L’égalitarisme, ce nouveau totalitarisme

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Par Charles Sannat Publié le 1 octobre 2012 à 14h02

Comme vous l’aurez compris, je suis agacé. Pas par la gauche, je suis plutôt bienveillant à l’égard des belles idées, quoique… Non, je suis agacé par la bêtise, qui est la qualité la mieux partagée, toute couleur politique confondue.

Il semblerait que notre président ait décidé d’aligner le statut des auto-entrepreneurs sur le régime des TNS (travailleurs non salariés), ce qui revient évidemment à supprimer ce statut et à demander encore une fois au créateur de verser 10 000 euros de taxes, charges et sommes en tout genre avant d’avoir réussi à avoir même son premier client.

Le principe du régime de l’auto-entrepreneur était justement de ne payer que lorsque vous aviez réalisé un chiffre d’affaires. Sur ce montant, une fois encaissé, l’État prélève donc environ 25 %. Cela signifie qu’un auto-entrepreneur réalisant 30 000 euros de chiffre d’affaires doit tout de même payer à l’État 7 500 € par an. On ne peut quand même pas parler de cadeau ni de gratuité à ce niveau. Mais c’en est trop pour notre gouvernement qui souhaite, semble-t-il, vouloir supprimer ce qui fut un véritable succès pour la création d’entreprise. Par ailleurs, dans un monde ouvert, de libre circulation des biens, des capitaux et des personnes, notre gouvernement décide de surtaxer nos riches. Pourquoi pas.

Je rappelle juste que les frontières sont ouvertes, et que nous ne pouvons pas les forcer à rester !! Alors certains peuvent regretter leur manque de patriotisme, certes, mais il est un fait qu’à vouloir casser l’État-nation, qu’à force de traiter de fasciste toute personne aimant son pays, le patriotisme n’est plus en France une valeur vraiment partagée. D’ailleurs la gauche est essentiellement responsable de cet état de fait, puisque le patriotisme mène dans le corpus idéologique de la gauche française au fascisme, au racisme et tous les autres trucs en "-isme" incompatibles avec la bien-pensance "boboïsante" moderne.

A force de cracher sur l’Histoire, sur le Drapeau, sur l’identité nationale, ne comptent plus que l’identité et l’épaisseur de mon porte-monnaie… Vous êtes surpris ? Vous ne vous y attendiez pas ? C’était une évidence. Le patriotisme ne se découpe pas en tranches. Il ne peut pas être à géométrie variable. Et oui, comme toute chose, il peut entraîner des excès. Résultat : on demande aux riches de faire preuve de patriotisme alors que l’essentiel de notre pays "crache" sur tout ce qui est justement patriotique. Je ne juge pas. Je constate.



Logiquement, les riches déjà, quoi qu’on en dise, fortement taxés – la France a l’un des plus forts taux de taxation – font un bras d’honneur aux mêmes qui crachent sur le patriotisme mais qui voudraient les voir payer pour leur confort personnel au nom même d’une valeur qu’ils rejettent par ailleurs. Comme les choses ne peuvent pas fonctionner comme cela, eh bien figurez-vous qu’elles ne marchent pas.

Où en sommes-nous donc après 100 et quelques jours du règne de François Hollande ? Les riches ont commencé un véritable exode. Pas bien loin, rassurez-vous pour eux. 2 heures d’Eurostar, 1h30 de Thalys, ou 3 heures pour atteindre Genève. Rien de très difficile. Plus de contrôle aux frontières et un réseau de trains à grande vitesse performant.

Enfin, le projet de loi de finance présenté vendredi 28 septembre n’a pas plu aux entrepreneurs français, qui le font savoir. Né sur les réseaux sociaux, le mouvement des "pigeons entrepreneurs" a rapidement fédéré une importante communauté. Au commencement, une intervention de Jean-David Chamboredon (CEO d’ISAI), dans La Tribune, dénonçant l’alignement de la fiscalité du capital sur celle du travail. Conséquence : la taxation de plus de 60 % de la plus-value de cession ou, dit autrement, la fin de l’entrepreneuriat français.

Nos "pigeons entrepreneurs" rappellent, à juste titre, que dans notre douce France, l’immobilier, qui ne produit aucune richesse lorsque l’on se le revend entre nous avec 15 % d’augmentation par an mais produit des bulles spéculatives dramatiques pour l’économie, dispose d’une fiscalité extraordinaire puisque les plus-values sur la résidence principale sont tout simplement de 0. Rien, gratuit. Exonéré. Je ne juge pas. Je constate.

Ils font également remarquer qu’une plus-value sur un tableau de Picasso de 100 millions d’euros, c’est 0, et que bien sûr un tableau, cela ne rentre pas dans l’assiette ISF ! Normal. Le détenteur d’un tableau est forcément un être de lumière culturel qu’il faut à tout prix privilégier. Je ne juge pas. Je constate.



Pas comme ces riches, pas comme ces entrepreneurs qui doivent être cloués au pilori. Il faut dire, les entrepreneurs sont des salops. D’ailleurs, plus ils deviennent gros… plus ils ont de salariés, plus ils exploitent du monde. C’est une honte. On devrait limiter enfin la taille des entreprises et les empêcher de grossir. Toute entreprise devenant trop importante devient un véritable lieu d’exploitation des masses laborieuses de travailleurs et de travailleuses.

Quant aux riches, eux aussi ils devraient être interdits. Puisque nous sommes tous égaux, nous devrions tous recevoir un salaire identique. Si moralement, rien ne justifie un écart de 1 à 100, rien non plus ne justifie un écart de 1 à 50. Suivant ce principe qui me semble frappé au coin du bon sens, je ne vois pas non plus ce qui moralement peut justifier un écart de 1 à 2. Par conséquence, je ne peux imaginer que tout le monde ne soit pas d’accord avec moi. Logiquement, nous devrions tous gagner la même chose. Il y a une base excellente pour ça. Le Smic.

Tout le monde à 1 000 € net, y compris les profs. Je ne vois pas selon quel principe ils devraient gagner plus que 1 000 € par mois. Il en va de la nécessité d’être tous égaux. Un prof ne vaut pas plus, ni mieux (et pas moins) qu’un ouvrier, qui ne vaut lui-même pas plus que n’importe quel cadre de la finance ou de tout autre secteur. Dès lors, nous pourrions envisager un monde se rapprochant de la perfection.

Comme tout le monde serait enfin sur le même pied d’égalité, je ne vois pas au nom de quel principe moral nous pourrions accepter que certaines personnes fassent des choix différents des autres. Nous ne pouvons donc pas accepter, par exemple, que chaque citoyen français fasse un choix de consommation qui lui serait propre. C’est pourquoi, moi, François Hollande, président de la République, je viens de demander à mon ministre du Redressement improductif d’établir la liste des produits qui seront autorisés à la vente en France, mais qui continueront à être produits en Chine, puisque la mondialisation ne doit pas être remise en cause.

Pour chaque besoin, un seul produit sera disponible pour tous. En effet, au nom du principe d’égalité, il n’est pas concevable que l’un d’entre vous puisse en avoir une plus grosse que la mienne, je parle de la voiture bien sûr. Il n’y aura donc que le modèle de Dacia Logan entrée de gamme sans option qui sera vendu en France à compter de ce jour. Une seule couleur. Le blanc. Que les "Daciaïstes" se rassurent, je suis un heureux propriétaire de Dacia par choix, et je n’éprouve nullement le besoin de critiquer ceux qui font le choix d’avoir une belle voiture, que mon fils est très content de pouvoir admirer dans les rues !

Pour les téléphones portables, les Samsung et Iphone sont désormais interdits – avouez, un truc comme ça, ça en emmerderait plus d’un ! Seul le modèle Sagem sera désormais distribué par les PTT (le nouveau nom d’Orange) que je nationalise à compter de ce jour. Selon ce principe d’égalité, avec lequel je ne conçois pas un instant qu’une seule personne soit en opposition, nous interdisons toute notion de propriété. L’ensemble des logements est donc nationalisé. Un logement sera attribué par le gouvernement à chaque famille suivant le principe de la mixité sociale et de la taille de la famille concernée.

Enfin, le critère sera la rotation. Les familles des quartiers aisés devront rejoindre à due proportion les quartiers populaires et inversement. Un tirage au sort, au nom du principe d’égalité, sera effectué par la ministre Duflot. Bref, l’égalitarisme c’est bien, l’égalité c’est beau, nous sommes tous pareils, donc nous touchons tous la même chose.

Plus de riches, plus de pauvres. Voilà un monde idéal que moi, François Hollande, je vous promets, car en vérité je vous le dit, rien, je dis bien rien, moralement ne justifie quelque inégalité que ce soit. Alors, enfin, tous ensembles, nous pourrons partager la misère, mais de façon égalitaire !

PS: ma femme me signale que ce que je viens d'écrire ressemblerait à une expérience déjà tentée sous d'autres contrées et qui aurait échoué. Je ne sais pas à quoi elle pense. D'ailleurs, je déteste quand les libéraux expliquent que toute restriction, c'est du communisme ! Peut-être faudrait-il enfin juste du bon sens. Plus d'idéologie, juste du bon sens !

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Charles SANNAT est diplômé de l'Ecole Supérieure du Commerce Extérieur et du Centre d'Etudes Diplomatiques et Stratégiques. Il commence sa carrière en 1997 dans le secteur des nouvelles technologies comme consultant puis Manager au sein du Groupe Altran - Pôle Technologies de l’Information-(secteur banque/assurance). Il rejoint en 2006 BNP Paribas comme chargé d'affaires et intègre la Direction de la Recherche Economique d'AuCoffre.com en 2011. Il rédige quotidiennement Insolentiae, son nouveau blog disponible à l'adresse http://insolentiae.com Il enseigne l'économie dans plusieurs écoles de commerce parisiennes et écrit régulièrement des articles sur l'actualité économique.

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