Gérard Depardieu s’exile en Belgique : la France au bord de la fracture fiscale

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Par Charles Sannat Modifié le 11 décembre 2012 à 11h01

Franchement, la Belgique que c’est beau, surtout les paysages comme vient de le dire Gérard Depardieu, un riche français qui a décidé d’être riche mais en Belgique, juste de l’autre côté de la frontière… Et franchement, ce n’est pas l’un des endroits les plus beaux du monde. J’adore les Belges, enfin ce qu’il en reste parce qu’au rythme où ça va, il y a des coins en Belgique où l’on trouve plus de Français que de Belges, mais cela n’a rien à voir avec de l’exil fiscal.

Gégé aime le plat pays, tout plat, très très plat, il aime aussi la campagne, et puis je crois aussi qu’il aime ne pas se faire entièrement ratiboiser par Monsieur l’État. Mais on doit continuer à dire que l’impôt à 75 % est juste. Après tout, il est riche notre Gégé national, et puis franchement, ses sous il les gagne en faisant des films pour nous Français. Il nous doit tout, donc on peut tout lui reprendre. Quelque part ce raisonnement se tient. D’un autre côté, celui qui essaiera de me prendre 75 % de mes revenus n’est pas encore né.

Non, rassurez-vous, je ne me sens pas concerné par les problèmes des très riches, pas du tout. Justement, en tant que classe moyenne qui va finir par devenir pauvre, je me dis que le jour où l’État me taxera 75 %, j’arrêterai tout simplement de travailler… comme ça l’État n’aura rien à y gagner du tout, et moi plus grand-chose à perdre. J’irai prendre mon RSA. J’irai m’inscrire à la CMU. Juste avant je me mettrai en situation de surendettement (ou presque) vu qu’un titulaire du RSA est insaisissable (si, si). Ensuite je vais aux CAF pour remplir le dossier des APL. Je pars en province où les listes d’attentes pour HLM sont de l’ordre de quelques semaines (2 à 3 mois) voire inexistantes dans certaines petites villes, et je ne vivrai de rien. Enfin officiellement…

Et voilà par quel processus notre pays perdant ses plus riches à force de trop les taxer, pour ne pas dire carrément les voler, va être obligé de taxer les moins riches, qui feront pareil ou lèveront le pied, je pense à certaines professions libérales qui préfèrent maintenant fermer leur cabinet une ou deux journées par semaine… plutôt que de se fatiguer pour 10 % de plus de résultat à la fin de l’année.

Une fois que ces gens-là auront arrêté de produire plus pour gagner plus, il ne restera que les classes moyennes à taxer, celles qui ne peuvent pas s’expatrier. Logiquement, entre travailler pour rien ou être assisté en échange de rien, l’écrasante majorité choisira de façon économiquement rationnelle le chemin de l’assistanat. Soit dit en passant, nous n’en sommes plus si loin que ça de cette situation. Nous arriverons donc au résultat suivant : moins de secteur privé productif, donc moins de création de richesses, pour plus de demandes d’aides, de subvention et d’assistance. Résultat évident : le même échec que lors de l’effondrement de l’ex-empire soviétique.

Oui, je sais, les riches sont très méchants. Une fois posé ce postulat gaucho-bobo à la mode, prenons un tout petit peu de recul. L’un des ressorts du développement des sociétés humaines depuis la nuit des temps repose sur quelques principes très simples. Mais alors vraiment très simples.

1/ Il faut laisser les créateurs créer et les entrepreneurs entreprendre (ce qui n’empêche pas de réguler et d’encadrer).

2/ C’est parce que l’entrepreneur et le créateur vont avoir une espérance de gains illimités que le jeu va en valoir la chandelle, sinon autant rester tranquille chez soi et ne pas se fatiguer.

Fondamentalement, l’économie et le développement ne reposent que sur ces deux principes essentiels. Nos gouvernements peuvent les nier et trouver toutes les justifications à 75 % de taxations sur les revenus, eh bien ils se trompent lourdement. D’autant plus lourdement que cette taxation sur les revenus de 75 % est la dernière d’une série de taxations qui part des charges sociales, en passant par la TVA, sans oublier la taxation de l’épargne sur des sommes mises de côté après avoir été déjà taxées sur le revenu.

Il faut bien retenir ce chiffre. PIB 55 % public, 45 % privé. Donc n’oubliez pas que les 45 % de richesses produites par le privé même taxées à 100 % ne permettent plus de financer le public. Comme personne ne veut baisser les dépenses parce que c’est douloureux et que l’on déteste avoir mal, notre gouvernement fait la seule chose que nous sachions faire en France, nous taxons !!

La situation de pression fiscale ne peut donc pas s’améliorer. Et c’est toujours dans la même optique que le gouvernement vient d’annoncer une taxation supplémentaire sur les plus-values des résidences secondaires. Je vous passe le détail du barème mais en gros il faudra passer encore plus à la casserole ou à l’essoreuse fiscale.

Mais nous avons (encore) la liberté de partir. De quitter la France et d’aller nous faire taxer ailleurs dans des contrées plus accueillantes (fiscalement parlant j’entends). Attention. Comprenez-moi bien. Je ne fais pas l’apologie de l’exil fiscal. Je suis français, profondément attaché à mon pays, à mon terroir. Je n’ai pas envie d’aller vivre ailleurs. Je suis le premier à avoir étrillé notre cher Johnny H., chanteur de son état, ne vendant des CD qu’en France, se faisant opérer ici au frais de la sécu et de la collectivité (même s’il s’est fait plus ou moins rater), et refusant de payer son écot et sa dîme à un pays qui lui a « tant donné ».

Je l’ai étrillé car sous Sarkoléon, même si la pression fiscale n’était pas indolore loin s’en faut, elle n’était pas au stade du confiscatoire. Or aujourd’hui, la fiscalité française est devenue clairement confiscatoire pour certaines catégories disons-le de riches. Mais le riche n’est pas un criminel. Enfin, pas forcément. Mais le pauvre n’est pas forcément qu’un brave type sympathique et gentil. La misère n’est pas systématiquement le bien ou le bon. Les riches d’aujourd’hui peuvent, dans un monde ouvert, partir librement où bon il leur chante d’aller ou presque.

Si le gouvernement veut les tondre sans complexe :

-il faut refermer les frontières avant qu’ils ne partent tous ;

-il faut réinstituer pour les adultes une autorisation fiscale de sortie du territoire ;

-il faut supprimer toutes les transactions en espèces ;

-il faut remettre des douaniers partout et surveiller nos frontières avec des miradors et des drones militaires.

On peut faire tout ça. C’est même assez facile et c’est une logique. Mais objectivement, est-ce là la logique de la création de richesses ? Je ne parle volontairement pas de création de valeur qui n’a de sens que financier, mais bien de création de richesses qui est une idée bien plus large, un Mozart créant une richesse bien plus que simplement financière parce qu’également culturelle par exemple. Oui aux impôts. Mais pas de façon confiscatoire.

À l’heure actuelle, les classes moyennes qui font ou défont les gouvernements et les stabilités des pays regardent avec méfiance ces méchants riches partir pour ne pas verser leur obole, ou en tout cas ne plus verser une obole qu’ils considèrent désormais comme du vol pur et simple. De la même façon que la France va se « grécifier » progressivement à partir de 2013, les classes moyennes vont commencer à se sentir pressurer dès le début de l’année prochaine.

Lorsqu’elles devront payer de plus en plus, sans percevoir d’aides, et voyant ce que leurs impôts permettent de financer, elles rejoindront les riches dans leur mouvement de protestation. Le problème n’est pas que quelques riches aillent « richer » en Belgique, en Suisse ou sur le tapis rouge percé de l’anglais Cameron. Non, l’important c’est de se rendre bien compte que ce mouvement de refus de l’impôt des riches préfigure un refus franc et massif à venir des classes moyennes d’une pression fiscale qui sera vite, très vite intolérable. Ce mouvement préfigure le rejet d’une part de plus en plus importante de la population française du schéma de répartition de l’État-providence.

Il y a une fracture sociale. Elle est connue depuis bien longtemps et fut le thème de la campagne de Chirac en 1995. Ce que l’on va voir apparaître, au-delà de la fracture sociale c’est une fracture fiscale, où les classes moyennes ne voudront plus payer pour les classes inférieures, peut-être parce que par certains aspects, elles n’arrivent plus à s’identifier mutuellement.

Nous allons donc tout droit vers l’explosion du pacte social français, parce que les gens eux-mêmes n’en voudront plus, ou pour être plus précis, ceux qui peuvent payer… ne veulent plus payer. C’est sans doute choquant à lire, mais c’est une réalité qui apparaît de plus en plus crûment et qui renvoie à la typologie même de notre société et à ses communautarismes que nous avons voulu exacerber.

Nous en sommes arrivés au moment où les uns ne veulent plus payer les uns pour les autres. C’est donc la cassure définitive de notre contrat social qui permettait un « vivre ensemble », et c’est grave. Très grave, et porteur de germes de grande déstabilisation sociale. Mais beaucoup préfèrent ne pas voir…

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Charles SANNAT est diplômé de l'Ecole Supérieure du Commerce Extérieur et du Centre d'Etudes Diplomatiques et Stratégiques. Il commence sa carrière en 1997 dans le secteur des nouvelles technologies comme consultant puis Manager au sein du Groupe Altran - Pôle Technologies de l’Information-(secteur banque/assurance). Il rejoint en 2006 BNP Paribas comme chargé d'affaires et intègre la Direction de la Recherche Economique d'AuCoffre.com en 2011. Il rédige quotidiennement Insolentiae, son nouveau blog disponible à l'adresse http://insolentiae.com Il enseigne l'économie dans plusieurs écoles de commerce parisiennes et écrit régulièrement des articles sur l'actualité économique.

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