Un animateur du web ou « YouTubeur » a publié ce jeudi 1er septembre un message de Youtube lui annonçant qu’une de ses vidéos ayant plus d’un million de vues n’avait pas été approuvée pour y placer des annonces.
Cette vidéo contenait notamment une explication des différents conflits armés et des catastrophes de l’année 1991 de manière très directe et enjouée, pour s’adresser à un public d’adolescents, ainsi que le mot clé « gulf war ».
Plus d’un an après la publication de la vidéo en question, la plateforme leader du secteur des vidéos en ligne se réserve le droit de décider, semble t-il arbitrairement, quels contenus méritent ou non d’y placer des annonces. En d’autres termes, c’est Youtube qui contrôle la rémunération des chaînes qui génèrent beaucoup de vues.
Un arbitraire contraire au principe de la neutralité du Net ?
Le principe de la neutralité du Net en vertu duquel tous les fluxs de données doivent être traités de manière égalitaire, peu important leur source, destination ou contenu a été adopté depuis fin 2015 dans l’Union européenne. Mais celui vise principalement les fournisseurs d’accès à internet, et non l’ensemble des acteurs du Web.
La plateforme YouTube n’est donc pas spécifiquement soumise au principe de la neutralité du Net, elle est gérée par Google et ce sont ses conditions générales d’utilisation qui font loi. S’agissant de la monétisation des vidéos, c’est plus particulièrement les conditions du « Programme Partenaire » qui régissent les relations entre YouTube et les posteurs de vidéo à succès.
Le rôle actif joué par Google dans le marché des chaînes Youtube
Le tri opéré par Youtube pour retirer les publicités des videos qui n’auraient pas un contenu « advertiser-friendly » apparaît donc effectif. Le modèle économique suivi par Youtube et le même que celui traditionnellement suivi par les médias. La plateforme évolue dans un marché biface, elle se rémunère grâce aux annonceurs pour proposer gratuitement les vidéos au public.
A travers elle, Google contrôle également le marché interne des nombreuses chaînes Youtube en appliquant les « consignes relatives aux contenus adaptés aux annonceurs ». En raison de cette prérogative et de ses nombreux pouvoirs de modérateur, la qualification de simple hébergeur traditionnellement appliquée à Youtube apparaît dépassée.
Un pouvoir de restriction justifié mais qui doit être mesuré
Youtube est rapidement devenue une plateforme de vidéos en ligne incontournable pour l’ensemble du monde connecté. Récemment, il lui a été reproché d’abriter des vidéos incitant à la haine et à la violence, et contribuant à la propagation du terrorisme. Le père de la victime américaine du Bataclan a porté plainte aux Etats-Unis, et a fourni une capture d’écran montrant que Google avait placé une publicité sur une vidéo Youtube d’un sympathisant de l’Etat islamique.
Cette dernière vidéo n’aurait non seulement jamais dû accueillir des publicités, mais aurait avant tout dû être supprimée promptement par Youtube. Et la vidéo de Doc Seven pourrait certainement intéresser de nombreux annonceurs. Les plateformes sur internet doivent donc trouver le juste équilibre dans la gestion nécessaire de leurs pouvoirs de régulation entre les différentes faces du marché, telles que le public, les chaînes et les annonceurs. Les grands acteurs de l’internet comme les GAFA (Google, Apple, Facebook, Amazon) défendent régulièrement leur propre souveraineté à l’encontre des Etats et de l’Union européenne. Mais plus les plaintes se multiplieront, plus une intervention des autorités publiques sera justifiée.