Mes chères impertinentes, mes chers impertinents,
J’ai été interloqué de la sortie de notre Jupiterminé, notre grand phare dans la nuit qui est d’ailleurs censé incarner notre nation dans toute sa diversité… ce qui inclut par définition aussi le déjà-là que l’on veut opposer au nouvel arrivé. Ethniciser les débats, ou en prendre le risque, est une bien funeste approche intellectuelle.
L’économie est une science dite « humaine ». Ceci n’est pas un hasard. L’économie est la conséquence de la somme de nos comportements.
L’économie résulte de toutes les fictions imaginaires que nous nous racontons ou pas, que nous partageons ou pas, qui durent… ou changent et évoluent.
L’économie, comme on le dit souvent, devrait être au service de l’homme et pas l’inverse. Certes. Si tel était le cas ou, mieux, pour que tel soit le cas, il faut commencer par entendre ce que les gens veulent. Ce qu’ils souhaitent. La manière dont ils veulent vivre, leurs ambitions qui souvent ne se limitent pas au seul profit comme horizon indépassable ou à la consommation pour unique consolation.
Entendre nos citoyens commence par ne pas penser d’eux qu’ils sont par essence « réfractaires » aux changements qu’une autorité, aussi éclairée soit-elle, veut imposer en sachant pertinemment que ces changements ne sont pas souhaités par les gens eux-mêmes.
L’être humain a besoin de s’inscrire dans le temps. Non pas le temps long, mais le temps lent. Le temps lent est celui du rythme des saisons, le temps lent est celui de l’enfance, où tout semble permanent, bien que les choses changent.
Le changement est naturel, il est supportable, parce que tout ne change pas, tout le temps. Le changement est supportable parce qu’autour, il y a des points de repères fixes, des points d’accroche, des points d’enracinement, et c’est une nécessité humaine que d’offrir aux hommes des lieux d’ancrages. Ne pas le faire est nier leur humanité.
L’indispensable permanence des choses !
Il y a de tout dans notre pays, de toutes les couleurs, de toutes les origines, et puis il y a aussi ces satanés Corréziens, qui chantent, ils chantent leur terroir. Ils voteraient même socialiste !!
Ils chantent leur terre, la terre où les leurs reposent.
Les leurs, ce n’est pas une abstraction. C’est Pierre, Paul, Jacques, les gars ou les filles avec qui ils ont grandi, vécu, vieilli.
Ils chantent leurs traditions culinaires et le vin dans la soupe.
Ils chantent cette terre, dure, aride, qui absorbe la sueur des hommes depuis la nuit de temps.
Ils chantent leurs montagnes.
Ils ne rejettent personne.
Ils ne sont pas « rances », ni « racistes », ni mauvais. Ils ne sont pas réfractaires non plus.
Ils chantent l’amour, car leur rengaine veut « juste dire je t’aime »…
Veut-on changer la recette de la farce dure ? Évidemment que non ! Il est même souhaitable de faire perdurer ce qui s’appelle la « tradition ». Un gros mot vraisemblablement.
Conserver précieusement le vin dans la soupe, ou la farce dure, n’exclut pas d’autres changements ! La permanence permet la construction.
Monsieur le Président, être de Paris, cela ne veut rien dire à part pour une toute petite minorité des 12 millions d’habitants d’Île-de-France. On n’est pas de Paris. On monte à Paris pour faire carrière. Paris est une capitale. On y va pour trouver un emploi, faire ses études, Paris est un passage. On y « monte », comme on montait au front, non pas la fleur au fusil, mais la boule dans le ventre. On veut souvent en partir, et en partir est difficile.
Le problème n’est pas le Gaulois réfractaire.
Le problème, c’est que le changement peut aussi être une immense violence faite aux hommes et aux femmes.
Le problème c’est l’attachement au terroir et le besoin d’enracinement.
Au sol.
Aux gens.
À vos proches.
À votre village et à votre communauté immédiate qui fait votre vie.
Cet attachement à sa communauté immédiate est le phénomène qui sous-tend ce que l’on appelle le communautarisme de nos « quartiers ». On est d’un village comme on appartient à une « citée ». On est de la tour 1, contre ceux de la tour 2.
Le problème c’est quand on est de quelque part.
C’est là que l’on se sent chez soi.
Peu importe ce quelque part.
En dehors de quelques mondialistes hors-sol, nous sommes tous de quelque part, et nous avons psychologiquement besoin de cette appartenance, quelles que soient nos origines et nos couleurs, nos histoires, nous avons besoin d’une histoire. Nous avons besoin de nous définir aussi par rapport à une géographie.
« Et toi ? Tu viens d’où ? »
« Et toi ? Tu viens d’où ? » Cette question est en général la seconde après le « comment t’appelles-tu » !!!
Le problème quand on est de quelque part, c’est que l’on finit par aimer les lieux de nos souvenirs, de nos vies, de nos émotions, de nos clochers, de nos ruisseaux, parfois même de nos… Églises ! Hooo mon dieu, que ne viens-je pas de dire !
Ils chantent la Corrèze, ils pourraient chanter la Normandie, les Alpes ou la vallée de la Soule, ils pourraient chanter le Berry ou encore l’Alsace ou la Bretagne.
Nous avons un superbe terroir, et dans notre pays qui compte quelques centaines de fromages, il y a quelques millions d’hommes et de femmes qui sont tout simplement attachés à leur cadre de vie.
L’indispensable aménagement du territoire…
Voilà une extension intéressante de ce débat. Penser le terroir comme une richesse, nos territoires comme autant de richesses et de diversités, c’est penser notre aménagement du territoire, à un moment où les grandes villes deviennent en réalité totalement obsolètes.
Héritées de la révolution industrielle et de la nécessité de regrouper en un seul lieu une quantité sans cesse plus grande de bras pour produire de plus en plus, nous sommes passés d’un système de production capable de produire sans ouvrier et nous fermons nos usines pour les ouvrir dans d’autres pays. Nous automatisons ou nous délocalisons.
Je suis effrayé qu’un président de la République puisse à ce point méconnaitre la réalité du peuple qui l’a porté au plus haut sommet de l’État.
Le changement n’est pas une vertu. Le changement peut être une violence.
Le changement n’est pas une vertu en soi… et n’en déplaise aux totalitaires marchands, en démocratie, les changements peuvent et doivent se discuter !
Nous avons tous compris l’idée derrière le concept de Gaulois réfractaire.
L’idée derrière est évidemment celle qui correspond au projet du totalitarisme marchand.
Le changement pour casser les solidarités, le changement pour fracasser les structures sociales de contre-pouvoir aux multinationales à la recherche de leur toute-puissance.
Le changement comme arme pour installer l’insécurité psychologique chez les salariés et soumettre les forces de travail.
Le changement pour réduire les avantages sociaux, le changement pour anéantir un pacte social hérité du Conseil national de la résistance et où le bien commun était privilégié face aux intérêts individuels.
Oui, le Gaulois réfractaire est un problème. Il est tellement un problème que ce genre de phrase totalement surréaliste sort de la bouche du président des Gaulois en personne.
Le président de la République dit deux choses avec cette expression
Il dit sa haine du peuple qui l’a élu. Un peuple qui a porté cet homme au pouvoir, justement parce que « réfractaire » au changement, et que les Français n’étaient pas prêts à « renverser » la table en portant au pouvoir le Front National ou la France Insoumise, bien qu’il ne s’en fallut que de quelques cheveux d’avoir un second tour proposant les deux opposés sur l’échiquier du choix politique.
Il dit aussi son projet : livrer son peuple sur l’autel des forces de marché.
Alors, vive la France et les Gaulois réfractaires de toutes les couleurs, de toutes les confessions, de toutes les régions.
Ne tombons pas dans le rejet, il est facile de faire aimer une terre, quand elle belle et généreuse, entraînante et chantante !! Il est même normal de l’aimer, et de n’avoir aucune envie de voir certaines choses changer.
Surtout, soyez réfractaires, insoumis, insolents et impertinents.
Il est déjà trop tard, mais tout n’est pas perdu. Préparez-vous !
Article écrit par Charles Sannat pour Insolentiae