Quand les retraites anticipées freinent le retour à la croissance

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Par Daniel Moinier Publié le 15 avril 2015 à 5h00
Retraites Complementaires France Cout Etat
@shutter - © Economie Matin
25 %En 2014, avec plus de 25 % du total, les retraites anticipées boostent les déficits et diminuent gravement la croissance.

En 2004, François Fillon, sous la pression des syndicats et de la rue, avait créé les premiers départs anticipés pour ceux qui avaient démarré leur activité avant 16 ans. Dès son arrivée, François Hollande pour plaire à son électorat, en a remis une « couche » avec des départs anticipés pour ceux qui ont commencé avant 20 ans.

Cette mesure a été et est encore complètement catastrophique pour les finances de l’état, le pouvoir d’achat, la croissance et l’emploi. Cette nouvelle retraite anticipée depuis sa mise en place a remportée un franc succès. C’est déjà plus d’un million de salariés du régime général qui ont bénéficié de ce dispositif sur les 13 millions que comporte ce régime.

En 2010, une première réforme avait ouvert le dispositif à ceux ayant commencé à travailler avant 18 ans. Mais le passage au moins de 20 ans a concerné encore plus de salariés. Plus vous reculez l’âge, plus cela concerne un nombre bien plus important de salariés. Ceux ayant commencé de travailler à moins de 16 ans n’étaient déjà plus « légion ». Dommage pour les finances, d’autant que les retraites anticipées commençaient de diminuer depuis 2009, avec les entrées tardives sur le marché du travail et l’allongement de la durée d’assurance des générations nées à partir de 1953.

Proportion de retraites anticipées par rapport à l’ensemble des retraités

Nombre de retraités Carrières longues depuis 2003

Il ne faut pas oublier, que les possibilités de partir avant 60 ans sont plus limitées. Mais ceux qui sont nés en 1957, totalisant 174 trimestres, peuvent encore partir à 57 ans. Ceux qui sont nés en 1960, ayant totalisé 175 trimestres à 58 ans… Ces trois dispositifs successifs ont eu et ont encore des répercussions catastrophiques sur le pouvoir d’achat, la consommation, l’emploi, les rentrées fiscales, l’investissement, le niveau des retraites, le déficit, les dettes de Sécurité Sociale, des Caisses de retraites, d’Assedic…

L’Etat a estimé à fin 2014 que le surcoût simplement versé au titre des retraites anticipées serait de plus de 17,8 milliards d’euros. Rien que pour l’année 2014, son coût serait de 2,03 milliards d’euros. Soit 35% de plus qu’en 2013, surcoût estimé à 1,5 milliard d’euros, derniers chiffres sortis dans la lettre de cadrage de mars 2015 de la caisse d’assurance retraite.

Mais ces chiffres annoncés sont très loin de la réalité financière et économique perdue. Il est certain que dans la situation catastrophique financière dont se trouvent nos gouvernements depuis des décennies, il ne faut pas s’attendre à obtenir un bilan chiffré des véritables pertes pour nos finances. Moins il est annoncé de déficit, plus les espoirs de se refaire une santé politique sont favorables. En effet, ne compter que le surcoût à régler par les caisses de retraites est relativement facile comptablement, à exécuter.

Analysons le coût réel perdu, du départ anticipé, jusqu’à la date qui aurait due être celle du départ normal :
- Perte due aux pensions payées trop tôt
- Perte de salaire ;
- Perte des charges salariales
- Perte des charges patronales
- Perte de pouvoir d’achat
- Perte de rentrée d’impôts

Pour un seul salarié, le coût réel perdu peut se calculer ainsi : Estimons que le salaire au départ est égal à 1, l’ensemble des charges seront de 1, la pension payée de 0,65. C’est à dire que la perte représente par nouveau retraité 2,65 de salaire moyen. Il faut en plus ajouter la perte de pouvoir d’achat, 0,35 du salaire ainsi que 40% d’impôts de plus, soit en moyenne 466€. Cela donne la valeur perdue d’un peu plus de l’équivalent de 3 salaires.

Le salaire net moyen annuel 2014 étant de 22.222€, nous arrivons à 68.890€ de perte par Salarié/Retraité. Rien qu’en 2014, c’est 147.208 retraités supplémentaires : Soit pour la seule année 2014, un montant perdu de 3,72Mds d’euros. Si l’on compte une seule année de retraite anticipée pour les 1.044.465, nous arrivons à 26,4milliards d’euros de perte. Avec deux années, ce qui serait à peine la moyenne, nous totalisons 53 milliards d’euros perdus. Ce qui est très largement au dessus des 17,8 milliards d’euros annoncé par l’état. Si nous voulons être plus précis, puisque les 17,8 milliards calculés par l’état représentent uniquement les pensions payées en plus avant d’atteindre la retraite normale, que représente la perte financière totale ? Si l’on fait l’équation de 0,65 par rapport à 3, cela représente 82 Milliards de moins dans les caisses et dans l’économie sur 10 années.

Autre éléments à prendre en compte : Actuellement à chaque départ de deux salariés en retraite, il y a peine une embauche. Ce qui accentue encore le chômage, les pertes de rentrées pour l’Etat. Contrairement à tout ce que l’on a pu entendre depuis longtemps : Plus il y aura de seniors qui partiront tôt en retraite, plus il y aura de la place pour les jeunes. C’est en fait tout le contraire, un seul départ trop tôt en retraite, fait perdre la valeur financière de quatre jeunes embauchés. Calcul selon le même processus que ci-dessus, sachant qu’un jeune de 20/22 ans perçoit un salaire moyen de 40% par rapport à la moyenne d’un de 60 ans. C’est pourquoi le chômage des jeunes est si élevé en France. Il est même en grande partie, proportionnel au non emploi des seniors.

Si nous comparons la France à l’Allemagne : Chez nos voisins le temps d’activité commence plus tôt et termine plus tard, c’est près de 5 années en moins en France. Sachant qu’une année de moins d’activité nous fait perdre 60/65 Mds d’euros. Avec cinq années nous arrivons à un écart de plus de 300 milliards en faveur de l’Allemagne. Avec cette manne en plus, elle peut avec beaucoup moins de difficultés que nous, obtenir de meilleurs résultats, avec de meilleures marges pour les entreprises, ainsi que plus de facilités pour l’export. Elle n’est pas non plus obligée de créer des CICE, Pacte de responsabilité, etc… pour relancer l’activité en puisant les ressources avec des emprunts, alors que nous avons déjà un large déficit et une dette qui dépasse allègrement les 2000 milliards d’euros.

D’autres dispositifs plus compréhensibles mais amplifiant tout de même encore les pertes, permettent des départs anticipés à titre dérogatoire (au titre du handicap, de l’exposition à l’amiante...). Leurs bénéficiaires représentent 7,2 % de l’ensemble du flux de départs en retraite anticipée. Par ailleurs, la loi du 20 janvier 2014 instaure un compte personnel de prévention de la pénibilité (C3P) à compter du 1erjanvier 2015 qui permet aux salariés exposés à des facteurs de pénibilité de convertir les points acquis en trimestres de retraite pris en compte pour le bénéfice de la RALC, mais aussi d’anticiper leur départ jusqu’à deux ans avant l’âge légal. Le champ d’étude retenu ici est celui du régime général, même si le dispositif de retraite anticipé pour longue carrière concerne également les régimes alignés et le régime des exploitants agricoles, les régimes des professions libérales et les régimes de la fonction publique, non pris en compte dans l’étude ci-dessus.

Ces dispositifs tous à buts idéologiques et politiques, amplifient ceux déjà adoptés en 1983 et 2000 qui sont de même nature. (Diminuer le temps de travail alors que la durée de vie ne cesse d’augmenter. De 40 heures à 39 heures, retraite de 65 à 60 ans, puis de 39 heures à 35 heures). Tout cela pour faire plaisir à l’électorat sans s’occuper des retombées très néfastes pour l’économie française et par là même de ses administrés : Baisse constante du niveau de vie, du pouvoir d’achat, plus de pauvres, problèmes de banlieues, SDF ; des entreprises qui ont des marges exsangues, des déficits et surtout une dette qui atteint un niveau insupportable.

Bravo la politique. Quand aurons-nous un Postulant qui fera abstraction de ses mandats, pour en premier, expliquer aux français la seule politique qui saura rapidement remonter le niveau de la France par le bas, gagner leur confiance et mettre de suite ces deux seules mesures capables de booster la France rapidement ? Autre constat, notre retard de croissance par rapport à de nombreux pays d’Europe, vient en partie de ce dispositif et bien sûr également de nos départs en retraite beaucoup trop tôt.

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Daniel Moinier a travaillé 11 années chez Pechiney International, 16 années en recrutement chez BIS en France et Belgique, puis 28 ans comme chasseur de têtes, dont 17 années à son compte, au sein de son Cabinet D.M.C. Il est aussi l'auteur de six ouvrages, dont "En finir avec ce chômage", "La Crise, une Chance pour la Croissance et le Pouvoir d'achat", "L'Europe et surtout la France, malades de leurs "Vieux"". Et le dernier “Pourquoi la France est en déficit depuis 1975, Analyse-Solutions” chez Edilivre.

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