La semaine vue par Louis XVI : François Hollande, celui qui entendait des voix courtisanes

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Par Eric Verhaeghe Modifié le 15 juillet 2013 à 3h13

Quelle brillante causerie menée devant la lucarne magique pour les Français, depuis les jardins ensoleillés du palais de l’Elysée! Elle t’a notamment permis, François, de soutenir que la reprise de l’activité était là, et que le second semestre ne serait pas moins bon, économiquement, que le premier. Voici une affirmation empreinte de culot qui fera date dans la parole politique de 2013.

As-tu parlé dans un état de déraison ?

Pour étayer ce propos si étrange, tu as affirmé que la production industrielle repartait. Si cette reprise est bien avérée pour le mois d’avril 2013, en revanche, je lis pour le mois de mai, sous la plume de l’Institut National de la Statistique (INSEE): la production manufacturière diminue de 1,1%.

Tu as aussi affirmé qu’il y avait un léger mieux dans la consommation. Pourtant, je lis sous la plume de l’INSEE que, par rapport à mai 2012, la consommation des ménages français en produits manufacturés stagne.

Tu as enfin soutenu qu’il y avait un léger mieux dans l’emploi. Pourtant, selon l’Agence Centrale des Organismes de Sécurité Sociale, qui comptabilise les recettes et les dépenses de la Sécurité Sociale, la masse salariale des Français est à la peine, indice le plus sûr à la fois d’un tassement des salaires, et d’une rareté de l’emploi.

Bref, François, en parlant de la situation économique de la France, tu as soulevé plus de questions que tu n’as apporté de réponses. L’effet du soleil ? Certains se sont demandés, c’est le cas de l’écologiste Jean-Vincent Placé, si parler sous le soleil n’avait pas sur toi des effets néfastes. Et il est vrai que cette condition climatique n’est pas habituelle pour toi. J’écarterai volontiers cette hypothèse qui est un peu irrespectueuse pour ta fonction: un jour de 14 juillet, lors d’une intervention préparée, il n’est pas imaginable que tu aies parlé dans un état de déraison.

Si tu as proclamé que la reprise économique était là, c’est donc bien parce que tu en étais convaincu. Mais par quel phénomène extraordinaire as-tu pu déclamer une vision si contraire à ce que les services royaux eux-mêmes constatent et affirment?

La méthode Coué pour toi et pour ton peuple

Plusieurs hypothèses me paraissent pouvoir expliquer ton étrange attitude.

La méthode Coué ou l’astrologie romaine : L’une consiste à dire que tu pratiques la méthode Coué pour toi-même, et que tu veux la généraliser au peuple français dans son ensemble. Face à la réalité contre laquelle tu ne peux mener qu’un impuissant combat, tu te réfugies dans des répétitions insanes, pour ainsi dire sectaires, de contre-vérités, jusqu’à ce que le faux se substitue au vrai. Ainsi, ton énergie est tout entière dirigée vers une persuasion collective de choses ineptes, qui ont le mérite de rendre euphorique, et de supprimer la douleur causée par les malheurs du temps.

Une autre hypothèse consiste à soutenir que tu joues sur les mots, à la façon d’un haruspice romain, et que tu as glissé dans un langage pour ainsi dire symbolique. En affirmant que le second semestre sera meilleur que le premier, ce qui signifie que la reprise est là, tu n’entends pas dire que nous vivons une reprise économique au sens où les Français l’entendent: le retour de la prospérité, les carnets de commande qui se garnissent à nouveau, les salaires qui augmentent, les embauches qui reviennent. Non, tu entends plutôt dire: nous sommes en état de non-récession, c’est-à-dire: c’est mieux que si c’était pire.

En quelque sorte, tu pratique l’astrologie romaine pour gouverner et décider. Tu cherches dans la réalité le moindre signe avant-coureur qui pourrait laisser croire que le beau temps viendra après la pluie.

Mais là, François, tu prends un risque: imagine que se réalise ce que certains financiers craignent, à savoir une grande correction boursière à l’automne, imagine que l’Italie s’effondre comment avant elle l’Espagne, le Portugal ou la Grèce, imagine que vienne le tour de la France...

Tes prévisions risqueraient bien se retourner contre toi. Car si le second semestre n’est pas meilleur que le premier, c’est la France entière qui sera témoin de tes erreurs et des risques inconsidérés que tu prends, de la légèreté de la méthode que tu utilises pour lire la réalité de la société française.

Coupé des réalités, tu écoutes trop les voix des courtisans.

En réalité, je crois que ton discours sur la reprise s’explique de façon beaucoup plus simple. Comme je le fus avant toi: tu es coupé de la réalité du pays. Tu ne croises plus un Français ordinaire, tu ne sais plus ce qui préoccupe les gens, et tu ne te souviens plus de ce que signifie la vie quotidienne.

En outre, tu ne connais de la vie que ce que tu en as appris dans les grandes écoles et dans les allées du pouvoir. Dans la forêt profonde de la vérité économique, tu es comme un animal apprivoisé rendu à la vie sauvage: tu ne sais décoder les signes les plus évidents, et tu as besoin d’une cour, autour de toi, pour t’aider à lire le monde.

Malheureusement pour toi, tu n’es guère plus doué que moi pour t’entourer. Au lieu de choisir des esprits avisés et compétents, capables de t’éclairer sans complaisance sur les conséquences de tes actes et sur les attentes du pays, tu t’entoures d’esprits courtisans, serviles, assoiffés de pouvoir et d’influence, prêts à tout pour manger à ta table et guider tes pas dans la direction que tu choisis à l’aveuglette.

Ah! Le tragique tandem du roi et de la cour!

Un roi trop faible, mal assuré, ne rêve que d’une chose: que sa cour lui dise ce qu’il a envie d’entendre, et qu’elle prenne bien soin de ne pas troubler ses certitudes, ses illusions et ses rêves.

Une cour de petits marquis ne sait faire qu’une seule chose: flatter, ramper, dégouliner de mensonges plaisants à entendre, obéir sans condition et se vautrer sur les réserves de la cuisine en festoyant à la santé d’une France qu’elle méprise, qu’elle abaisse et qu’elle parasite.

Ces petits marquis-là, François, et ces petits marquises, ne lésinent devant aucun sacrifice pour te mentir dans l’espoir de décrocher un maroquin. Je ne sais qui est celui ou celle qui, avec obstination, te répète que la reprise arrive, qu’elle est là, qu’il ne peut en être autrement, qui te montre un échantillon de mousse prélevé sur l’écorce d’un arbre pour te le prouver, mais celle-là ou celui-là t’abuse et te conduit à la faute à force de mentir pour être récompensée.

Que tu mentes aux Français est une vilaine chose, qui n’est ni à ta gloire, ni en ta faveur, mais au fond tu n’es ni le premier ni le dernier à mentir en politique.

Que tu te trompes autant, sur un sujet si grave, et que tu soutiennes avec assurance tes mensonges, voilà une faute bien plus lourde à porter. Car, dans quelques mois, comment te traiteront ceux qui souffrent de la disette et en trouvent en toi aucun réconfort?

Peut-être ce que fit le peuple le 14 juillet les inspirera-t-il...

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Né en 1968, énarque, Eric Verhaeghe est le fondateur du cabinet d'innovation sociale Parménide. Il tient le blog "Jusqu'ici, tout va bien..." Il est de plus fondateur de Tripalio, le premier site en ligne d'information sociale. Il est également  l'auteur d'ouvrages dont " Jusqu'ici tout va bien ". Il a récemment publié: " Faut-il quitter la France ? "

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