Les « trouveurs d’affaires » : le marché caché du rachat des PME

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Par Robert Moor Modifié le 19 décembre 2012 à 5h56

Dans un contexte économique tendu comme rarement, les entreprises cherchent des relais de croissance : le développement organique des entreprises - par l’innovation et l’internationalisation - reste la voie naturelle de leur expansion mais la conjoncture actuelle est atone.

C’est donc vers la croissance externe que se tournent les appétits des Entreprises de Taille Intermédiaire (ETI) - définies par la Loi de Modernisation Economique en 2008 (qui ont entre 250 et 5000 salariés pour un chiffre d’affaire qui se situe entre 50 millions et 1,5 milliards d’Euros) - pour acquérir des PME.

Yvon Gattaz, créateur d’entreprise et Président du Medef de 1981 à 1986, a salué dans son livre Les ETI, champions cachés de notre économie. 30 histoires d’Entreprises de Taille Intermédiaire ces sociétés, qui comme le Mittelstand allemand, rétablissent enfin le « chaînon manquant » de l’économie française.

La surexposition médiatique des fusions-acquisitions concerne exclusivement les opérations significatives : celles des grands groupes. Les médias communiquent à l’envi sur ces « deals », relayés par les banques, fonds d’investissement, avocats d’affaires, cabinet d’audit et de conseil en stratégie… spécialisés dans les M&A (Mergers and Acquisitions, fusions-acquisitions en français, ndlr). Ce marché ouvert – où les projets de cession sont rendus publics - représente 40 % des transactions.

Par déduction, il existe un marché caché qui représente 60% des opérations. C’est un marché « non officiel » auquel il n’est possible d’accéder que par un réseau ou une prospection spécifique, par une relation tierce… Toutes les entreprises à vendre ne sont pas exposées, les plus intéressantes ne sont pas visibles. Ces PME n’ont généralement fait l’objet d’aucune offre, sont sur des marchés très spécifiques et…. attendent une opportunité de contact !

Dès lors, le rôle des « trouveurs d’affaires » - qui sauront rassasier les appétits d’acquisition d’une ETI et étancher sa soif de croissance externe - est une nécessité… perfectible. De par leur taille, nombre d’entreprises n’ont pas – à l’instar des grands groupes – les ressources et l’expertise interne pour conduire leur croissance externe si bien que celle-ci ne peut être qu’externalisée. Le « dénicheur » idéal doit comprendre en amont les aspirations de l’acquéreur potentiel, ses valeurs, sa culture, son business model, en un mot son « ADN » pour cerner sa stratégie. Il lui faut aussi intégrer les objectifs de l’opération : taille de l’entreprise à acquérir, rentabilité, synergie, intégration par l’acquéreur et son prix.

L’expérience montre que les « entremetteurs » sont des omnipraticiens des opérations de M&A par opposition aux spécialistes, qui ont une expertise sectorielle et/ou géographique. La valeur ajoutée des intermédiaires s’évalue sur leur pragmatisme, leur propension à appréhender la logique de l’opération envisagée, leur connaissance du secteur industriel concerné et de son environnement global.

Par ailleurs, tout dirigeant d’entreprise a une culture du résultat alors qu’un apporteur d’affaires se trouve dans une obligation de moyens. De là peuvent découler certaines difficultés qu’il convient d’anticiper dès les premiers entretiens. Tels sont les préalables indispensables auxquels il convient de réfléchir avant d’envisager le sourcing de cibles sur le marché caché, la phase exploratoire.

La tâche de l’intermédiaire est de savoir que l’autre existe et de l’identifier. Il s’agit d’effectuer un travail de recherche fouillé pour déceler les entreprises à reprendre, de dresser une « short-list » de sociétés cibles. Le vrai talent d’un intermédiaire est de détecter ces PME, soustraites aux convoitises, difficilement accessibles, qui évoluent dans un environnement relativement hermétique, et ce en France comme à l’étranger. Or, paradoxalement, beaucoup d’entre elles attendent d’être approchées et la confidentialité est de mise sur ce marché caché et fermé.

Cette démarche de pré-sélection voire de sélection est chronophage pour un entrepreneur en quête de croissance externe et l’intermédiaire est souvent tenté de proposer un certain nombre de cibles - pour légitimer son implication - au détriment de la qualité des dossiers ou de précipiter une rencontre alors que le cédant n’est pas encore mûr.

La phase de « séduction » est capitale et seuls le sérieux et le professionnalisme de la démarche permettent d’aller plus loin, de nouer des contacts opportuns puis de mettre en relation les parties prenantes à l’opération.

Le bon professionnel est celui qui propose un dossier choisi et réfléchi, correspondant à la stratégie d’alliance, aux besoins et attentes du cessionnaire ; l’intuitu personae prévaut et il sait instaurer un climat de confiance tout en intégrant que le processus de « fiançailles » s’inscrit dans le temps. La pratique prouve que le cédant et le repreneur ont des positions symétriques et se cherchent mutuellement : l’expression « parce que c’était toi, parce que c’était moi » pourrait à elle seule résumer la réussite de l’opération.

L’apporteur d’affaires est aussi un équilibriste en ce sens que les intérêts communs doivent être préservés en même temps que les intérêts de chacune des parties en présence, cédant et cessionnaire et il se doit d’être présent tout au long de la négociation, dans la démarche d’analyse et de prise de décision.

Les ETI ont souvent besoin d’être accompagnées pour identifier des opportunités de croissance externe, les moyens de se regrouper et de nouer des partenariats. Toutes les parties, acquéreur, société cible et apporteur d’affaires doivent s’inscrire dans une volonté « gagnant – gagnant ».

La compréhension des impératifs de l’acquéreur potentiel, la recherche et l’identification de cibles, l’état des lieux puis la valorisation de l’entreprise visée, les conditions de la vente, son suivi et la finalisation de la transaction sont la clé du succès de ces entremetteurs qui marient les entreprises. Des « agences entrepreneuriales », en somme.

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Robert Moor,Ecole Centrale de Paris, commence à travailler à 22 ans pour la petite société familiale PROTEX, spécialisée à l’origine dans le textile (d’où le nom PROduits TEXtiles). La société se diversifie rapidement dans d’autres niches : papier, électronique, peintures et encres… par le biais de la « fertilisation croisée », i.e. chaque fois que cela est possible une innovation déclinée pour une application précise est diffusée dans d’autres domaines (Les produits créés pour le marché textile traitent le coton qui provient de la cellulose. Comme le papier est à base de cellulose, il est judicieux, par analogie, que Protex se diversifie dans les produits destinés à la filière papier) tout en développant les activités du Groupe à l’étranger.

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