Flexisécurité et flexibilité : un booster pour les entreprises, un naufrage pour les comptes de l’Etat 

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Par Daniel Moinier Publié le 19 février 2016 à 5h00
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25 %Il manque 25 % de temps travaillé en France pour que l'Etat retrouve un équilibre de ses comptes.

Le débat sur la flexibilité de l’emploi et la flexisécurité revient constamment à l’ouvrage depuis bientôt dix ans. L’évolution du droit de licenciement continue également de susciter la réflexion au sein de l’état, mais alimente surtout la méfiance dans l’espace syndical. Le but recherché par le patronat est d’adapter l’organisation du travail et de la productivité aux perpétuelles exigences et mutations de l’économie via la mondialisation.

La flexisécurité issue des Pays-Bas, mais surtout mise en œuvre à partir de 1999 au Danemark, consiste à donner plus de souplesse et flexibilité au marché du travail avec des règles de licenciement les plus souples possible. Cela se ferait en lien avec des indemnisations généreuses de licenciement, mais aussi avec une politique de l’emploi visant à minimiser le chômage de longue durée et la possibilité de mieux contrôler la motivation et disponibilité des chômeurs. En cela, le projet semble très réaliste et intéressant pour les trois parties en présence, même si le fait de simplement parler de flexisécurité irritent les syndicats notamment la CGT et à un degré un peu moindre FO (terme pour eux très « barbare »).

Certains comme Gérard Filoche y voient «Un jargon technocratique dont le but est d'enlever des droits aux salariés." Et d’autres telle Agnès Verdier-Molinier Présidente de l’IFRA, « pense que la flexisécurité peut permettre de mettre fin à la peur d’embaucher ». Un premier pas a toutefois déjà été amorcé avec l’accord national interprofessionnel (ANI) de 2013, pour les entreprises en difficulté. Ceux-ci peuvent négocier avec les représentants des salariés, une augmentation du temps de travail en gardant le même salaire ou même éventuellement une baisse. Avec un accord majoritaire, un salarié peut être licencié s’il n’accepte pas de se conformer au changement.

En ce qui concerne par contre la flexibilité du travail, le rapport Combrexelle du 09 septembre 2015, propose de donner une place plus grande à la négociation collective par rapport au code du travail. Il faut absolument donner plus de souplesse, augmenter les possibilités aux partenaires sociaux de créer, d’expérimenter des droits mieux adaptés au besoin de l’entreprise en passant toutefois par un accord bien défini. Et cela, tout en garantissant des protections que la loi continue de maintenir en fixant toujours le cadre, en gardant tous les fondamentaux qui s’appliquent à tous les salariés.

C’est en fait, donner une place plus grande à la négociation collective par rapport au code du travail avec un principe de base «plus de souplesse, mais pas moins de protection ».

Ci-dessous, le triangle de la flexisécurité à la danoise (Figure de Robert Boyer extraite du cahier français n°347 – éditions La documentation française)

Toutefois lorsque l’on met en avant le modèle danois, celui-ci est-il transposable tel quel, alors qu’au Danemark le taux de syndicalisation est de 67,2% et qu’en France il se situe à seulement 7,7% ? Le rapport de « force » entre salariés et chefs d’entreprises lors de négociations s’en trouve complètement déséquilibré en faveur de ces derniers. D’autre part, si l’on veut que cette réforme aboutisse, il sera certainement nécessaire de modifier la loi, car celle-ci détermine les principes fondamentaux du droit du travail. Vaste chantier en perspective, avec des syndicats qui ont une force de contradiction relativement importante, même s’ils ne sont pas aussi puissants en apparence qu’au Danemark,.

Autre élément de la flexibilité, c’est celui prôné entre-autres par François Fillon tant dans ses discours que dans son livre « Faire » : La flexibilité des horaires de 35 à 40 heures sans heure supplémentaire. En partant de la constatation que depuis la loi sur les 35 heures, si la productivité horaire a augmenté, la productivité globale, elle, a fortement diminué. Nous sommes passés largement au delà de la 25ème place. Pendant ce temps, le coût horaire a augmenté de 3 à plus de 13%. POURQUOI ? C’est simple. Lorsque vous faites quatre et même cinq heures de moins par semaine, soit presque 22 heures par mois (si l’on prend l’ancien horaire), la part de l’investissement étant fixe, il se divise par 35 heures au lieu de 40.

En même temps le prix de l’heure a augmenté de 11,4%, puisque travailler moins avec le même salaire augmente automatiquement le prix. Si l’on résume, dans le cas le plus défavorable, c’est une augmentation du coût horaire de 25% que les entreprises ont dû « digérer ». D’où blocage de beaucoup de salaires pendant plus de cinq ans, des réorganisations fonctionnelles pour minimiser tous les coûts, plus d’automatisme, de robotique et une accélération des cadences. Pour ceux qui ont gardé l’horaire de 39 heures, les heures supplémentaires pénalisent encore plus leur coût horaire.

Que recherchent les entreprises avec la flexisécurité et la flexibilité ? Dans les deux, de la souplesse dans le travail et dans la gestion du personnel, mais surtout une diminution des coûts du travail, donc une meilleure marge. Par comparaison, l’Allemagne, l’Espagne se situent à environ 40%, la moyenne européenne à 37%, la France à un peu moins de 30%, elle était encore à 27,7% en 2013 (le CICE l’a remonté quelque peu). Pourquoi en sommes-nous là ?

Il est indéniable selon Eurostat que les coûts salariaux ont progressé en France beaucoup plus vite que la moyenne européenne, le différentiel favorable qui existait avec l’Allemagne a disparu en une décennie ; les réformes Hartz et Merkel sont passées par là. Seuls trois pays d’Europe se situent dans notre sillage, c’est la Belgique, la Suède et surtout le Danemark. Par contre, si l’on analyse la France sur l’année, mais surtout sur la durée de vie au travail, là nous sommes largement les champions des coûts salariaux. POURQUOI ? Nous avons le plus faible temps d’activité de taux les pays. Il nous manque 25% de temps travaillé pour que l’Etat retrouve au minimum l’équilibre de ses comptes.

Alors quand François Fillon dit d’adapter le temps de travail en fonction de la charge de travail, c’est réaliste pour l’entreprise, mais beaucoup moins pour les comptes de l’état. Cette proposition sera certainement très plausible lorsque l’état sera plus florissant. Mais tout de suite, pour l’état, il faut lui trouver rapidement des rentrées suffisantes pour boucler ses fins de mois difficiles et redonner confiance aux Français.

Car prôner d’abord la flexibilité, c’est pour l’entreprise gérer en premier à minima l’emploi pour minimiser ses coûts, donc sans embaucher de suite. D’où sans augmentation de salarié, pas de rentrée supplémentaire pour l’état, ni de baisse de charges sociales. Il est vrai que si les marges augmentent, l’entreprise pourra gagner des marchés et plus tard, embaucher, mais le temps presse, nous sommes dans une situation détestable, exécrable, les citoyens ne croient plus en rien et encore moins en nos gouvernants, nos politiques. Des associations nouvelles sont en train de se liguer pour essayer de passer outre nos dirigeants. Il faut absolument une mesure forte explicable à nos concitoyens. Alors la seule mesure favorable pour relancer de suite « la machine », c’est d’augmenter le temps de travail avec une base de 40 heures et ensuite, introduire la flexibilité et pourquoi pas la flexisécurité au-delà. Une seule loi résoudrait à elle seule dans un premier temps presque tous nos « maux ».

www.livres-daniel-moinier.com

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Daniel Moinier a travaillé 11 années chez Pechiney International, 16 années en recrutement chez BIS en France et Belgique, puis 28 ans comme chasseur de têtes, dont 17 années à son compte, au sein de son Cabinet D.M.C. Il est aussi l'auteur de six ouvrages, dont "En finir avec ce chômage", "La Crise, une Chance pour la Croissance et le Pouvoir d'achat", "L'Europe et surtout la France, malades de leurs "Vieux"". Et le dernier “Pourquoi la France est en déficit depuis 1975, Analyse-Solutions” chez Edilivre.

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