Ils se seront épuisés en protestations surjouées et en cris d'orfraie indignées. La publicité aura été censurée par des pouvoirs politiques locaux bien fébriles et peu courageux.
Ces nouveaux idéologues de la censure auront tenté de vouer aux gémonies la société Gleeden, un site spécialisé dans les rencontres dites extra-conjugales dont le message publicitaire, plutôt drôle, était le suivant "contrairement à l'antidépresseur, l'amant ne coûte rien à la sécu". Il compte 2,3 millions de membres principalement en Europe, dont plus d'un million en France. Pourtant, il ne serait libre que de se taire selon certaines associations communautaristes.
Gleeden est dans son bon droit
"Nous avons assez de religion pour haïr et persécuter, et nous n'en avons pas assez pour aimer et pour secourir" nous rappelait utilement Voltaire dans son Traité sur la tolérance en 1763 déjà. Voilà qui est ici démontré. Au-delà de l’atteinte manifestement constituée à la liberté d'affichage, c’est un regrettable retour en arrière puisque l'infidélité ne constitue plus un délit pénal depuis 1975. Faut-il avoir la tête bien près du bonnet pour ne pas s’en être aperçu. Les Associations familiales catholiques accusent le site Gleeden de « promouvoir l'infidélité » et « demandent à la justice de trancher ». On croit tout simplement rêver.
Cette association non représentative et ses avocats ont tout simplement tenté de se faire un coup de publicité sur le dos de la publicité du site internet. Ces associations se sont crues autorisées à s’ingérer dans une relation privée qui existe entre deux personnes physiques qui n’ont évidemment aucun compte à lui rendre. Au-delà de l’absence évidente de fondement juridique à cette démarche, cette association n’a ni qualité ni intérêt pour agir et intervenir au nom d’une relation à laquelle elle est totalement étrangère.
Ne pas confondre la loi et la Bible
Ces associations confondent manifestement la Loi et la Bible. Il n’est ici pas question de respecter la Bible mais la loi. Et la loi Française est très claire et sans ambiguïté. Il n’y a évidemment aucune règle qui interdise de faire la promotion de l’adultère contrairement à ce que prétend cette association. Telle la police politique iranienne, cette association veut faire la police de la pensée et exige le retour d’un ordre moral pour lutter contre la création publicitaire. Comment s’étonner ensuite que les publicités soient jugées de moins en moins drôles par les Français ?
Gleeden est dans son bon droit. Les publicités ont à la fois été validées par le Jury de déontologie publicitaire et par Média transports, une des régies publicitaires des transports en Europe. La question qui est posée ici est : est-il légal de faire la publicité des rencontres extra-conjugales ? La réponse est oui. Evidemment. Tout simplement parce que l'un des principes fondamentaux de notre droit affirme que tout ce qui n'est pas interdit par les lois et règlements en vigueur est permis. Chaque entreprise a le droit le plus absolu d'émettre le message publicitaire de son choix dès lors qu'elle ne contrevient à aucun texte.
Une société de plus en plus conservatrice
Mais ce fait divers pose une véritable question. La montée des communautarismes couplée à la tendance au politiquement correcte est dangereuse et insupportable. Quelle est à l’avenir la marge de manœuvre publicitaire des marques dans une société de plus en plus conservatrice ? D’abord, émouvoir pour se faire remarquer est l'un des ressorts les plus communs de la publicité. Les plus grandes marques de luxe ont recours à cette ficelle, surtout érotique, il faut le reconnaitre. De Vuitton jusqu’à Versace, les publicités mettent en scène des femmes dénudées ou dans des poses souvent suggestives pour faire vendre. C'est une stratégie marketing.
Après tout, saluons les intégristes de tous bords puisque l'objectif principal de la publicité était d'attirer l'attention sur la marque. Espérons que comme pour Charlie, la censure stupide ait pour ce site un côté positif: qu’elle multiplie ses visiteurs. Bref d'aboutir à l'exact contraire de l'effet recherché selon le principe désormais bien connu sous l’appellation Streisand.
Contrairement à ces détracteurs de la liberté d’affichage qui souhaitent que le pouvoir politique s'abrite derrière des interdits religieux pour censurer tout ce qui ne leur plait pas, je suis convaincu que notre civilisation se porte bien mieux depuis que l'Eglise est séparée de l'Etat. Heureusement, chacun peut compter sur la Cour de Cassation pour sauvegarder la liberté de création publicitaire et la liberté d’expression en s’assurant notamment de la stricte application des dispositions de la loi de 1881 sur la presse. Et c’est heureux !