Pauvreté en France : à qui vont les minima sociaux ?

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Par Gérard Thoris Modifié le 11 octobre 2012 à 8h54

Le seuil de pauvreté peut être considéré comme bien faible ou bien élevé. Pour le savoir, chacun peut y aller de son calcul. Cependant, avant de sortir sa calculette, on serait bien inspiré de considérer le mode de production de ce chiffre.

L’information la plus connue est qu’il s’agit d’un pourcentage du revenu médian. Dans l’Union européenne, la référence est de 60 % mais l’INSEE annonce calculer des taux entre 40 et 70 %. Or, le taux de pauvreté est très sensible aux effets de seuil puisqu’il passe de 3,3 % (seuil de 40 %) à 7,8 % (seuil de 50 %, mesure traditionnelle en France) et 14,1 % (seuil de 60 %).

On avouera que ces trois mesures ne reflètent pas les mêmes phénomènes sociaux. Depuis la réforme de 2006, la diversité des revenus intégrés dans la mesure a été sérieusement amendée. On y trouve de fait l’ensemble des revenus d’activité, une estimation des revenus du patrimoine et l’essentiel des prestations sociales, dont la prime pour l’emploi et les minima sociaux.

On tient compte parallèlement des impôts acquittés par les ménages dans la stricte limite de l’impôt sur le revenu et de la taxe d’habitation. On a néanmoins quelque peine à considérer qu’il s’agit d’un bon indicateur du niveau de vie. En effet, le même seuil de pauvreté monétaire de 964 euros ne signifie pas la même chose selon que l’on est propriétaire ou locataire de son logement.

Le phénomène est bien approché par l’INSEE qui calcule que le taux de pauvreté moyen de 13,5 % varie entre 6,45 % pour les accédants à la propriété et 28,2 % pour les locataires d’un logement HLM (chiffres de 2009, allocations logement comprises). On vérifie une fois de plus que le flux des revenus ne dit rien du niveau de vie sans considération du stock de capital (humain, financier, immobilier). On vérifie parallèlement qu’on ne lutte pas contre la pauvreté de la même manière dans l’un et l’autre cas.



Ensuite, avoir le niveau de vie d’un pauvre une année donnée, ce n’est pas être pauvre. Or, là encore, on dispose d’informations intéressantes, même si elles sont anciennes. En 2006, il y avait 13,2 % de pauvres "instantanés". Mais on trouvait seulement 7,9 % de personnes pauvres trois années sur quatre. Bien entendu, toutes les trajectoires peuvent être imaginées pour ceux qui n’ont été pauvres qu’une année ou deux. Reste que, après l’introduction du stock de richesse, la prise en considération de la dynamique de revenu est fondamentale.

Enfin, on raisonne comme si la société restait inactive devant la pauvreté. Certes, elle agit déjà beaucoup par les prestations sociales dont les minima sociaux. Mais les pauvres bénéficient aussi de ce qu’il est convenu d’appeler des droits connexes qui ont la caractéristique d’être faibles en valeur, distribués en nature ou relevant de la niche sociale. Ils ont surtout la caractéristique de ne faire l’objet d’aucune évaluation monétaire même si les enquêtes montrent qu’elles peuvent représenter entre 7 % et 40 % des transferts légaux.

En nous limitant à l’estimation des droits connexes d’une personne isolée sans activité, on peut considérer qu’elle représente 130 euros par mois, ce qui est très proche de la différence entre les seuils de pauvreté à 50 et 60 %, à savoir 150 euros. Voilà pourquoi il serait tellement précieux que ces droits connexes locaux puissent faire l’objet d’une déclaration citoyenne, ce qui serait le seul moyen d’en connaître l’importance relative dans le budget des pauvres et d’ajuster l’aide sociale vers ceux qui en ont le plus besoin.

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Gérard Thoris est agrégé en Sciences sociales, titulaire d'une maîtrise de 3ème cycle en Sciences économiques de l'Université catholique de Louvain, et diplômé de l'IESEG. Il est également licencié en philosophie. Professeur agrégé à Sciences Po, il a notamment rédigé une Analyse économique des systèmes (Paris, Armand Colin, 1997), contribué au Rapport Antheios et publie régulièrement des articles en matière de politique économique et sociale (Sociétal, Revue française des finances publiques…). 

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