Le Google de l’inflation et la vérité des prix

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Par Alexandre Lagny Modifié le 29 novembre 2022 à 10h09

En Europe, on nous répète sans cesse que l'inflation est trop faible, que le risque de déflation se fait de plus en plus sentir et que ce serait une catastrophe pour l'économie. En Europe, le taux de progression des prix est de 0,5%, et de 1,8% aux Etats-Unis, mais qu'y a-t-il derrière ces chiffres exactement ?

Le Billion Price Project est un projet du MIT d'Argentine qui collecte les prix à travers le monde, en utilisant une méthode empirique et pragmatique : l'observation de nombreux prix de magasins de vente en ligne. Un moteur de recherche, véritable Google des prix, aspire ainsi les données de très nombreux pays (sauf le continent africain qui reste peu couvert) ; le volume de data est colossal et c'est donc un très bon moyen alternatif supplémentaire de se documenter sur l'évolution des prix avec un point de vue différent, ceux qui se vendent en ligne.

Les mesures de l'inflation issues du Billion Price Project sont particulièrement intéressantes. Les promoteurs de ce projet sont des Argentins qui ont une expérience pratique de l'inflation dans la pratique ; leur pays est en proie à ce qu'on qualifie en économie d'inflation galopante. Officiellement, la hausse des prix est de 11% en 2013 mais officieusement, l'inflation constatée approche les 27%.

Vos trois moyens pour mesurer l'inflation

Aujourd'hui, nous disposons de trois indicateurs différents pour estimer l'évolution des prix : les chiffres officiels, l'indice BigMac et le Billion Price Project. Aucun n'est parfait, chacun présente ses avantages et ses inconvénients mais il est intéressant de les confronter pour se faire un aperçu plus précis de la situation.

Les chiffres officiels sont suspects puisque tenus par des gouvernements qui ont tout intérêt à minimiser la hausse des prix. Cela permet de gonfler le PIB, de limiter la hausse de tout ce qui est censé être indexé sur les prix et de taxer des plus-values fantômes.

L'indice BigMac, mis en place par l'hebdomadaire The Economist, suit l'évolution du prix de cette ration alimentaire populaire dans de nombreux pays sur plusieurs continents. Cet indice prend en compte tous les biens et services nécessaires pour produire et vendre le hamburger phare de McDonald's (les matières premières, le service, l'immobilier et l'énergie).

Enfin, le Billion Price Project couvre une très vaste gamme de produits et services vendus en ligne sans aucun bais préconçu de pondération.

Prenons l'exemple des Etats-Unis, premier pays couvert par le Billion Price Project.

Inflation officielle base 100 en 2008
Inflation IPC officielle base 100
Indice BigMac base 100 en 2008

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Billion Price Project base 100 en 2008

inflation BPP Index base 100
Depuis 2008, l'inflation officielle cumulée est de 8%, pour 10% constatés par le Billion Price Project mais 30% avec le BigMac Index de The Economist.
Pour bien saisir les nuances, il faut se pencher sur la manière dont sont calculés chacun de ces indicateurs.


Les biais de l'inflation officielle

Le calcul est réalisé à partir d'un panier de produits censés représenter les dépenses d'une grande partie des ménages américains. C'est une moyenne pondérée en fonction de plusieurs critères :

- La qualité : lorsque la qualité d'un produit augmente mais que son prix est inchangé, on considérera qu'il est en déflation car le rapport prix/qualité a diminué. On paye donc en théorie moins cher pour un produit de même qualité. Si le standard bas-de-gamme s'améliore et que son prix augmente, vous subissez une hausse des prix qui n'est pas considérée dans le calcul de l'inflation.

- L'auto-ascèse : si le prix d'un produit augmente, vous en consommerez probablement moins en privilégiant un autre produit moins onéreux mais qui satisfait les mêmes besoins. Vous ne pouvez plus consommer la même chose et par conséquent votre pouvoir d'achat a diminué. Pourtant, ce changement n'est pas pris en compte dans l'évolution des prix puisque cet ancien produit qui a disparu de vos achats est retiré du panier de biens qui mesure l'inflation.

- La pondération : ici, le biais est évidemment que l'indice pondère fortement certains produits dont le prix baisse mais que vous consommez assez peu, comme l'électronique par exemple.

- L'omission : certains postes de dépense ne sont simplement pas pris en compte. Certes, il faut faire des choix dans la constitution d'un agrégat, mais lorsqu'on « oublie » des postes de dépense important cela diminue la précision et la justesse des résultats obtenus.

Pour l'indice BigMac

L'étude de The Economist utilise le BigMac pour refléter l'inflation réelle subie puisque rentre dans le processus de production un ensemble de biens et services qui reflète l'état des prix. Cela comprend ainsi l'énergie, les coûts des matières agricoles, la main d'œuvre, le transport, l'immobilier en centre-ville, etc. Egalement, le BigMac est une ration « universelle » car identique pour tous les pays et que tout le monde connaît bien. L'une des limites de cet outil est que le BigMac ne rencontre pas le même engouement en fonction des régions du monde.

Pour le Billion Price Project

Cette mesure a la particularité de ne pas pondérer les différentes données recueillies. Le Billion Price Project, comme son nom l'indique, tient compte d'un « milliard » de prix pour estimer l'inflation. Ces données se trouvent sur Internet, ce qui permet de relever en temps réel les prix de nombreux articles vendus comme ceux de Zara pour l'habillement, par exemple.

La mesure de l'évolution des prix est, comme vous le savez probablement déjà, une donnée essentielle en politique et en finance. C'est une information qui va ensuite déterminer la politique monétaire des banques centrales, et ainsi tous les taux auxquels nous pourrons prêter et emprunter.

Milton Friedman a dit dans La liberté du choix (1980) que « l'inflation est la forme d'impôt qui peut être imposée sans législation ». Sans grande surprise, l'inflation officielle est inférieure à celles relevées par les autres organismes.

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  Etudiant de première année en école de commerce, passionné d’économie et de finance depuis plusieurs années, Alexandre Lagny est un contributeur des Publications-Agora depuis plus de six mois dans le cadre d’un stage.       

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