Pour rétablir ses comptes, l’Etat a encore plus besoin des 40 heures que les entreprises

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Par Daniel Moinier Publié le 8 octobre 2015 à 5h00
France Travail Debat 35heures Suppression
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14 %Passer de 35 à 40 heures de travail hebdomadaire peut réduire le coût du travail de 14 %.

Depuis la parution du livre de François Fillon « Faire », les leaders de la droite se déchaînent pour conserver ou améliorer leur leadership. C’est à celui qui proposera la meilleure solution pour relancer la croissance, remettre à flot les comptes de l’état. L’avant dernière proposition nous vient du dernier Chef de l’Etat, Nicolas Sarkozy, celle qu’il lui semble la plus intéressante pour relancer l’économie : La remise en cause des 35 heures.

Puis le 4 octobre 2015, c’est Alain Juppé qui semble s’aligner en partie sur les propositions de François Fillon : 39 heures et 65 ans de départ en retraite. Même si la présentation n’est pas tout à fait la même, nous retrouvons un point commun : Pour faire de la croissance, il faudra travailler plus et plus longtemps.

C’est une logique qui semble tellement évidente, mais refoulée par une telle démagogie, que cette première n’a jamais pu être exprimée, encore moins mise en place par aucun gouvernement par peur des réactions en tout genre, y compris manifestations dans la rue, grèves…et bien sûr par tous ceux qui veulent préserver des acquis au détriment de leur bien être futur, celui de leurs progénitures et de leur pays.

Rappelez-vous quand François Fillon, alors Ministre des Affaires Sociales sous Raffarin 1er Ministre, a lancé la première grande réforme sur les retraites en 2002. Des grèves monstres s’en sont suivies. Elles ont duré trois mois, mélangeant des revendications des fonctionnaires. Finalement la loi a été votée le 21 Août, après que la CFDT ait lâché les autres pour signer, avec des conditions sur la pénibilité mais surtout avec des départs anticipés en retraite, pour ceux qui avaient commencé à travailler de 14 à 16 ans. A cette occasion la CFDT a perdu un nombre important d’adhérents qui sont partis à la CGT et François Chérèque a faillit y « perdre sa tête ».

Le même François Fillon 1er Ministre sous l’aire Sarkozy, en a d’ailleurs « remis une couche » en instituant le 10 novembre 2010, la retraite à 62 ans avec échelonnement jusqu’en 2018, puis avancé en 2017 juste avant son départ. Il s’est montré inflexible, malgré les très fortes attaques de la gauche et notamment de Martine Aubry alors patronne du PS.

Tout cela pour revenir aux 40 heures, même « combat » d’augmentation des temps de travail et d’activité avec comme objectif ; la relance de l’activité, de la croissance, la diminution du chômage et le rétablissement au minimum de l’équilibre des comptes.

L’Etat aurait absolument besoin des 40 heures, pour en premier renflouer les caisses de la Sécurité Sociale, des retraites, de l’Assedic pour ne citer que les principales. Et oui, passer de 35 heures à 40 heures ramènerait entre 30 à 35 milliards de charges sociales par année (Cotisations entreprises et salariées). Et ce n’est pas tout, 60 milliards de salaires dans l’économie, de quoi relancer très fortement la consommation, renforcer les encours bancaires et les placements. Mais aussi lorsque vous gagnez plus, vous payez plus d’impôts. Ce serait augmenté les rentrées d’impôts sur le revenu de 6 milliards par année. Et lorsque que la consommation augmente fortement, c’est la Taxe sur la Valeur Ajoutée (TVA) qui s’envole, jusqu’à 11 milliards possible en plus par année. Rendez-vous compte, une seule loi, une seule, peut boulverser complètement et en mieux, le cours de la vie de très nombreux citoyens, surtout les moins fortunés ! N’est-ce pas très social ?

Ce serait excellent pour l’Etat, mais qu’en est-il pour les entreprises ? Celles-ci n’ont pas toutes les mêmes attentes que l’Etat. Pour elles, passer de 35 à 40 heures passerait par une modification importante de leur organisation, qu’elles ont déjà eu beaucoup de mal à mettre en place dans l’autre sens, lors du passage de 40 à 39 heures en 1982, puis 35 heures fin 1999/2000. Passer de 65 ans à 60 ans en 1983 par ordonnance avait été un peu moins compliqué si ce n’est la perte d’un seul coup, d’une partie importante du savoir faire de l’entreprise. Pour les 35 heures, les grandes entreprises se sont beaucoup plus vite adaptées que les autres, compte tenu de l’importance de chaque service. Elles sont aussi, celles qui ne réclament pas forcément le rétablissement des 40 heures. Même si comme les autres, elles auraient beaucoup à y gagner.

Toutes les entreprises bénéficieraient plus ou moins rapidement, suivant leur secteur d’activité, d’une forte hausse de consommation. Qui dit plus de consommation dit plus de commandes, mais aussi à terme des investissements et des embauches et de meilleures marges. Qui dit gagner plus, peut aussi dire dépenser mieux, acheter moins de produits Low cost, d’où de meilleures marges en vue.

Autre point important qui a rarement été abordé, c’est les gains obtenus sur les amortissements. Lorsque l’entreprise effectue 35 heures, tous ses biens et matériels sont amortis sur cette base horaire. Si elle passe à 40 heures, ses coûts d’amortissements diminuent de plus de 14%, très intéressant pour la marge et le prix de vente. Autre avantage organisationnel ; les quarante heures ont été très longtemps dans de très nombreux pays, la base horaire semaine. Pourquoi ?

Tout simplement parce que 5 jours à 8 heures fait 40 heures. En poste en 3 x 8 = 24, 5 x 8 = 40 (feux continus), d’où des comptes justes par rapport au jour à la semaine, sans avoir recours à des réorganisations très compliquées. Par exemple, pour effectuer une semaine complète avec 35 heures, le week-end est effectué par une autre personne en 2 x12, c'est-à-dire en dépassant l’horaire jour autorisé. Il faut donc une autorisation de l’inspection du travail pour respecter la loi ! Par contre cette personne pour ces deux jours, soit 24 heures est payée au minimum 35 heures. Vous pouvez constater, que les 35 heures ont eu des incidences sur la rentabilité des entreprises. (Il faut noter également que les salariés qui effectuent 8 heures en continu, bénéficient d’une prime panier ou casse-croûte payée et d’une demi-heure maximum non travaillée payée).

De plus les RTT, qui en ont découlé, ont obligé de revoir également toutes les organisations. Essayer de trouver votre interlocuteur les mercredis et vendredis après midi, est souvent très difficile ! Ces RTT ont d’ailleurs été regardées avec « bizarrerie » par beaucoup d’autres pays, notamment les anglo-saxons. Il est vrai que celles-ci ont permis, côté salarié, une facilité d’organisation familiale des enfants et des loisirs.

Il faut toutefois noter que les RTT n’existent que si le salarié effectue plus de 35 heures dans la semaine, ce que beaucoup de jeunes n’ont pas connaissance, pensant que c’est des congés supplémentaires comme d’autres. Pour les cadres, cela a été « un cadeau » électoraliste puisque théoriquement leur rémunération correspond à une tâche définie et non à une fonction liée à un horaire.

Autre constat, revenir aux 39 heures mises en place sous l’aire Mitterrand, serait une ineptie, surtout par rapport à l’analyse effectuée ci-dessus et aussi parce qu’une seule heure en moins ferait perdre 60 milliards dans l’économie. Un autre indicateur lié en partie aux heures travaillées : Le coût horaire moyen de travail en 2015 est de 36,2€ en France, 33,9€ en Allemagne, 29,12€ au R.U., 27,69€ en Italie, 21,05 en Espagne et de 29,9€ pour l’Europe. D’où la difficulté des entreprises françaises à être compétitives.

Passer de 35 à 40 heures peut diminuer le coût horaire jusqu’à 14%. Autre constat : Compte tenu des difficultés financières de l’état et même de beaucoup d’entreprises, la proposition de laisser aux entreprises la possibilité d’opter pour l’horaire qui leur convient, n’est pas réaliste. La fameuse flexibilité réclamée et prônée par beaucoup, notamment par des politiques de droite, ne peut permettre de remonter rapidement les comptes de l’Etat. Les entreprises feront tout pour effectuer le minimum d’heures travaillées, pour être compétitives dans leur marché souvent restreint. La flexibilité, oui, mais au-dessus des 40 heures et sans restriction jusqu’à 48 heures, voire plus, telle la liberté qui existait pendant les 30 glorieuses. Autre avantage pour elles : aucune heure supplémentaire à payer en dessous de 40 heures, quitte à ce que les sociétés qui font plus de 35 heures, négocient les salaires nouveaux avec heures supplémentaires antérieures comprises. Elles y gagneront encore.

Alors qui osera et prendra le risque de passer à ces 40 heures ? Les prochaines élections présidentielles nous le diront peut-être ?

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Daniel Moinier a travaillé 11 années chez Pechiney International, 16 années en recrutement chez BIS en France et Belgique, puis 28 ans comme chasseur de têtes, dont 17 années à son compte, au sein de son Cabinet D.M.C. Il est aussi l'auteur de six ouvrages, dont "En finir avec ce chômage", "La Crise, une Chance pour la Croissance et le Pouvoir d'achat", "L'Europe et surtout la France, malades de leurs "Vieux"". Et le dernier “Pourquoi la France est en déficit depuis 1975, Analyse-Solutions” chez Edilivre.

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