A en croire le redressement des enquêtes de confiance et les chiffres de croissance du premier trimestre 2015, la France est engagée sur le chemin de la reprise. Pour s’assurer de sa solidité, l’investissement et l’emploi doivent encore repartir. L’horizon n’est pas complètement dégagé mais beaucoup de conditions sont réunies pour que cela advienne, ouvrant la voie à une reprise auto-entretenue et à une croissance plus dynamique.
En France, la question « la reprise est-elle là ? » est sur toutes les lèvres ou presque. Il y a plusieurs raisons à cette interrogation récurrente. Tout d’abord, les espoirs de reprise ont déjà été déçus trois années de suite : en 2012, 2013 et 2014. En cause : la crise du secteur de la construction (plus sévère et longue que prévu), le moindre succès qu’escompté des mesures de relance de l’offre (pacte de compétitivité puis pacte de responsabilité), la consolidation budgétaire plus laborieuse qu’espéré, un environnement extérieur moins porteur qu’attendu, une visibilité toujours réduite et une incertitude toujours élevée.
Une croissance proche de zéro
Dans ce contexte, la croissance française est restée positive mais proche de zéro : 0,2% en moyenne annuelle en 2012, 0,7% en 2013 et 0,2% en 2014. L’année dernière, la France est ainsi, avec la Lettonie, le seul pays de la région à ne pas avoir vu sa croissance accélérer. Pour la première fois depuis 2008, la croissance française se retrouve très nettement inférieure à celle de la zone euro (qui s’est inscrite à 0,9%). Le tout contribue à dépeindre le tableau d’une économie française à la traîne et alimente les interrogations sur la réalité de la reprise.
Même le net rebond de la croissance française au premier trimestre 2015 (+0,6% en rythme trimestriel en première estimation) les alimente. Cette performance est pourtant solide (avec une contribution à la croissance de la demande intérieure finale de 0,5 point similaire à l’Allemagne). Mais elle pâtit de la contribution très positive des variations de stocks, dont la correction pèsera sur la croissance à court terme. Cela ne signifie pas pour autant que la reprise est un mirage. La question ne doit pas tant porter sur la réalité de cette reprise que sur son rythme.
Divers signaux positifs
Qu’est-ce qui nous fait croire à une reprise aujourd’hui ? Des conditions plus favorables (qui n’étaient pas en place les années précédentes) et qui se traduisent par divers signaux positifs. Du côté des facteurs de soutien à la croissance, aux taux d’intérêt bas et aux allègements de charges et efforts divers et variés du gouvernement français pour redresser l’économie, s’ajoutent la forte chute des prix du pétrole depuis juin 2014, la dépréciation significative de l’euro depuis mars 2014 et, depuis mars 2015, le surcroît de stimulus monétaire venant de la politique d’assouplissement quantitatif de la BCE. Le redressement de la zone euro, enclenché depuis le deuxième trimestre 2013, est un autre élément favorable. Et la remontée depuis la fin 2014 des enquêtes de confiance des consommateurs et du climat des affaires étaye le mouvement de reprise.
Celle-ci n’est, en revanche, pas encore fermement établie : elle n’est pas généralisée à l’ensemble des composantes du PIB ; c’est aussi pour cela qu’elle pose encore question. La consommation des ménages et les exportations sont orientées à la hausse mais ce n’est pas encore le cas de l’investissement des entreprises (et encore moins de celui des ménages). Le redémarrage de l’emploi manque également à l’appel et, avec lui, la baisse du chômage. En fait, pour beaucoup, la reprise ne sera pas réelle tant qu’elle ne s’accompagnera pas d’un reflux du chômage. A ce stade, rien d’anormal toutefois : la reprise est trop récente et limitée pour relancer l’investissement et l’emploi. Mais le redressement de ces deux indicateurs sera surveillé de près au cours des prochains mois car ils sont la condition sine qua non pour transformer l’essai : pour que, de fragile, la reprise devienne solide car auto-entretenue.
Ce mécanisme vertueux a de bonnes chances de s’enclencher dans le courant du second semestre de 2015, faisant de 2016 la véritable année de la reprise, avec un taux de croissance plus près de 2% que de 1% et un taux de chômage inscrit à la baisse. Cependant, si la reprise semble mieux engagée que les années précédentes, on ne peut occulter les risques d’achoppement. La compétitivité dégradée, le chômage de masse, les déséquilibres budgétaires sont autant de vents contraires freinant le redressement de l’économie française. Les risques haussiers ont fait leur retour (possibilité que la croissance surprenne favorablement) mais les risques baissiers abondent encore (possibilité que la reprise fasse long feu). Parmi ces derniers, on gardera un œil sur la Grèce, le ralentissement de la Chine, la normalisation délicate à venir de la politique monétaire américaine et le regain de nervosité des marchés financiers.