Dans une mondialisation reconnue par tous, nous sommes aujourd’hui les témoins du retour de l’Histoire, celles des peuples, des identités et des continents. L’émergence inattendue de ces « fragments de l’univers », pour reprendre l’expression de l’illustre historien Fernand Braudel, modifie durablement les rapports de force dans les relations internationales.
L’océan Indien est au cœur de cette recomposition géopolitique qui va du local au mondial dans un processus inédit. D’une diversité culturelle et écologique sans pareille, l’océan Indien relie les moteurs de la croissance mondiale que sont la Chine, l’Inde et l’Afrique. C’est un espace de promesses autant que de tensions. Il s’y exprime la prégnance des crises et des doutes du monde moderne. Qu’elles soient climatique, alimentaire, énergétique, sécuritaire ou bien sûr économique, la gestion de ces crises constitue un enjeu politique de première importance pour ceux qui y vivent, mais aussi pour les grands pôles décisionnels d’occident, d’Afrique et d’Asie. Véritable artère du commerce international, pas moins de 70% du trafic d’hydrocarbures et 30% du commerce maritime mondial y transitent.
La Commission de l’océan Indien (COI), seule organisation d’Afrique exclusivement insulaire et essentiellement francophone, apporte des solutions adaptées aux spécificités et aux attentes de ses pays membres, les Comores, Madagascar, Maurice, les Seychelles et la France à travers La Réunion. Elle est leur véhicule d’action collective, une force de mobilisation indispensable pour dessiner les contours d’une coopération exemplaire et mettre en œuvre une intégration régionale solidaire répondant aux défis de l’isolement dans une perspective de développement durable et de stabilité régionale.
En cette année internationale des Petits Etats insulaires en développement, voulue par l’Organisation des Nations unies, la COI a une mission de premier plan qui consiste à faire entendre la voix de ces territoires qui contrôlent d’immenses zones océaniques. Ce faisant, notre organisation est aussi le porte-voix des autres pays insulaires du continent, le Cap Vert, Sao Tomé-et-Principe et la Guinée Bissau.
La COI travaille en étroite collaboration avec l’Union Africaine et l’ensemble des organisations régionales d’Afrique australe et orientale. En tant qu’organisation dont la langue de travail est le français, elle ouvre de fait une porte à la francophonie dans une région massivement anglophone.
La langue française que nos pays ont en partage est un vecteur de rapprochement politique et culturel autant qu’économique. Nos entreprises peuvent échanger, investir et créer ensemble de la valeur. A l’image du Québec, notre région – parce que francophone - constitue une interface économique et commerciale singulière avec les mondes anglophone d’Afrique et d’Asie.
Ce regard francophone qui est le nôtre est loin d’être anodin. Ainsi, dans la durée de la crise politique qui a secoué Madagascar depuis 2009, il ne faut pas sous-estimer la part d’incompréhension de la communauté internationale à l’égard d’une culture politique insulaire, singulière et complexe car marquée par la convergence d’identités afro-asiatique et francophone.
Durant les mois d’incertitude qui ont mené jusqu’à l’élection du nouveau président malgache, le 20 décembre 2013, la COI a été une force de propositions reconnue, respectée et admise par tous y compris dans les matières les plus sensibles, notamment sur la non-participation au scrutin des principaux acteurs de la crise. A l’évidence, c’est de la proximité que naît la confiance.
Cette réussite, qui tire sa force d’une identité et d’une culture partagées, peut constituer, je le crois, une forme d’inspiration pour la résolution des crises continentales. Elle prouve, en tout cas, que l’imposition de normes standard coupées des réalités du terrain ne fonctionne pas. Elle prouve aussi que la mondialisation rend plus nécessaire que jamais la présence de corps intermédiaires qui constituent des espaces vivants d’action et de solidarité.