L’avocat français du Front Polisario, Gilles Devers, a annoncé qu’il allait déposer autour du 25 avril prochain deux nouveaux recours en annulation devant la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE). Le premier contre l’accord général d’association adopté par le Conseil et le second contre l’accord de pêche, entériné par le Parlement européen au mois de février dernier, et qui sera prochainement adopté par le Conseil.
Ces recours se basent sur une décision antérieure de la CJUE qui avait invalidé l’accord d’association en raison du litige sur la souveraineté du Sahara Occidental.
L’avocat est optimiste et déterminé : « La Cour de Justice de l’Union Européenne nous a donné raison en 2016. Dans son arrêt, elle affirme qu’il n’est pas possible d’appliquer les accords sans le consentement du peuple sahraoui dans la mesure où le Maroc et le Sahara Occidental sont deux territoires distincts et séparés. »
L’avocat du Front Polisario estime que l’UE tente de contourner une décision de justice qui ne lui convient ni politiquement, ni économiquement.
« Ce nouvel accord avec le Maroc s’appuie sur un mécanisme d’extension de l’accord précédent qui avait reconnu le statut séparé et distinct du Sahara Occidental. Or, en signant un accord d’extension sur un autre territoire vous reconnaissez-vous-même que le Maroc n’est pas souverain au Sahara Occidental. Nous attaquons avec une vigueur particulière car au lieu d’appliquer la décision de justice, les membres de l’UE font tout pour la contourner. De plus, il est établi que 92% de l’activité de pêche du Maroc se fait dans les eaux sahraouies, avec des contreparties en centaines de millions par an. C’est là que ça se joue et c’est là que nous attaquons » précise Gilles Devers.
Ce dernier précise qu’après avoir géré les deux recours en légalité, il engagera ensuite un recours en responsabilité et espère ainsi obtenir des dédommagements conséquents allant jusqu’à 500 millions d’euros.
Ces procédures judiciaires s’inscrivent également dans un contexte géopolitique particulier de reprise des discussions entre le Maroc et le Front Polisario. Des représentants des deux parties se sont en effet retrouvés à Genève au mois de février pour des réunions sous l’égide de l’ONU. Des diplomates algériens et mauritaniens étaient également invités en tant qu’observateurs.
Si pour l’instant aucune issue au conflit n’est envisageable, les positions des deux parties étant radicalement opposées, l’ONU ne désespère pas d’obtenir des concessions de part et d’autre afin que le processus de paix avance enfin. Un statu quo, donc, qui obligeait en novembre dernier l’Union Européenne à rappeler qu’elle « ne préjuge pas de l'issue du processus politique sur le statut final du Sahara occidental qui a lieu sous l'égide des Nations unies et elle n'a cessé de réaffirmer son attachement au règlement du différend au Sahara occidental, actuellement inscrit par les Nations unies sur la liste des territoires non autonomes, et administré principalement par le Royaume du Maroc. »
Selon Gilles Devers, d’autres recours sont en préparation concernant des sociétés privées européennes actives au Sahara Occidental. Les principaux recours judiciaires du Front Polisario seront finalisés d’ici l’été. De nombreux grands groupes européens regarderont probablement de très près les prochaines décisions de la Cour tant les enjeux économiques sont importants et potentiellement lourds de conséquences.
« Nous faisons de la résistance juridique » conclut l’avocat du Front Polisario. Le Conseil de l’UE, pour sa part, avait indiqué le 4 mars dernier que « le protocole quadriennal mettant en œuvre l'accord attribue des possibilités de pêche à l'UE en échange d'une contrepartie financière d'un montant total de 208 millions d'euros », tout en précisant qu’une « grande part de cette contrepartie servira à promouvoir le développement durable de l'économie de la pêche au Maroc et du secteur de la pêche du Sahara occidental. »