les chiffres qui parlent et qui pourraient se faire entendre avec une grande limpidité, sans brouillage, sans parasite. Les mots d'ordre de la nouvelle équipe sont « cohérence, cohésion, clarté », les 3C. J'espère que cette maxime se portera également sur les données macro-économiques à venir, les prévisions, les objectifs affichés, les résultats atteints.

En septembre 2013, au moment où la séquence budgétaire 2014 a été présentée dans le projet de loi de fiances initial (PLFI, sigle que j'utiliserai par la suite) la confiance du ministre de l'économie et du ministre délégué au budget était intacte. Ils prévoyaient un effort d'économies ambitieux et sans précédent pour maintenir le cap de la réduction des déficits sans entraver la croissance. Aujourd'hui cela pourrait faire sourire si la situation économique n'était pas aussi préoccupante.

Voyons ce qu'il en est avec une sélection de trois « petits » problèmes qui se glissent maladroitement dans cette rentrée et qui n'arrangent pas vraiment nos petites affaires :

1. La dérive du déficit public

A coup sûr, les chiffres du déficit public ne seront pas reluisants à la fin de l'année 2014. L'objectif de déficit public nominal pour 2014 était de 3.6% dans le PLFI (le déficit nominal prend en compte les déficits dits structurels et conjoncturels ainsi que l'impact de mesures ponctuelles et temporaires). A cette période (septembre 2013), pas si éloignée, le gouvernement maintenait sa prévision d'un retour du déficit public sous la barre des 3% fin 2015. Apparemment l'horizon était éclairci, bien dégagé et laisser entrevoir un chemin bien balisé. Inutile de rappeler que cet objectif a volé en éclat ces derniers mois. Les 3% ne seront atteints ni en 2015 ni en 2016 ni en 2017. Notons que Mr Hollande avait annoncé un retour à l'équilibre budgétaire à la fin de son mandat. Cela s'appelle une dérive, voire une grosse dérive. En fait, le déficit sera supérieur à 4%, déjà acté par le gouvernement. Il est probable qu'il approche les 4,3% (niveau de 2013), et il est plausible qu'il puisse le dépasser. Si tel était le cas, la baisse tendancielle serait rompue ; inquiétant ! Notons que lors du PLFR (projet de loi de finances rectificative), il avait été révisé à 3,8%.

Le gouvernement estime que les rentrées fiscales de l'impôt sur le revenu vont plafonner à environ 65 milliards d'euros, soit 10 milliards d'euros de moins que prévu. Un simple manque à gagner de 10 milliards d'euros propulse le niveau du déficit public à 4,3%. D'autres aléas comptables et quelques dérapages dans la dépense publique pourraient bien surgir, accélérer la course du déficit en le mettant sur une orbite incontrôlable. Mais restons optimiste ! De bonnes nouvelles pourraient tout aussi bien apparaître, comme le retour d'une croissance disparue, fugueuse, que l'on attend depuis si longtemps et qui ne peut rester insensible aux récurrentes prières ministérielles.

2. La croissance n'est pas au rendez-vous

Deuxième retour arrière : le PLFI (toujours en septembre 2013) dévoile une prévision de croissance du PIB à 0,9% en volume par rapport à 2013. Cette hypothèse de croissance était jugée prudente par nos deux ministres qui affichaient alors une aisance déconcertante dans le jeu des prévisions, en reléguant les excès au passé. Ils caressaient même le rêve de voir dépasser leurs objectifs. Mais l'environnement économique semble en avoir décidé autrement. Les deux premiers trimestres affichent un taux de croissance à 0%. Cela s'appelle une stagnation. On a frôlé la récession. Les incertitudes et les marges d'erreur nous ont souri car l'Insee aurait pu tout aussi bien aligner des croissances de -0,1% (une différence de l'ordre de l'épaisseur du trait). Dans ce cas, nous basculions en récession, car selon les critères communément admis, un pays se trouve en récession dès qu'il connaît deux trimestres consécutifs de croissance négative (je préférence décroissance, mais apparemment nos politiciens n'aiment pas ce mot maudit). Ouf, on l'a échappé belle.

Merci les incertitudes !

3. Le plan d'économie de 50 Mds d'euros affaibli

Le gouvernement avait annoncé un plan d'économie de 50 milliards d'euros s'étalant sur les trois prochaines années, dont 21 milliards prévus l'an prochain. Seulement voilà, le ministère de l'économie vient d'annoncer qu'il sera impossible de maintenir les 21 Mds en 2015, la faute à une inflation trop faible, plus faible que ce qui avait été envisagé. Encore une erreur d'appréciation? La faute de la BCE ?

L'inflation a toujours été une préoccupation pour nos dirigeants, mais dans le sens où celle-ci est perçue comme bénéfique, alors que les citoyens n'affichent pas un amour particulier pour la progression des prix. L'inflation est un vrai bonheur pour l'exécutif, car elle agit comme un facteur érosif, effaçant progressivement la dette ou ralentissant sa progression, rendant plus efficace les gels des prestations sociales et des salaires des fonctionnaires, grâce à une augmentation en valeur du PIB accompagnée de meilleures rentrées fiscales. Ah l'inflation, bonne pour les uns (pas très nombreux), mauvaise pour les autres ; à vous de choisir !

Décidément, le gouvernement n'est pas chanceux, les pronostics sont encore une fois déjoués car nous sommes entrés depuis quelques années en désinflation, avec en ligne de mire une éventuelle déflation.
Cette malchance, ces trébuchements répétés impliquent les appels au secours à l'endroit de la BCE en l'implorant d'agir, de toujours faire plus, tout en demandant à l'Allemagne de consommer davantage pour relancer la croissance en Europe, et par conséquent faire remonter l'inflation.

En fait, il faut sans cesse le souligner, les économies annoncées par le gouvernement sont en trompe l'œil car il s'agit en réalité d'une augmentation des dépenses sur un rythme inférieur à celui des dernières années. La déformation des structures de dépenses ne sera pas celle espérée et c'est ainsi que l'on renouvelle périodiquement les demandes de clémence vis-à-vis de Bruxelles. Mais Bruxelles n'a pas l'air très méchant, il est donc inutile de nourrir quelques inquiétudes sur l'obtention de délais supplémentaires. Ce plan d'économie avait été érigé comme un gage de sérieux. Le voilà mis en défaut comme beaucoup d'autres objectifs.

Rien ne va dans ce monde bien agité, où géopolitique, guerres, crises politiques, crises sociales, croissance molle, récessions par-ci, stagnations par-là, menaces de déflation, excès de liquidités, jouent les rôles de perturbateurs économiques et sociaux. On connaît les perturbateurs endocriniens, nommés pesticides, qui mettent en péril la fécondité de l'espèce humaine. Voilà maintenant toute une palette de perturbateurs macro-économiques qui empoissonnent au quotidien et à petit feu la vie de nos dirigeants, et surtout celle de nos concitoyens, mettant en péril la croissance, les équilibres budgétaires, la maîtrise de la dette, le pouvoir d'achat, l'emploi, la stabilité sociale, et j'en passe.

Bonne rentrée à toutes et à tous

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Ingénieur en informatique, Alain Desert a longtemps travaillé sur des plates-formes grands systèmes IBM où il a eu l'occasion de faire de nombreuses études de performances. Il est un adepte de l'approche systémique.

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