5 mai 2013 ou le retour des camisards et des chouans

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Par Eric Verhaeghe Modifié le 6 mai 2013 à 15h01

Ce dimanche 5 mai 2013, c’est à un fort étrange spectacle que la lucarne magique a convié les Français : le retour des camisards et des chouans défilant dans les rues des villes, et de Paris en particulier.

D’un côté les camisards de Jean-Luc Mélenchon. Celui-là a du père Duchesne en lui, n’étaient ses phrases d’homme éclairé, sa dialectique supérieure, ses résidus si voyants d’école laïque, qui incite le peuple à la méfiance et le condamne à n’être puissant que dans les esprits cévenols attachés à la réforme. Mélenchon est un fils d’ouvrier, mais n’est pas assez ouvrier lui-même pour qu’il parvienne à soulever tout le peuple, ni à attirer à lui ces petites gens déboussolées par trente ans de progrès, par vingt ans de traité de Maastricht, par dix ans d’euros, dont le seul bénéfice va aux puissants.

Certes, les pauvres du Royaume se savent floués par tant de mensonges officiels. Ils voient bien que la conduite des affaires, qu’on leur disait entre de bonnes mains, qui exigeaient d’eux tant de résignation dans l’attente du salut, les a menés à la ruine sans espoir de paradis. Les puissants, les grands, leur ont menti et ils sont en colère. Mais ce Mélenchon, malgré toutes les attaques contre les grandeurs d’établissement, parlent encore comme l’un de ces grands qu’il condamne. Il porte en lui les stigmates de cette puissance : la confiance qu’il inspire est mesurée, et l’amour qu’il suscite tient plus du fanatisme que de l’enthousiasme.

Face à Mélenchon, ce sont les chouans qui défilent contre le mariage des invertis, contre ces lois païennes qui déshonorent selon eux la France et l’idée qu’ils s’en font. Ces gens venus de nulle part, qui, en mon Royaume, fussent laboureurs, artisans, hobereaux, chrétiens convaincus, gens pieux, ont décidé de prendre les armes pour abattre un régime qu’il tolérait tant qu’il ne faisait pas violence à leurs convictions, et qu’ils détestent aujourd’hui, jusqu’à souhaiter sa mort.

Ah ! Que je l’aime ce bon peuple de Vendée qui rend grâce à notre seigneur Jésus-Christ, et qui abhorre tout ce qui représente l’oppression parisienne. Il est bien décidé à rompre le cou à cette république cupide et avaricieuse, où les scandales succèdent aux scandales, et où le vice est devenu la vertu pendant que la vertu est devenue le vice.

Je m’amuse en lisant les gazettes, car aucun de ces commentateurs experts, qui professent dans des écoles de gourgandins aux titres ronflants, n’a repéré qu’après deux siècles d’enfouissement derrière les coulisses d’une histoire censurée, ceux qui défient la loi, la maréchaussée, les institutions elles-mêmes, ceux qui revendiquent pour eux-mêmes et leur combat la légitimité du droit, ceux-là sont animés des mêmes esprits que ces Vendéens et ces Bretons en guerre contre la Révolution.

Décidément, tant le vingtième siècle fut celui du progrès, le vingt-et-unième semble celui de la régression : car c’est bien à un stade régressif de l’histoire politique française que le 5 mai nous renvoie : cette journée enjambe deux siècles pour revenir à l’Ancien Régime, à la Révolution, et aux vieilles pulsions de la société française.

Ce qu’on appelle la Révolution fut, en un sens, l’action concomitante, dans une rupture globale d’équilibre, de deux courants obscurs de la société: celui des camisards, de ces réformés partisans d’une société fondée sur d’autres lumières que celles de la majorité, et prêts à se battre pour triompher, et celui des chouans amis d’un règne éternel dont la France devait s’inspirer.

Je me délecte en les voyant battre le pavé le même jour.

Existe-t-il d’ores et déjà entre eux une connivence suffisante pour que, sans l’avouer, ils profitent de la faiblesse du régime, de la velléité de son monarque, pour le renverser?

Je serais à ta place, François, je prendrais garde à ces alliances de fortune et de circonstance qui suffisent parfois à renverser un régime que l’on croit éternel. Tu me ris au nez quand je te dis cela. Mais songe bien à ton élection. Il y a un an, imaginais-tu possible une telle journée ?

Que ces deux forces fassent étincelle, et l’incendie de la révolte sera à tes portes. Souviens-toi : le petit peuple des faubourgs est affamé, il souffre du chômage et du désespoir. Il ne demande qu’une chose: se divertir dans les rues de Paris, avec force piques et abondances de calicots.

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Né en 1968, énarque, Eric Verhaeghe est le fondateur du cabinet d'innovation sociale Parménide. Il tient le blog "Jusqu'ici, tout va bien..." Il est de plus fondateur de Tripalio, le premier site en ligne d'information sociale. Il est également  l'auteur d'ouvrages dont " Jusqu'ici tout va bien ". Il a récemment publié: " Faut-il quitter la France ? "

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